Coupe du Monde 2018 – Serbie : Mladen Krstajić, un novice aux commandes

Elle est là : la Coupe du Monde 2018. La vôtre … et la nôtre. Pour fêter cette compétition, chez nous, dans nos contrées russes, notre rédaction a décidé de faire les choses comme il faut en vous offrant différentes séries d’articles. Il est temps de passer à l’heure russe ! 

Lundi 30 octobre 2017. Coup de tonnerre sur la sélection serbe avec le départ du sélectionneur Slavo Muslin. Une séparation « par consentement mutuel » affirme la fédération serbe, mais les bruits courent que les choix du sélectionneur ne plaisent pas vraiment à la direction qui souhaite voir la présence de jeunes joueurs dans l’équipe tels que Sergej Milinković-Savic ou Nemanja Radonjić. Pourtant, sous la direction de Muslin, la Serbie a retrouvé une place en phase finale de compétition internationale qu’elle avait quittée depuis sa présence durant la Coupe du Monde de 2010 en Afrique du Sud. Quelques semaines après la victoire 1-0 contre la Géorgie qualifiant les Serbes pour la Coupe du monde, Muslin doit donc faire ses valises. La fédération nomme par intérim son adjoint, Mladen Krstajić avant de le confirmer comme sélectionneur pour guider la Serbie durant la Coupe du Monde en Russie.

Les Aigles comme départ

Krstajić accepte la tâche qui lui incombe sans rechigner. « Je suis conscient de la difficulté et du défi qui m’attend en tant que sélectionneur, dit-il en février 2018. Clairement, et cela n’a rien de nouveau, je serai un sélectionneur parmi sept millions de sélectionneurs. C’est une grande responsabilité, une satisfaction et un honneur d’être à la tête de l’équipe nationale. »

Et pourtant, à regarder de plus près son parcours, on pouvait douter de ses capacités d’entraîneur. Avant de prendre la sélection serbe, Krstajić n’a eu aucune expérience à ce poste. Il intègre d’abord le staff de Slavo Muslin en tant qu’adjoint et se familiarise alors avec l’ensemble du groupe. Un aspect qui facilite par la suite grandement son travail de sélectionneur et sur lequel il fonde l’ensemble de son travail. « Le plus important est de mettre une bonne ambiance dans le vestiaire. Si les fondations ne sont pas bonnes, alors nos efforts sont vains. Seul un environnement sain peut nous mener à l’objectif. »

Krstajić peut s’appuyer aussi sur un vécu en sélection yougoslave et serbe remarqué, avec à son actif 59 sélections et deux buts marqués. Défenseur central rugueux, il a fait partie du « quatuor célèbre » de la sélection de Serbie-Monténégro lors de l’épopée de la Coupe du monde 2006. Ce quatuor défensif solide comme un roc, composé de Mladen Krstajić, Nemanja Vidić,Ivica Dragutinović et de Goran Gavrančić, avait été nommé ainsi après n’avoir concédé qu’un but durant les dix matchs de la campagne éliminatoire pour la Coupe du monde. Une performance qui permet de placer Mladen Krstajić parmi les figures de la sélection.

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Et cela marche puisque durant la tournée asiatique en novembre 2017, les choses se passent de manière correcte en battant la Chine 2-0 et en ramenant un nul 1-1 contre la Corée du Sud. Pas des résultats à sauter au plafond me direz-vous, mais ces matchs permettent à Krstajić d’intégrer de jeunes joueurs tels que le talentueux milieu de terrain de la Lazio, Sergej Milinković-Savić. Lui qui a été absent de la sélection durant la phase éliminatoire, la pépite serbe n’est pas certaine d’être titulaire, mais son intégration a ravi les supporters et la Fédération, qui n’attendaient que ça. Basé sur un groupe expérimenté et solide et de jeunes qui en veulent, Krstajić a su rassembler l’ensemble du groupe, tant les sympathisants du Partizan Belgrade que de l’Etoile rouge Belgrade, élément important à prendre en compte pour diriger la sélection serbe. Mais Krstajić montre aussi qu’il sait faire des choix, comme celui d’enlever le brassard de capitaine à Ivanović pour le donner à Kolarov. Et quand la sélection est sous le feu des critiques, il n’hésite pas à protéger ses ouailles en demandant à la presse de cesser. Des choix clairs tout comme durant sa carrière de joueur.

Le Partizan et l’Allemagne

Sa carrière de joueur, il la commence en 1995 et la finit en 2011 au Partizan Belgrade. Quoi de plus normal quand on vient d’une famille supportant le Partizan. « J’ai eu des contacts avec l’Etoile rouge, raconte-t-il, mais, en tant qu’amoureux du Partizan, j’étais honoré de porter le maillot noir et blanc. » Il remporte avec les Noir et Blanc trois titres de champion de Yougoslavie (1996, 97, 99) et deux titres de champion de Serbie (2010, 2011), ainsi qu’une Coupe de Yougoslavie (1998) et de Serbie (2011). Malgré tous ces trophées, Krstajić se souvient des temps difficiles au Partizan : « A Belgrade, j’ai joué avec beaucoup de pression. Il faut savoir que mes parents ont fui Bijeljina et ont vécu dans la maison de quelqu’un d’autre, mes deux sœurs étaient sans emploi, sans appartement, sans rien ! Je me suis marié, ma femme était enceinte, nous n’avions pas d’appartement et je jouais normalement jusqu’à avoir des crampes, même si je ne savais pas qui portait ma tête ! Et quand j’ai finalement gagné de l’argent en Allemagne, je me suis soudainement détendu et j’ai bien joué, car j’ai immédiatement aidé toute ma famille. »

Au cours de sa carrière, Krstajić a quitté la Serbie pour l’Allemagne. Tout d’abord au Werder Brême entre 2000 et 2004 avec lequel il réalise le doublé Championnat – Coupe en 2004, puis à Schalke 04 entre 2004 et 2009 avec qui il remporte la Coupe de la Ligue en 2005. Un pays où il est alors considéré comme l’un des cinq meilleurs défenseurs de Bundesliga.

« Hors du terrain, il est aussi calme que moi, raconte en 2003 Franck Baumann, alors capitaine du Werder. Mais sur le terrain, c’est tout le contraire, il est incroyablement agressif. » Le Serbe de 1,91 mètre a toujours fait bonne impression en Allemagne même si certains écarts ont parfois fait la une des tabloïds locaux. Ce fut le cas en 2007. Krstajić, alors âgé de 33 ans, et Rakitić sont vus dans une boîte de nuit à Duisbourg en compagnie de Jermaine Jones, alors joueur de l’Eintracht Frankfurt. Les trois hommes sont suspendus par leur club durant quelques matchs, mais malgré ces faux-pas, Krstajić réalise une carrière pleine en tant que joueur. Par la suite, son expérience en tant que directeur sportif du Partizan est, elle, de courte durée puisqu’il n’y reste que six mois, et ce malgré le soutien des Grobari.

Reconversion dans l’ordinaire

Alors que Krstajić quitte son club de cœur par la petite porte, le tout jeune retraité ne se laisse pas abattre. Le défenseur qui terrassait ses adversaires se transforme alors en homme d’affaires. Fini les crampons, place au costume cravate en se lançant dans la production de brandy. Cette idée lui trottait dans la tête depuis l’Allemagne : « Le père de ma femme cultivait quinze à vingt hectares de terres et, une fois en vacances en Allemagne, j’ai suggéré d’agrandir le verger. Nous avons planté 300 pruniers, abricots, un peu de coing… » et ainsi commence son activité. Difficile de voir l’actuel sélectionneur de la Serbie gérant d’une distillerie et d’hôtels en Serbie. Et pourtant, Krstajić en est fier« Je suis engagé dans l’agriculture, les distilleries, l’immobilier, j’ai un hôtel… Je ne suis pas gêné de faire quelque chose et ce n’est pas difficile de faire ce qui est bon pour ma famille. J’ai investi 80% de l’argent gagné en Allemagne et en Serbie. Je suis serein, je paie des impôts en Serbie, j’emploie des ouvriers ici ». Et en même temps, « je n’ai aucun problème à m’asseoir sur des caisses et prendre une bière avec mes employés ou mettre une cravate quand c’est nécessaire. »

Outre son amour de la nature et des affaires, Krstajić n’a jamais laissé son amour pour le football. Il a repris depuis peu la présidence du Radnik Bijeljina, un club de Bosnie Herzégovine qui évolue en première division. Une manière de revenir aussi à ses origines, lui qui est né à Zenica et qui dût fuir la guerre en 1991 pour se réfugier en Serbie.

Quoi qu’il en soit, Krstajić porte bien ses multiples casquettes et s’apprête à entrer dans la compétition sans complexes. Il sait que le groupe composé du Brésil, du Costa Rica et de la Suisse est rude mais lui et ses hommes vont rentrer dans la bataille sans complexe ! On peut leur faire confiance…

Vincent Tanguy


Image à la une : © ATTILA KISBENEDEK / AFP

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