Denis Calincov, l’un des rares footballeurs moldaves a avoir foulé les pelouses des championnats européens, a maintenant 30 ans. A 16 ans, Anderlecht avait déboursé un million d’euros pour l’acquérir, mais l’un des joueurs les plus prometteurs dans l’histoire du football moldave n’a jamais confirmé les espoirs placés en lui. L’argent qu’il a gagné durant sept années dans les championnats belge, néerlandais et azerbaïdjanais, lui a permis de jouer gratuitement dans le championnat moldave pendant cinq ans. Nous vous livrons ici la traduction française de l’entretien fleuve du joueur réalisé par Lavrentii Aniscenco avec l’accord de l’auteur et de Moldfootball.com, le site de référence du football moldave.

Que fait en ce moment l’un des plus prometteurs et talentueux joueur dans l’histoire du football moldave ?

Je suis en vacances, je fais les tâches ménagères, je passe du temps en famille…

Denis Calincov joue-t-il toujours pour le « plaisir » ou attend-il toujours d’attraper un bon contrat ?

Probablement pour le plaisir et la famille. Très probablement, en premier lieu vient le plaisir du jeu et du football.

Tu penses encore à aller jouer à l’étranger ?

Cela fait longtemps que je ne suis plus attiré par l’étranger. Cela fait quelques années que je n’ai plus pour objectif de partir ailleurs. Franchement, cela ne m’attire plus du tout.

Ta dernière équipe a été le Speranţa Nisporeni… Tu étais dans le groupe pendant quelques matchs, tu as joué une minute et puis quitté le club. Pourquoi ?

Difficile de répondre. L’encadrement du club m’a demandé de venir, mais visiblement quelque chose n’a pas fonctionné. En fin de compte, c’est l’entraîneur qui décide. Je ne veux ni juger, ni condamner qui que ce soit ou même en discuter.

Revenons 13 ans en arrière. En 2002, tu as brillé lors du championnat d’Europe des moins de 17 ans et rejoint Anderlecht dans la foulée. Y avait-il d’autres clubs intéressés ?

J’avais environ dix options, d’un peu partout en Europe : Danemark, Norvège, Allemagne, Espagne ou encore Pays-Bas. Anderlecht n’a pas seulement été le plus actif, mais aussi le plus réactif. A peine j’avais eu le temps de revenir en Moldavie après le championnat d’Europe (NDLR : la Moldavie avait perdu tous ses matchs, mais Calincov avait marqué cinq buts) qu’ils me cherchaient déjà.

Y avait-il un essai ?

Non, j’ai signé tout de suite. En fait, j’ai appris plus tard que tous les clubs qui étaient intéressés se tenaient prêts à me signer tout de suite. Et le Zimbru ne voulait pas me libérer pour un essai – pourquoi le faire si une offre financière arrivait directement ? Surtout dans le cas d’Anderlecht où ils ont fait une offre concrète dès le départ, qu’ils ont accepté directement et sans négociations.

C’était il y a pas mal de temps… peux-tu maintenant me dire combien le Zimbru a reçu pour ton transfert ?

Je ne connais pas les détails du contrat mais pour autant que je sais, l’argent fut divisé en deux tranches : 400 000 à 500 000 euros au départ, et autant à mon dix-huitième anniversaire.

Cela ne te faisait pas peur de partir à l’étranger à l’âge de 16 ans ?

En fait, ça valait mieux comme ça, et je pense que c’était la meilleure des décisions. Je me souviens de la proposition venant de l’Ajax, où le contrat indiquait que je restais au Zimbru jusqu’à ma majorité. J’ai choisi Anderlecht pour ne pas stagner durant un an et demi dans le championnat moldave. Anderlecht a créé toutes les conditions favorables à mon arrivée et a trouvé les moyens légaux pour me faire venir directement. Mes parents ont déménagé avec moi en ayant un permis de séjour définitif, condition obligatoire pour le transfert d’un joueur mineur.

Au vu des standards du football moldave, tu avais probablement un salaire énorme. Cela ne t’a pas gêné pour te concentrer sur le football ?

Si tu donnes un gros salaire à un jeune de 16-17 ans, c’est possible de lui faire tourner la tête. Mais quand tu es en Europe et que tu reçois un gros salaire comparé aux standards moldaves, tu comprends que ce n’est pas le seuil auquel il faut s’arrêter. Autour de toi, tu peux voir que tes coéquipiers gagnent trois, quatre voire cinq fois plus.

Tu avais un salaire à la hauteur d’un joueur réserve ou d’un membre de l’équipe première ?

J’ai été recruté pour l’équipe première avec un salaire en conséquence. Mais bien sûr, il y avait des joueurs leaders qui avaient des salaires bien plus élevés, jusqu’à un million d’euros par exemple.

Qu’est-ce qui t’a impressionné le plus, ou te semblait inhabituel, lors de ton passage en Belgique et aux Pays-Bas ?

Ce sont d’autres cultures, d’autres gens. La première chose que tu ressens par toi-même, c’est que les gens sont différents, c’est une culture différente, une éducation différente, une mentalité différente. J’assistais là à une différence dans la pensée, la logique, la façon d’aborder la vie, le rapport à l’argent et aux autres choses matérielles. Tout est complètement différent.

En Belgique, on parle surtout français (NDLR : Anderlecht est situé en région bruxelloise, à large majorité francophone). Comment cela s’est passé pour toi avec la langue?

J’ai eu un professeur particulier qui enseignait le français à partir de l’anglais. En arrivant en Belgique, je ne connaissais qu’un tout petit peu l’anglais – du niveau scolaire. J’ai donc directement appris deux langues.

Visiblement, tu n’as pas eu à te plaindre des conditions de vie…

Nous sommes venus, avec ma famille, et on nous a fourni tout le confort nécessaire : un appartement, deux voitures pour la famille.

Qu’est-ce qui t’a empêché de te révéler à Anderlecht ? Seulement les blessures ou y avait-il d’autres raisons ?

Cela peut paraître surprenant à entendre, mais probablement : l’envie. Elle m’a dépassé. L’ardeur aussi, me dépêcher, courir, etc.

Les jambes prenaient le pas sur la tête ?

Oui, on peut dire ça. Et quand je devais m’arrêter et que j’étais blessé, je continuais de toute façon. Un manque de sagesse à ce moment.

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Calincov sous les couleurs d’Heerenveen | © sc-heerenveen.nl

Quels sont les joueurs avec lesquels tu t’entraînais ou jouais, qui sont devenus célèbres par la suite ?

En Belgique, les plus talentueux étaient Marteen Martens, Aruna, Mornar. Vincent Kompany aussi, avec lequel j’ai passé pas mal de temps. Pour moi il est l’un des plus grands talents que j’ai pu voir.

Avec qui es-tu encore en contact ?

Les meilleures relations que j’ai gardé, c’était avec Sergio Hellings et Marteen Martens. Nous parlons au téléphone et nous nous voyons tous les mois ou tous les deux mois. Quelques fois même, nous décidons de nous rencontrer quelque part en vacances. Aux Pays-Bas, j’ai joué et grandi avec Giorgios Samaras, de l’équipe de Grèce, et Klaas-Jan Huntelaar.

Tu as joué avec lui ?

Oui, nous étions ensemble à Heerenveen.

Quel est ton plus grand regret avec le recul sur cette époque belgo-néerlandaise ?

Il n’y a pas eu de grosses erreurs, je pense. La seule chose, c’est ce que j’ai dit – je ne me suis pas arrêté à temps parce que je devais soigner une blessure pendant un mois et demi ou deux, voire trois. Ma seule erreur était de forcer durant la rééducation après les blessures. Je voulais récupérer plus vite et j’y laissais beaucoup d’efforts, de temps et d’argent personnel. Parce que quand j’étais en période de rééducation, toutes les opérations étaient à mes frais et c’était dans les meilleurs cliniques d’Europe.

Pieckenhagen n’aurait rien pu faire sans ce centre millimétré de Calincov.

Pourquoi le club ne payait-il pas ?

En fait, je venais de quitter Heracles. J’avais besoin d’une rééducation d’un an et demi et le salaire que j’avais était l’un des plus élevés du club, bien que de bons joueurs y étaient comme Rob Maas du Werder, Nico-Jan Hoogma qui est maintenant directeur sportif a Heracles (il jouait avant à Hambourg avec Kurteyan) ou encore Pieckenhagen, le gardien. Il n’était pas possible pour le club de retenir une personne avec un gros salaire.

On t’a demandé de partir ?

Oui, nous avons rompu mon contrat par consentement mutuel avec une compensation.

Après tes aventures belgo-néerlandaises, tu es resté longtemps sans jouer et d’un coup, en 2007, tu es appelé avec la sélection moldave. C’était quoi cela ? Un projet commun avec Igor Dobrovolsky ?

En fait, je venais juste de finir ma rééducation et je m’entraînais avec le Rapid et avec l’Academia pour me remettre en forme

Tu as d’ailleurs plutôt bien joué avec la sélection moldave et tu as réussi à t’y installer. C’est à la suite de ça que tu reçois une proposition du Khazar Lankaran. On peut dire que le fait que tu sois appelé en sélection t’a aidé à attraper ce contrat avec les Azerbaïdjanais ?

Je peux dire que plusieurs choses ont concordé mais bien sûr que cela a aidé. A l’époque, je m’entraînais avec l’Academia et je jouais même.

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Denis a porté les couleurs de l’Academia pendant quelques temps. | © Blanaru Adrian / presasportiva.com

En comparaison du niveau en Belgique et aux Pays-Bas, l’Azerbaïdjan c’était peanuts ?

A cette période, c’était un championnat très intéressant. Il y avait cinq à six bonnes équipes : trois à quatre d’entre elles avaient beaucoup d’argent, mais les cinquièmes et sixièmes en avaient aussi pas mal. Pour les salaires, par exemple, cela montait jusqu’à 300.000 euros par an. Les autres en avaient à peine moins. Dans le championnat, il y avait beaucoup de joueurs européens, y compris des joueurs qui ont joué et gagné à un haut-niveau. Maintenant, en Azerbaïdjan, il y a deux équipes, Qäbälä et Qarabag alors qu’à l’époque il y avait encore le FK Bakou, le Neftchi, le Khazar et l’Inter. Ces six équipes se battaient pour tout.

Ce qui veut dire qu’on ne pouvait pas jouer sur une jambe là-bas ?

Je ne me rappelle même pas de résultats supérieurs à 3-0. Il n’y a jamais eu de claques.

Où le niveau de salaire était le meilleur entre l’Azerbaïdjan et Anderlecht ?

Il y a plus d’argent en Europe. En Azerbaïdjan, il y a beaucoup d’argent également, plus ou moins. Mais en Europe, j’étais un gamin, alors que j’étais un joueur mature au Khazar.

On a écrit qu’en fin de saison, tu as exigé une augmentation et c’est pour cela que le club s’est séparé de toi…

Je recevais là-bas 500.000 dollars par saison, ou plutôt dix mois. On m’a proposé un nouveau contrat, qui me convenait et j’étais prêt à le signer. Mais un agent est apparu et il m’a promis l’Atletico Madrid et Mallorca. On me promettait un salaire légèrement supérieur en Espagne mais ce qui m’intéressait vraiment, c’était la possibilité de jouer dans un championnat de très haut niveau. Mais au final, je me suis retrouvé sans Europe et sans Azerbaïdjan.

Au Khazar, mon agent était Petru Efros et il s’est comporté de manière très correcte au vu de la situation. Quand il a appris qu’un autre agent pointait à l’horizon avec une proposition venant d’Espagne, il m’a dit qu’il n’allait pas me déranger, ni même prétendre à quoi que ce soit, alors que nous avions un contrat ensemble.

Khazar est le dernier club où tu as joué plus ou moins régulièrement. Puis…

Ensuite, je n’étais plus intéressé. Le championnat moldave est inintéressant.

Chef-d’oeuvre de Calincov sur les couleurs du Khazar.

Après l’Azerbaïdjan, tu es parti au Dacia.

C’est regrettable que cela se soit passé comme de cette façon. C’est dommage. J’avais alors une proposition du Kazakhstan, mais j’ai préféré le Dacia. Je ne veux pas appeler ça une erreur, c’est une coïncidence et probablement une petite faute quand même.

Seulement quatre matchs avec le Dacia, et un gros scandale.

Oui, probablement le plus grand de l’histoire.

Tu as demandé 110 000 dollars au Dacia. Où en est cette affaire ?

L’affaire est devant les tribunaux. Le Dacia a déposé plainte contre moi.

Quel tribunal ? Civil ?

Oui, civil. La Fédération a fait tout ce qu’elle a pu. Elle aurait pu faire plus mais aussi faire moins. Quand on en est arrivé au point où le Dacia m’a accusé de falsification de documents, la Fédération a déclaré que cela ressortait de la compétence d’autres instances. Le Dacia a déposé plainte, j’aurais prétendument falsifié des documents. Cela concerne les annexes du contrat qu’on a signé ensemble avec le Dacia, mais qui ne sont pas déclarés auprès de la Fédération. Du coup, je l’ai fait moi-même. Quand je me suis blessé, j’étais prêt à renoncer à ce qu’ils me devaient et m’en aller librement du club. On aurait donc pu se séparer sans conflit et sans porter l’affaire devant la Fédération, mais la direction du Dacia a décidé qu’ils n’étaient pas satisfaits avec cette option. Ils ont déclaré que si je voulais m’en aller librement, je devais alors payer une compensation pour le temps passé au club, etc. Je n’ai bien sûr pas accepté et tout est parti de là.

Peu après ce conflit, le site web du Dacia a publié une interview avec Ghenadie Orbu et Milos Krkotic qui ont confirmé que malgré toutes les années qu’ils ont passé au club, ils n’avaient jamais entendu parler de « contrats cachés ». Après quelques années, ils se sont eux-mêmes retrouvés dans une situation similaire…

En fait, je suis désolé pour Gena (NDLR : surnom usuel pour Gennady en russe). Qu’une situation difficile comme çe me soit arrivée ou soit arrivée à Krkotiv, c’est une chose, mais il ne fallait pas faire offense à Orbu. Après tout, il a quand même joué quatorze années au club. Il était nécessaire de tout faire pour résoudre le problème à l’amiable et laisser cette personne dans la structure du club. Il fallait même peut-être faire édifier une statue en son honneur dans les bureaux.

En ce qui concerne Krkotic, cela me désole qu’il ait agi comme ça l’époque. Je parle de l’interview contre moi. Il y a d’ailleurs à peine six mois, lorsqu’il commençait à avoir des problèmes avec Adlan (NDLR : Shishanov, le patron sportif du Dacia), il est venu me voir pour me demander de lui venir en aide financièrement et juridiquement. Je crois comprendre qu’Adlan est une de ces personnes qui a pu l’empêcher de recevoir une quelconque aide même des gars de l’équipe. Il n’avait nulle part où vivre, rien à manger, voulait quitter le pays et pour cela il avait besoin d’assistance juridique. Je lui ai dit : il y a deux, trois ans, tu me fais ça,et maintenant tu viens et demandes de l’aide ? Mais j’ai été légionnaire également à une époque, et je comprends ce que cela signifie d’être dans un pays étranger, et surtout dans une telle situation.

Tu l’as aidé ?

Simplement d’une façon humaine. Parce que tout passe, tout s’oublie et ce qu’il reste ce n’est pas le football, pas le sport, pas l’argent, mais l’humain. Nous lui avons trouvé un avocat et une aide matérielle.

Où est-il maintenant ?

Il est à la maison et il va bien. C’est dommage qu’il ne m’ait jamais appelé depuis. J’aurais trouvé ça agréable qu’il me passe un coup de fil pour me dire « Denis, merci », et puis rien de plus. Je ne demande rien de plus.

A quel stade en est ton affaire avec le Dacia au tribunal ?

J’ai été acquitté par le procureur et la chambre d’appel, avec la suppression de toutes les charges qui pesaient contre moi. En retour, j’ai déposé une demande reconventionnelle contre le Dacia mais nous en sommes qu’au début, c’est une longue histoire qui peut durer encore longtemps.

Habituellement les joueurs, surtout en Moldavie, ne se sont pas préparés à la vraie vie alors que toi, au contraire, tu as de la poigne, tu t’obtiens un gros salaire, tu vas au tribunal, tu résistes aux conflits. D’où te sont venues de telles qualités ?

C’est grâce à ma carrière, mon départ précoce de mon pays vers une autre civilisation où la conception de la vie est différente. Il y a une approche différente de l’argent, des valeurs et bien sûr, de l’ordre. Tout cela a joué un rôle.

Tu penses que tu as une chance d’être dédommagé par le Dacia ?

Je peux gagner comme je peux perdre. Vous savez, tout peut arriver dans ce pays et je ne veux pas crier sur tous les toits que ça sera comme ça ou autrement. J’essaie juste de tout faire pour obtenir ce que je demande. Peut-être que ça ne marchera pas, mais si tu ne fais rien et que tu te laisses dériver, pour moi cela veut dire que tu ne te respectes pas toi-même. J’obtiendrais sans doute quelques réparations matérielles. Mais vous pensez vraiment que c’est moi qui en ai le plus besoin ? Est-ce vraiment normal ? Il y a des dizaines de de joueurs qui ont souffert de cela, voire même des centaines de joueurs qui sont concernés par cela depuis tant d’années. Vous y pensez ?

Peut-être que tu devrais créer un syndicat ? Tu n’as pas réfléchi à ça ?

Honnêtement, un syndicat m’irait parfaitement. J’aimerais que tout soit honnête et conforme à la loi. Pour une seule raison : la vérité, pour qu’il n’y ait pas de virgules, pas de déviations mais que tout soit seulement des points. (NDLR : expression russe difficile à traduire mais je pense que vous en comprenez le sens).

Pourquoi as-tu déposé une demande reconventionnelle, plutôt que de t’adresser à la FIFA comme Rohan Ricketts ou Goran Stankovski ?

Parce que toute l’affaire était déjà entre les mains du procureur et j’ai décidé de commencer ici, dans mon pays, auprès de nos institutions et nos organes.

Si ça ne marche pas, tu te gardes la possibilité d’aller à la FIFA ?

Je ne peux pas tout laissser tomber et n’oublier. Je n’en ai simplement pas le droit !

C’est une question de principe pour toi ?

Ne confondez pas les principes et la vérité. Aujourd’hui, j’y vais pour la vérité et le résultat. Je veux obtenir un résultat. Mais ce résultat n’est pas le mien, il doit servir au football moldave en général. Pour la Fédération, pour les joueurs, pour qu’ils puissent voir que c’est possible que tout soit honnête et droit. Pourquoi un joueur ne peut-il pas se défendre lui-même ? Pourquoi ne pas insister pour que les contrats de travail soient respectés ?

Les clubs où l’on peut gagner de l’argent, il n’y en a pas des masses ici en Moldavie. On propose au joueur : soit tu acceptes un contrat verbal pour 5.000 dollars, soit tu te cherches un autre club qui te garantira 300$ par contrat écrit. Et les joueurs acceptent pour avoir un bon niveau de vie.

Je peux le comprendre, mais pas le cautionner en mon âme. Cela dépend de chaque individu, de la personne et de son caractère. On a besoin de croire les gens, d’avoir confiance en se propre carrière, sa propre vie et son propre futur mais pourquoi faire ? S’il y a déjà des épisodes déplorables dans l’histoire à ce sujet. On peut trouver des dizaines de joueurs en Divizia Nationala qui ont souffert et souffrent encore à cause de ça. C’est malheureux pour toute la famille.

Tu encouragerais ton fils à faire du football ?

J’ai un frère de 15 ans qui joue déjà. On ne le laisse pas tranquille non plus : il a fait ses classes à Buiucani, mais ce club travaille désormais avec le Dacia. Du coup on l’a emmené au Real-Success Chisinau.

En 2008, tu étais à l’essai au Chicago Fire aux Etats-Unis. Qu’est ce qui t’a fait aller là bas ?

En fait, c’était là l’une de mes décisions les plus hâtives. J’ai décidé de m’en aller par moi-même alors que l’on me proposait un beau contrat. Mais mon idée du perfectionnisme et mon attirance pour l’Europe passaient avant tout.

Alors pourquoi avoir pris l’avion jusqu’aux États-Unis, si tu voulais rester en Europe ?

On m’a conseillé d’y aller car ça allait me plaire. J’y ai été et cela m’a plu mais je voulais de toute façon jouer en Europe. J’avais encore de l’ambition à l’époque. Bien que les conditions étaient excellentes. La MLS est un excellent championnat, avec quarante mille fans dans les stades et des infrastructures de très haut niveau. Une vraie chance et le championnat a un niveau européen moyen.

Nous sommes maintenant à la trêve, quels sont tes futurs plans dans le monde du football ?

Je n’exclus pas la possibilité d’encore en pratiquer et de me faire plaisir. J’aime beaucoup ce sport.

Même dans un club moldave ?

Même à ce niveau, quel qu’il puisse être. Ce n’est absolument pas un souci pour moi.

Tu serais prêt à jouer quasiment gratuitement ?

C’était comme ça pendant les cinq dernières années. Pendant cinq ans ici, j’ai gagné moins que durant un mois dans un club étranger.

A côté du football, tu t’occupes de business ?

Je ne suis pas intéressé par le business. C’est ma famille qui s’occupe de cela. Je n’aime pas ça et pour moi c’est beaucoup plus agréable de jouer au football.

Tu te vois faire quoi après ta carrière ?

Je ne sais même pas. J’ai vraiment des difficultés à répondre. Ça sera très difficile pour moi de quitter le football, peut-être même que je ne le quitterai pas.

Peut-être en tant qu’agent ou fonctionnaire au sein de la Fédération ?

Ou peut-être une école de football. Les enfants, c’est ce qu’il y a de plus important. C’est le principal problème actuel. (…) Sous les ordres de Pavel Cebanu, la Fédération a fait quelque chose pour notre football, avec la construction du complexe de Vadul lui Voda. Beaucoup de stades ont également ouverts. Maintenant, le temps est venu d’investir, non plus dans les infrastructures, mais dans les enfants et dans la formation des coachs de jeunes. Ce sont les fondations. Il faut prendre les meilleurs coachs de jeunes et les envoyer tous les six mois à l’étranger pour se former.

Voilà pourquoi j’ai dit que je créerais une école de football. Cela m’intéresse. Voir les résultats et voir que cela a vraiment été efficace. L’argent dans le football arrive toujours plus tard. Les dix prochaines années, nous avons besoin d’investir toutes nos forces dans la formation.

On peut donc s’attendre à une école de football nommée d’après Denis Calincov ?

Oui, j’aimerais bien faire ça, vraiment c’est une chose qui me tient à coeur.

Durant ta carrière, quelles ont été les personnes qui t’ont le plus aidé et dont le soutien a été le plus important pour toi ?

J’ai très peur d’oublier quelqu’un. Élever un footballeur, c’est la base et ça je le dois à mes parents, à mon père. Il a donné tellement de son temps et de sa santé pour que je devienne footballeur. Et de l’argent, parce que mes parents ont dû payer tous les tournois, tous les allers-retours. D’ailleurs, il ne loupait aucun de mes entraînements.

Ensuite il y a mes premiers entraîneurs : Nikolay Filipovich Esin et Nikolay Vladimirovich Tabachuk. Ils ont fortement contribué au fait que je sois devenu footballeur. Il y a encore Aleksandr Vasilievich Shikov et Marian Cobanu, les coachs de l’académie du Zimbru qui m’ont également aidé. Mais la meilleure chose que j’ai jamais reçue, cela provient de l’expertise des spécialistes européens. J’ai vu, appris, senti et touché beaucoup de choses nouvelles pour moi. C’est une grande école pour le top niveau, la meilleure université de ma vie. Tout simplement, il y a là-bas les meilleurs spécialistes, une meilleure éducation, une meilleure mentalité et une meilleure relation au travail.

Si nous devons parler des agents, alors j’avais un très bon avocat allemand et un agent néerlandais. On est toujours amis aujourd’hui. Je suis également resté en très bons termes avec Anderlecht, j’y suis allé récemment avec ma femme et mon frère Maksim a passé un essai là-bas en U16. Je pense d’ailleurs qu’il a un futur au niveau moldave. Il a du potentiel, mais c’est toujours la même chose : il faut pousser le potentiel pour en obtenir quelque chose.

Et pour terminer, un conseil de Denis Calincov aux jeunes joueurs de 16-18 ans, basé sur ta propre expérience ?

Tout d’abord, je voudrais souhaiter la santé aux jeunes joueurs. C’est la chose la plus importante, et c’est loin d’être la plus facile. Je suis bien placé pour savoir ce que signifie la santé dans le football. Et mon conseil ? Toujours aller vers l’avant et ne jamais laisser tomber. La douleur, la souffrance, le sang, la chair, les larmes ; même après tout cela il faut toujours aller de l’avant et vers l’avant !

Nous remercions Lavrentii Aniscenco, de Moldfootball.com, pour son interview et son accord. Traduite par Adrien Laëthier.


Image à la une : Moldfootball.com

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