Le sport vu d’en bas vous emmène cette semaine à Wroclaw pour vivre la passion Śląsk. Entre fanatisme et populisme, les supporteurs de Wroclaw sont Śląsk et resteront Śląsk jusqu’à leur dernier souffle !

 « Śląsk, Śląsk, Śląsk, Śląsk »

Ce mot en graffiti que j’avais aperçu des milliers de fois sur les murs de la ville de Wroclaw prenait un sens à mes yeux. Être un Slansky, un vrai guerrier vert, un vrai supporter prêt à donner corps et âmes pour voir son équipe mettre le ballon dans le filet adverse. Ici, on respire football, on mange football, on vit football. Le football en Pologne c’est un peu comme un clasico Barcelone-Madrid où le monde économique est en suspend pendant 90 minutes et où chaque coup de sifflet qui retentit dans la rue donne le ton d’un derby qui sera riche en émotion.

Il faut savoir que Wroclaw est une ville étudiante dynamique où l’art moderne et le street art sont dominants dans les anciens quartiers. La mairie demande aux artistes en herbe de mettre au point des œuvres originales pour améliorer les façades d’anciens immeubles reconstruits après 1945. L’art est aussi un moyen de retranscrire l’image du sport et de laisser sa trace pour l’éternité.

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L’amour pour le club se retrouve dans la plupart des murs de la ville

En vivant ici, j’avais bien compris qu’il était difficile de supporter une équipe du championnat polonais autre que le Śląsk Wroclaw. Des plus petits aux plus anciens, tout le monde a son écharpe de fervent supporter. Supporter souvent tenace qui n’avouera jamais le fait qu’il regarde le Lech Poznań sur Polsat TV, la chaîne 100% sport, lorsque son équipe favorite ne joue pas.

Pourquoi un tel engouement pour cette équipe peu connue des championnats européens ? Tout simplement l’amour de la ville, des couleurs, du maillot qui la représente malgré le fait que les équipes soient peu connues et que le championnat ne soit pas du tout médiatisé en dehors du pays. Néanmoins, les joueurs étrangers peuvent être attirés par le Śląsk comme ce fut le cas d’Eric Mouloungui. Oui, vous avez bien entendu, Eric Mouloungui, l’ancien joueur de Ligue 1 évoluant à l’époque à Strasbourg de 2002 à 2008 et à L’OGC Nice de 2008 à 2012. Mais que faisait Monsieur Mouloungui au sein du club de Śląsk, treizième du championnat polonais en 2014 à l’époque ? À vrai dire, je ne serais vous répondre. Ce dernier n’aura trouvé qu’une seule fois le chemin des filets en 16 matchs. Une saison et puis s’en va, Eric n’est dorénavant plus un Slansky, préférant s’exiler en Chine, loin, très loin de la passion des supporters de Wroclaw.

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Depuis, le club a repris des couleurs avec une quatrième place au classement grâce aux frères portugais Paixao – 14 but pour Flávio (ex-Tractor Sazi FC, Iran) et 5 buts pour Marco (-ex-Ethnikos Achnas, Chypre) ainsi qu’à la venue du jeune slovaque Róbert Pich en provenance de Žilina (8 buts) et du renfort tchèque, Lukáš Droppa du Baník Ostrava.

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Les frères jumeaux portugais, déjà élus meilleurs joueurs étrangers pour leur début de saison avec le Slansky – Prix remis par le journal sportif polonais, « Slowo Sportowe ».

 

L’avant Match : H-2 avant le derby Śląsk Wroclaw – Wisla Krakow au Stadion Miejski.

Comme d’habitude, avant les matchs, je prends le temps de retrouver mes comparses expatriés comme moi, passionnés de sport, pour mettre en place notre côte et match polonais en direct de la pierogarnia du Rynek – pour information la pierogarnia est un restaurant où l’on créait le célèbre pierogi, ravioli fourré au fromage de chèvre et aux oignons, à la viande, aux épinards ou encore aux fruits rouges pour les plus gourmets. Tout cela en dégustant une bière polonaise typique, la Piast, confectionnée à Wroclaw de manière artisanale – . C’est alors qu’on commençait à se rendre compte que la rue devenait notre terrain de jeu : des milliers de supporteurs vêtus de vert de la tête au pied s’installèrent dans le centre-ville. Vers 19h, l’ambiance était au beau fixe. Les chants des supporteurs prirent d’un coup tout l’espace sonore du Rynek pour finir par entendre la marche des soldats verts jusqu’au Stadion Miejski, le nouveau stade réalisé pour l’Euro 2012.

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L’arrivée des supporteurs depuis le tramway vers la soucoupe verte Miejski

Ce fabuleux stade de pelouse naturelle ayant la capacité d’accueillir 42 771 places sera en ébullition dans quelques heures. Par opposition, je vous montre également l’ancien stade du club pour que vous puissiez vous faire une idée du changement avant, pendant et après la Coupe d’Europe de 2012 :

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L’ancien stade du club

Le stade Oporowska de Wrocław fut construit en 1920, pouvant accueillir jusqu’à 8 346 personnes. Il sert aujourd’hui comme centre d’entraînement pour l’équipe seconde. Les joueurs de l’équipe première, eux, sont passés d’un jardin ordinaire aux jardins de Versailles en seulement quelques mois. De plus, le nouveau stade a été créé pour recevoir des concerts inédits avec l’installation d’un toit couvert, une piste de karting, un cinéma, une patinoire ainsi qu’ une restauration digne de Bocuse pour essayer de captiver les supporters avant et après match. Le nouveau stade sera inauguré footballistiquement lors de la rencontre Śląsk Wrocław – Lechia Gdańsk. En effet, l’administrateur de l’enceinte en accord avec les dirigeants du club préfère choisir un match opposant deux clubs amis, et donc susceptible d’attirer un plus large public. Mieux vaut un Śląsk Wroclaw – Lechia Gdańsk qu’un Śląsk Wroclaw – Legia Varsovie pour commencer une entrée en douceur en sachant que Śląsk et Legia sont les pires ennemis depuis la création du ballon rond en Pologne.

En finissant notre dernière bière, on emprunta le chemin du stade via le tramway depuis Galeria Dominikanska. Un ancien tramway communiste remplit de supporters verts criant cœur et joie le slogan de leur équipe préférée tout en dévisageant du regard les supporters rouges du Wisla Krakow. Ce moment où tous les supporters du Śląsk sont bras levé chantant les louanges du club au sein du tramway est un moment à ne rater sous aucun prétexte ! En tant qu’admirateur de ce spectacle, je pris conscience qu’il y avait bien plus qu’une histoire de football. En Pologne, le football c’est une question d’honneur et de respect des siens. Un Śląsk sera quoi qu’il advienne un membre de ta famille.

Collectionneur de maillots de sport depuis ma tendre enfance, je fus surpris par la réaction de mes collègues polonais en ce qui concernait le port du maillot vert :

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« Si je serais toi, je n’achèterais pas ce maillot !
– Pourquoi cela ? Il est très bien ce maillot.
– Je sais bien, tu es français, tu ne peux pas comprendre ce que représente ce maillot en dehors de Wroclaw. L’année dernière, on a tabassé un italien car il ne savait pas la signification de ce maillot lorsqu’il était à Varsovie. Tu es Śląsk et tu resteras Śląsk jusqu’à la fin de tes jours ! »

Je commençais à m’imaginer avec un maillot du PSG en plein quartier de la Castellane à Marseille. Ici,le football a des barrières que les sociologues ne comprennent pas forcément. La population de la région Dolnośląskie se rattache à ce club pour oublier les problèmes de la vie quotidienne. La vie est dure en Pologne où le pouvoir d’achat des ménages ne peut pas suivre l’augmentation des prix du supermarché du coin. Un supporter vert est un supporter vert. Qu’il soit burocrate, mécanicien, vendeur de pierogi ou dirigeant d’une grande entreprise, un supporteur vert est pour le Śląsk et il est mon meilleur allié.

Du Rynek au stade, il y a 20 minutes de tramway. Ayant mon écharpe du supporter Śląsk, je me sentais fort et rien ne pouvait m’atteindre ce jour-là. L’union fait la force et la vague verte se dirigeait vers son port d’arrivée.

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Nous voilà enfin parvenus à mettre un pied dehors. Je n’aurais jamais cru sortir vivant de ce tramway. Une horde de supporters se dirigea en courant directement vers les tribunes où l’équipe commençait tranquillement son échauffement. Le stade était étincelant avec l’apparition de cette couleur verte qui m’éblouissait et grandissait au fur et à mesure de l’approche du coup d’envoi.Les gladiateurs n’étaient pas au centre de l’arène mais autour. Ce ne sont pas les joueurs qui font le spectacle mais les Śląsk au sein du stade.

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Le premier joueur du club entra sur le terrain en tant que spectateur de cette vague verte qui l’entourait. Il fut suivi de toute l’équipe, tout aussi subjuguée par l’ambiance et l’union de leurs supporteurs. Cette expérience fut pour ma part un excellent moment de convivialité où toute la population d’une ville était là pour pousser son club à la victoire finale. Un stade remplit à ce point pour un championnat peu connu, ça laisse rêveur certains acteurs de notre chère Ligue 1 !

En Pologne, quand on aime un club, on l’aime pour toujours.
« Śląsk, Śląsk, Śląsk, Śląsk »

Pierre Ducrocq

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