«J’ai parlé avec les joueurs, ils voient dans quelle situation nous sommes. J’espère qu’ils ont compris que l’honneur du Dunărea Zimnicea est en jeu. Il nous faut tous être responsable et sauver cette équipe de la rétrogradation.» Avec le recul, les mots de Florin Leseanu prennent un tout autre sens. Lorsqu’il les prononçait en mai dernier, son équipe luttait pour son maintien en Liga IV, la quatrième division roumaine. Une mission menée à bien pour l’entraîneur, dont l’équipe termine premier non-relégable et se sauve dans le district de Teleorman. Des efforts ruinés six mois plus tard. Avant même la mi-saison, le Dunărea Zimnicea est (officieusement certes) la plus mauvaise équipe du pays.

Sur les bords du Danube, à 125 km au sud-ouest de Bucarest, la ville de Zimnicea se situe à l’extrême sud du pays, dans le județ de Teleorman. Port fluvial depuis des siècles, cette ville de 14 000 habitants ne fait guère parler d’elle. Encore moins son club de football, même si celui-ci a réussi un petit exploit cet été. Le 16 août dernier, le Dunărea s’est ainsi offert son premier trophée, en remportant la Coupe de Teleorman, une compétition amicale de début d’année. Une victoire surprise acquise en finale face à l’Unirea Brânceni, une équipe qui avait fait parler d’elle la saison dernière en réussissant à atteindre les 16e de finale de la Coupe de Roumanie, ce qu’aucune autre équipe du département n’avait réussi auparavant. Aussi belle soit-elle, cette victoire acquise aux tirs-au-but est un chant du cygne. Le début de la fin.

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L’équipe en fête après la victoire en Coupe de Teleorman | © ziarulteleormanul.ro

Deux semaines plus tard, le tableau d’affichage présente un score bien différent. Pour la première journée du championnat, le Dunărea Zimnicea reçoit sur son terrain le FCM Alexandria. Et face à un grand favori à la promotion, le club local coule, s’inclinant 0-22 ! La raison de cette déroute est simple : les joueurs sont en grève. Officiellement, ces derniers sont mécontents des primes accordées cette année (30 lei par match à domicile – soit 6,70 euros – et 50 lei par match à l’extérieur – soit 11,20 euros). Mais le mal est plus profond. Car durant les quelques jours qui séparent leur victoire en Coupe de Teleorman et le début du championnat, la plupart d’entre eux ont quitté le club pour rejoindre ceux des villes voisines. La poignée de joueurs restés au club a de son côté refusé de jouer. Privé de joueurs, Florin Leseanu doit aligner une équipe de jeunes âgés de 15 à 17 ans, et reprend du service à 32 ans, accompagné de son adjoint Cezar Scutelnicu, âgé lui de 40 ans. Avec le résultat que l’on connaît.

Le coup d’éclat de cette défaite 0-22 met un peu en lumière les difficultés du club. Qu’elles sont loin les années 90, où les clubs du județ de Teleorman dominaient la Divizia C, la troisième division de l’époque ! Avec, au lendemain des événements de décembre 89, le Dunărea Zimnicea, Roșiori et l’Unirea Alexandria qui étaient à la lutte avec le puissant Electroputere Craiova pour l’accession à la deuxième division. Encore présent sur le podium de Liga III dans les années 2000, le club de Zimnicea a lentement coulé, passant en quatrième division, puis à la situation catastrophique d’aujourd’hui. La faute – forcément – au manque de moyens dans cette région de la Monténie roumaine parmi les plus pauvres de Roumanie. A Zimnicea, on dit que la moitié des habitants sont partis travailler en Espagne. Mais l’on pointe également la gestion, et notamment celle du maire Petre Pârvu, coupable pour beaucoup d’avoir fait de ce club la risée de tout un pays. Un maire omnipotent, dont le nom est cité dans nombre d’affaires louches par les médias locaux, et qui n’hésite notamment pas à couvrir son grand ami Ioan Niculae lorsque ce dernier, homme d’affaires le plus riche du pays et propriétaire de l’Astra Giurgiu, oublie de payer ses impôts via ses nombreuses sociétés implantées à Zimnicea.

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Petrică Pârvu | © curentul.ro

Dès l’an dernier, les supporters gérants du club tiraient la sonnette d’alarme, via notamment un communiqué diffusé sur leur page Facebook : « Il faut sauver le Dunărea Zimnicea !!! Cette merveilleuse équipe se trouve en état de mort clinique depuis quelques années. Les équipes des villes et villages voisins nous battent nettement à domicile comme à l’extérieur. […] Des équipes « de la campagne » ont des places assises quand notre cher terrain semble sorti d’une guerre. » Daté de décembre dernier, ce communiqué veut motiver les éventuels sponsors et supporters à faire revivre les heures de gloires du club. Un vœu loin d’être exaucé un an plus tard. Si une ville comme Zimnicea n’a peut-être pas les moyens financiers de soutenir une équipe de troisième voire quatrième division, la gestion du Dunărea confine aujourd’hui au ridicule.

Face au désintérêt municipal, les joueurs continuent de quitter un à un le club après la première journée du championnat. Un club qui se retrouve obligé de poursuivre sa saison avec ses juniors. Semaine après semaine, les humiliations se suivent et se ressemblent ainsi. 19-2 face au Voința Saelele, 14-0 face à l’Unirea Petrolul Videle, 13-0 face au Spicpo Poroschia (l’avant-dernier au classement), 17-3 face à l’Unirea Țigănești, 12-1 contre l’Avântul Brăgădiru, 21-1 face au Rapid Buzescu, 19-0 face au Metalul Frăsineț, 23-0 contre l’ACS Seacă, 29-0 contre le CS Nanov (à domicile qui plus est)… A quelques exceptions près, la dizaine de buts encaissés est dépassée. Au soir de la 10e journée, le Dunărea Zimnicea a encaissé le nombre record de 164 buts, soit plus que lors des trois dernières saisons réunies (158) ! A l’issue de la phase aller du championnat, le meilleur résultat est un étonnant match nul 3-3 acquis sur le terrain de l’Unirea Brînceni, pourtant deuxième du championnat. Et au soir de la 14e journée, disputée ce week-end, l’équipe de Zimnicea présente une différence de buts de -190, avec 14 buts marqués pour 204 buts encaissés.

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Les jeunes de Zimnicea, souffre-douleur de Liga IV | © teresport.ro

Les chiffres font mal. Et une question se pose : n’était-il pas mieux d’éviter cette situation extrême, en déclarant un forfait général par exemple ? Si une municipalité comme celle de cette ville ne peut soutenir un club, n’est-il pas mieux de le faire descendre, voire le dissoudre ? Pour le faire évoluer au niveau amateur, ou pourquoi pas préparer un plan de relance dans les années à venir. Faute d’avoir pris une décision, les mots qui reviennent le plus souvent sur les lèvres sont « manque de sérieux, » « manque d’implication, » voire « incompétence » qui reviennent le plus souvent.

Pierre-Julien Pera


Image à la une : © ferry.bg

1 Comment

  1. Profu 29 décembre 2015 at 10 h 13 min

    niste simpatici

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