Si l’on devait mentionner deux géants, deux amours en Croatie, nul doute sur leur identité. Deux clubs aux parcours différents, deux rivalités qui font le charme du football croate.

L’amour passionné pour l’Hajduk Split

La réelle beauté réside dans le voyage, pas dans la destination. S’il est vrai que Dnipropetrovsk n’est pas le lieu rêvé du commun des mortels, particulièrement en ce moment, il a au moins permis à des dizaines de milliers d’habitants de Split de rêver et d’espérer la gloire.

Le barrage contre l’équipe ukrainienne était très important, peut-être le match le plus important de ces dix dernières années et il est inutile de prétendre le contraire. La défaite est venue doucher les ardeurs de tout un peuple mais n’est pas une fatalité pour autant. L’Hajduk mène sa vraie bataille au jour le jour, essayant de retrouver des finances saines pour s’extirper enfin des pêchés du passé et de nombreuses années de déclin. Afin d’atteindre à nouveau le niveau qu’un club de cette taille et avec cette histoire mérite. Un match ne peut donc pas réduire en cendres le résultat de cette lutte.

Les spécialistes soulignent les faiblesses du jeu de l’Hajduk et toutes les limites de cette équipe qui n’a aucune chance de prétendre au titre national ou de faire bonne figure en coupe d’Europe. Pourtant, l’affluence depuis le début de saison se situe autour de 10.000 spectateurs dont 6.000 abonnés, nombre record. L’ambiance est loin d’être préoccupante notamment lorsque l’on constate l’atmosphère d’un match de championnat ordinaire à Poljud ou la réception fantastique des joueurs à Split après la défaite à Kiev. Lors du match retour, le stade entonna en cœur « Volim te Hajduk » (Je t’aime Hajduk) et malgré l’élimination, les supporters traitèrent leurs joueurs comme des héros.

Kouassi, célébré comme un héros malgré la défaite à Kiev
Kouassi, célébré comme un héros malgré la défaite à Kiev

Ces personnes ne soutiennent pas l’Hajduk parce qu’il se met à gagner et engrange des succès. Ils le soutiennent et l’applaudissent car c’est leur club à eux. La taille réelle d’un club n’est pas mesurée par les résultats, les trophées ou l’argent mais par la façon dont il est vu par les gens – comme quelque chose de très important dans leurs vies. C’est dans cette voie que le club présente le signe le plus concret d’amélioration. Ces dernières années, les supporters sont passés sur le chemin de la défiance, de la résistance pour finir par l’amour fou.

Chaque amour implique inévitablement de la douleur et de la souffrance, pas seulement de la joie et de la célébration. Aimer, c’est être avec quelqu’un ou quelque chose dans les bons comme dans les mauvais moments, dans la maladie comme dans la santé. Et si la douleur est trop lourde, comme ce fut le cas ces dernières années, alors la période de souffrance et de douleur ne fait qu’augmenter le bonheur et le plaisir dans les moments de succès.

A l’Hajduk, les joueurs n’ont pas besoin de conquérir le public, seulement tout donner d’eux-mêmes. Cette attente et cet espoir entremêlé de peur sont exactement ce qui apporte la plus grande joie et l’intensité des émotions. C’est en cela que le football et l’identification avec les fans sont le plus important.

Un amour déchu au Dinamo Zagreb

A quelques centaines de kilomètres de là, au stade Maksimir, le Dinamo était sur le point de débuter son match retour au même stade de la même compétition contre Petrolul Ploiesti. Les bleus n’avaient qu’à défendre une avance confortable de 3 buts à 1 glanée en Roumanie. Dès les premières minutes de la retransmission, le contraste est évident avec Poljud. Le stade Maksimir n’est qu’au quart plein et aucune ambiance ne ressort des travées.

Le Dinamo est le multiple champion de Croatie et révèle les meilleurs joueurs croates pour les vendre au prix fort. Cette richesse a apporté à Zdravko Mamic et au Dinamo une domination totale du football croate, mais ce qu’il a oublié de faire est d’acheter l’amour. La majorité des supporters sont mécontents des actions de Mamic qui a tourné le Dinamo en machine à fric, pour s’en mettre plein les poches. Le groupe de supporters des Bad Blue Boys, un des plus grands d’Europe, a depuis longtemps cessé d’assister aux matchs et le stade Maksimir ressemble à une ville fantôme les jours de match. La situation s’est même empirée depuis la saison 2012-2013 où seuls 8000 supporters s’étaient déplacés pour assister à la réception du PSG de Zlatan Ibrahimovic.

Dinamo Zagreb, Maksimir
Maksimir, autant vide pour le Lokomotiv que le Dinamo

Alors que les supporters de l’Hajduk continuent à affluer par milliers dans leur sanctuaire, en soutenant leur équipe de jeunes du cru qui jouent parfois sans être rémunérés pendant des mois, le Dinamo Zagreb aligne son équipe onéreuse en Europa League, en attendant le prochain gros transfert. Aucun « Volim te Dinamo » ne sera chanté dans les tribunes vides de Maksimir avant longtemps. La frustration et la jalousie risquent de prendre le dessus sur les sentiments…

 

Damien Goulagovitch

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