Et si seulement le Portugal avait « joué le jeu » ? Et si seulement Vida n’avait pas été malchanceux ? Et si seulement Pjaca était entré plus tôt ? Beaucoup de questions se sont posées le soir de l’élimination contre le Portugal (0-1) après prolongations lors des huitièmes de finale de l’Euro 2016. Des interrogations qui montrent aussi la déception immense qu’a provoquée cette défaite alors que la Croatie était dans la hype suite à sa victoire contre l’Espagne (2-1) laissant vraisemblablement dégager une voie vers le Stade de France. Cependant, contrairement à la dernière grande équipe de 2008 meurtrie d’une élimination aux tirs au but contre la Turquie, les Vatreni semblent déjà remis de cette énième désillusion pendant que les joueurs s’épanouissent plus que jamais en clubs.
OBJECTIF RUSSIE
La claque a été violente, le retour à la normale soudain. Critiqué de toute part dans les médias par les journalistes et certains confrères comme Miroslav Blažević, Ante Čačić est resté sur le banc de la sélection avec dans la bouche des supporters, toujours l’amer gout du « on pourrait faire mieux avec un effectif pareil ». Mais nous savons très bien que les ficelles politiques de la HNS sont au-dessus de cela, et il faut faire avec. Pour autant, l’entraineur moustachu est sportivement difficilement contestable six mois plus tard grâce aux bons résultats de l’équipe lors des éliminatoires de la Coupe du Monde 2018 débutés en septembre, servis en plus par un jeu assuré où les joueurs s’épanouissent et s’impliquent à 100%. C’est le cas d’éléments comme Milan Badelj, Luka Modrić ou encore Ivan Perišić qui brillent à chacune de leurs apparitions sous le maillot à damiers. Défensivement ce n’est pas génial, mais les lacunes dans cette partie du terrain ne datent pas d’hier. Revenons sur les cinq matchs post-Euro de la sélection croate.
CROATIE – TURQUIE : RETOUR SUR TERRE
Les éliminatoires du Mondial 2018 commencent en septembre contre la Turquie, adversaire récurrent des Vatreni dont la dernière confrontation à peine digérée datait seulement de l’Euro qui avait vu la frappe somptueuse de Modrić au Parc des Princes. Cette remise en jambe n’est pas simple pour les Vatreni dans un match qui se solde par un 1-1 alors qu’ils auraient dû s’imposer dans ce Maksimir qui sonne creux puisque la sélection est encore sous le coup des huis clos prononcés par l’UEFA à cause de la swastika de Poljud (en l’occurrence depuis la croix gammée dessinée au désherbant sur la pelouse du stade de Split lors du match Croatie – Italie de 2015).
Une première mi-temps largement dominée sur le plan du jeu par la Croatie qui multiplie les occasions dangereuses grâce au nouveau capitaine Modrić. Il remplace l’habituel porteur du brassard Darijo Srna ayant pris sa retraite internationale, non sans émotion. Cependant, les attaquants n’arrivent pas à conclure à l’image d’un Marko Pjaca malchanceux de la tête (d’ailleurs, la Croatie touche par trois fois la barre transversale) et auteur d’un raté gênant à bout portant. Luka Modrić provoque un penalty qui permet à Rakitić d’ouvrir le score, mais son excès d’engagement est aussi la cause du coup franc égalisateur de turc juste avant la mi-temps. Moteur du jeu et motivé, le joueur du Real se fait ainsi remarquer par son étonnante nervosité.
En seconde période, c’est beaucoup moins bien, la maitrise croate disparait au profit de la Turquie qui contrôle le match nul. Dans les buts, un Lovre Kalinić pas très serein fait malgré tout le travail et évite le pire, d’autant que Strinić est aux abonnés absents en phase défensive. Les quelques actions des Vatreni sont stoppées par un solide Babacan qui empêche la Croatie de conclure au moins une de ses nombreuses opportunités. Un scénario finalement chronique, les hommes de Čačić paient leurs occasions ratées avec le seul point du match nul.
KOSOVO – CROATIE : LE POIDS DE L’HISTOIRE
C’est un rendez-vous historique pour la sélection du Kosovo qui joue son premier match officiel à domicile (du moins à Shkodër en Albanie) après une belle performance en Finlande en septembre (1-1). Pour autant, les Vatreni ne font pas dans la demi-mesure en s’imposant par un lourd 6-0. Dans un 4-4-2 résolument offensif, la Croatie contrôle le match de bout en bout, Mandžukić s’offre un triplé qui lui permet de souffler un peu alors que sa maladresse et son rendement de buteur sont décevants depuis de longs mois en sélection. Malgré une défense passive en première mi-temps, le score à la pause (0-3) et l’entrée du défenseur central de Rijeka, Matej Mitrović (qui marque son premier but sous le maillot à damiers), ont assuré une implacable victoire conclue par Perišić et Kalinić. Il faut cependant noter quelques troubles en tribunes par des chants anti-serbes scandés par les supporters des deux pays. L’Histoire est dans les Balkans une cicatrice que le football rouvre sans cesse.
FILANDE – CROATIE : COUP DE CHAUD
Comme contre la Turquie, c’est loin d’être une partie de plaisir pour la Croatie ! Face à une équipe de Finlande qui mise sur l’impact physique et un jeu défensif, les Vatreni doivent persévérer pour ne pas se faire surprendre lors de cafouillages dans la surface ou de l’action scandinave annihilée avec beaucoup de courage par Milan Badelj sur le coup de sifflet final. Le but de la victoire croate (0-1) vient d’un centre éclair de Vrsaljko, le successeur annoncé de Srna comme arrière latéral droit, détourné par Kramarić dans la cage vide et poussé derrière la ligne par Mandžukić. Malgré plusieurs tentatives, la Croatie ne parvient pas à faire le break : Perišić touche le poteau tandis que Cop bute sur le gardien.
Sans Modrić ni Rakitić, voici une victoire sérieuse qui conclue une très bonne semaine d’automne pour la Croatie : 6 points sur 6 obtenus et aucun but encaissé. Cela assure la première place du groupe I jusqu’au match de novembre contre l’Islande, premier choc.
CROATIE – ISLANDE : OBJECTIF PREMIÈRE PLACE
Dernier match à huis clos pour la sélection où il est question de prendre la tête du groupe de qualification face à des Islandais dont on se méfie, surtout après leur excellent Euro. Sous une météo hivernale, les Croates doivent cravacher toute la rencontre pour assurer la victoire malgré la qualité déplorable du terrain qui n’a pas aimé la pluie incessante qui balaie le pays depuis quelques jours. Face au jeu direct des Islandais, la Croatie tente toujours de garder le contrôle du match et de conserver un maximum le ballon pour éviter les attaques adverses parfois très dangereuses. Brozović marque deux buts semblables (2-0), deux belles frappes à l’entrée de la surface parfaitement placées en début et fin de match. Un geste qui devient sa spécialité et réitéré plusieurs fois avec l’Inter où il occupe désormais une place de choix dans le onze type.
Mandžukić n’arrive néanmoins plus à faire parler ses talents de buteur avec la Croatie dans les matchs clés, il est en grande difficulté en pointe de l’attaque, mais fournie de gros efforts physiques aussi bien en phase de possession (il a souvent décroché sur un côté) que lors de la récupération. Il reste donc difficilement critiquable… même si les performances de Kalinić avec la Fiorentina ne jouent pas forcément en sa faveur. C’est toujours le désert sur l’aile gauche de la défense, Josip Pivarić ne convainc pas contrairement à Vrsaljko, taillé comme un bloc depuis son arrivée à Madrid, de l’autre côté de la défense. Un bon match de la Croatie malgré les circonstances et de bons espoirs de s’assurer au moins une place de barragiste.
IRLANDE DU NORD – CROATIE : VATRENI ARE ON FIRE !
L’équipe de Croatie termine l’année 2016 en beauté avec une prestation très réjouissante en Irlande du Nord dans un stade plein pour un match amical. L’équipe B alignée par Ante Čačić n’a pas de peine à prendre ses marques grâce à un jeu posé et équilibré. Malgré des attaques peu nombreuses, chacune a été dangereuse, notamment grâce à Duje Čop (comme milieu/ailier gauche), percutant comme jamais et très propre au moment de passer le ballon ou de tirer. La défense, mise à contribution, mais rarement en difficulté (hormis en fin de match) était plutôt sereine, emmenée par le patron Vida en première période. On retiendra aussi le troisième but, une frappe monstrueuse de Kramarić des trente mètres qui termine sous la barre, splendide. Les remplaçants répondent présents, ce qui ne peut que conforter les espoirs croates, au moins jusqu’au prochain match officiel en mars 2017.
2017, ANNÉE DE FÊTE ?
Le constat est donc rassurant après cette douloureuse élimination contre le Portugal. La sélection s’est vite remise en selle et démontre une force collective, une émulation déterminante dans les premiers matchs, parfois pièges, des éliminatoires pour le Mondial 2018. La Croatie tutoie les cadors européens, mais même si nous ne doutons plus de sa capacité à battre la plupart des équipes du continent, le gros doute reste sur sa capacité à dépasser ce palier, c’est à dire ne plus seulement être outsider devant l’Italie, l’Angleterre, la France ou… le Portugal. Sans parler des Sud-Américains présents à la Coupe du Monde qui rappellent bon nombre de souvenirs aux Croates (Equateur, Mexique, Brésil, …). Il faudra déjà voir en 2017 si l’équipe continue sa série, mais les belles performances des joueurs en clubs, notamment en Italie, semblent être un gage de confiance. Il faudra par contre vraiment trouver une solution au poste d’arrière latéral droit puisque ni Strinić, ni Pivarić et ni Leovac ne semblent à la hauteur. Une bonne opportunité pour Hrvoje Milić titulaire à la Fiorentina depuis le début de saison ? L’autre grande inconnue est celle des ultras prêts à tout pour faire tomber Čačić et la HNS, et ça, difficile de savoir quand le prochain incident aura lieu et dans quelle mesure. Après tout, on est plus à une swastika près.
Cédric Maiore
Image à la une : © STR / AFP
Très bon papier. Savez-vous pourquoi Nikola Vlašić et Mate Maleš ont décliné leur sélection alors qu’ils avaient été sélectionnés pour la China Cup en janvier 2017?