Arrivé au RB Leipzig cet été, le jeune brésilien a gravi tous les échelons de la multinationale footballistique autrichienne. Du Brésil à l’Allemagne de l’Est en passant par les Alpes autrichiennes, le parcours de Bernardo devrait ne pas devenir atypique ces prochaines années.
André Ramalho aurait dû être le sujet de cet article, mais le défenseur central brésilien n’a jamais porté le maillot de Leipzig et a préféré rejoindre Leverkusen puis Mayence après être passé par l’académie brésilienne de Red Bull et les équipes de Salzburg. Alors, le modèle s’appelle Bernardo. Le latéral droit est le fruit d’un processus de formation encore relativement rare dans le monde du football, mais qui s’avère, au fil des implantations des plus grands clubs dans de nouveaux marchés, en devenir l’avenir. Car Red Bull n’a pas encore la légitimité footballistique ni l’ambition de s’y installer pour vendre des produits dérivés ou signer des partenariats avec des entreprises locales. A ce niveau-là, l’entreprise autrichienne est clairement devenue la référence et utilise sa fortune à bon escient en fondant des « clubs satellites » ailleurs qu’en Europe, là où un homme comme Gianluca Pozzo avait préféré n’en avoir que sur le Vieux Continent.
Le « football-colonialisme » de Red Bull
Bernardo est le huitième joueur transféré de Salzburg à Leipzig en un an. S’il en fallait une, voilà la preuve évidente que l’entreprise de Dietrich Matteschitz a décidé de basculer ses ambitions vers l’Allemagne de l’Est après que leur club autrichien ne réussisse pas, année après année, à se qualifier pour les poules de la Ligue des Champions. L’objectif est donc simple : abreuver Leipzig de talent via le RB Salzburg et sa « réserve » de Liefering, lui-même fourni en adolescents prometteurs par l’un des réseaux de recrutement les plus étendus de la planète football, les académies étrangères et les New York Red Bulls ayant pour but, en plus de former ces joueurs sur place, d’étendre ce réseau et s’implanter dans des régions à fort potentiel de pépites.
C’est ainsi que le « football-colonialisme » est né et c’est pour cela que fut achetée, en 2008, la Soccer School Lavanttal de Sogakope, au sud-est du Ghana. Pas de chance, Red Bull Ghana n’a pas fait long feu, tout en réussissant à former David Atanga, seul joueur à avoir fait le chemin Sogakope – Salzburg. Il est actuellement en prêt à Heidenheim, en deuxième division allemande. Red Bull Ghana a été fermé en 2013 pour, selon Gérard Houiller, des erreurs dans la stratégie de l’académie et de lieu trop isolé, l’académie étant trop loin des grandes villes selon le directeur sportif général de la branche football de la marque. Elle a été rachetée par des investisseurs privés en 2014 et affiliée à la Feyenoord Academy au Ghana pour former la West African Football Academy. Si Red Bull n’est officiellement plus présent dans le projet, deux joueurs de la WAFA – Gideon Mensah et Samuel Tetteh – ont signé à Salzburg cet été et immédiatement envoyé au FC Liefering. On peut donc imaginer que si Red Bull n’est plus sur place, les recruteurs et les liens avec l’Afrique de l’Ouest ne sont pas pour autant absents. Sociologue basé à Vienne et auteur d’un mémoire sur Red Bull Ghana, Martin Kainz explique également que le fait que la boisson Red Bull n’était pas populaire au Ghana a fait perdre de la crédibilité au projet.
C’est aussi pour cela que fut créée, un an auparavant, Red Bull Brasil, une académie entièrement dédiée à la formation de jeunes brésiliens basée à une centaine de kilomètres de Sao Paulo. A terme, l’objectif était d’intégrer les meilleurs jeunes brésiliens avant qu’ils ne partent en Europe dans un marché brésilien à très forte concurrence. Cela a donc fonctionné pour André Ramalho, qui était devenu une pierre angulaire du RB Salzburg avant de partir, et pour Bernardo, donc. Trois Brésiliens jouent également avec le FC Liefering. Peu à peu, les résultats du projet RB Brasil se montrent très concluants, bien que les résultats du club au Brésil ne soient pas très brillants pour deux raisons majeures : RB Brasil ne joue que le Championnat Paulista pour se confronter aux meilleures équipes et les meilleurs joueurs partent souvent en Autriche avant même de pouvoir porter le maillot de l’équipe première.
Un joueur à l’image de la marque
S’il n’y a pas encore d’Américains, le fait que Red Bull soit présent sur quatre continents différents se ressent dans les nationalités des joueurs, que ce soit à Salzburg ou à Liefering, dernière étape avant le Graal est-allemand, où les jeunes joueurs ont des conditions optimales et des méthodes de formation ultra-moderne pour avoir les plus grandes chances de percer au haut-niveau. Tout cela résulte dans des effectifs autrichiens très éclectiques. Ainsi, se côtoient dans les Alpes autrichiennes Japonais, Brésiliens, Sud-Coréens, Maliens, Français, Autrichiens, Croates et plus encore. Red Bull est une multinationale et l’assume. Pour avoir une étape intermédiaire supplémentaire, Red Bull a racheté le club de Liefering, ville de la banlieue de Salzburg, en 2012 afin d’y implanter son « club-école ». Actuellement leader de deuxième division, le FC Liefering bénéficie d’un statut de club particulier en Autriche, où évolue des « Kooperationsspieler », à savoir des joueurs coopératifs qui, via des contrats particuliers, peuvent changer de club entre Salzburg et Liefering toute l’année, période des transferts ou pas, à l’instar d’une vraie réserve. Dayot Upamecano, le champion d’Europe des U17, possède un de ces contrats, tout comme quelques autres joueurs.
Bernardo est donc le tout premier joueur à partir du bas de la hiérarchie Red Bull pour en arriver tout en haut. Arrivé à Red Bull Brasil en 2014, Bernardo a connu une ascension fulgurante Comme le veut la méthodologie Red Bull, Bernardo a signé très jeune en Autriche, mais y a très vite fait son trou et, après un test concluant en janvier 2016 et quelques matchs avec Liefering, il est rapidement devenu un élément important du RB Salzburg d’Oscar Garcia. Assez pour signer, cet été, au RB Leipzig pour 4M€ et remplacer, sur le côté droit de la défense, Lukas Klostermann, le talentueux médaillé olympique allemand, gravement blessé au genou après les Jeux olympiques. La blessure de Klostermann n’a fait qu’accélérer le processus puisque Bernardo n’aurait pas dû signer aussi rapidement chez la maison-mère, mais le potentiel du jeune brésilien est exactement ce que recherche Ralf Rangnick, le directeur sportif du RB Leipzig et ancien de Salzburg. Il entre également parfaitement dans le style de jeu que toutes les équipes Red Bull se doivent d’avoir : offensif, dynamique et énergique, comme les principes de base du marketing de la boisson autrichienne.
Titulaire, Bernardo participe grandement à la superbe première saison du club en Bundesliga. Il est en train de paver le chemin pour un grand nombre de joueurs, qu’ils soient ses compatriotes ou pas, puisque le projet Red Bull est toujours dans sa phase de départ, mais les premiers résultats commencent à être visibles et, malgré de nombreux détracteurs en Allemagne et en Autriche, ce projet est unique dans le Monde. Jamais un club ou une entreprise n’avait mis autant de moyens pour la formation et le scouting, en créant des académies aux quatre coins de la planète pour servir les objectifs d’un seul et même club. Il y a certainement quelque chose de malsain puisque ce projet Red Bull représente l’épitomé du football moderne, mais il y a aussi quelque chose de fascinant. En tout cas, Bernardo, lui, vit son rêve, et peut dire que Red Bull lui a donné des ailes.
Quentin Guéguen
Image à la une : © imago
En cas de montée du FC Liefering, le club pourra-t-il jouer en D1 comme « l’équipe 1 » y joue déjà. On peut largement penser que lors de leur confrontation le vainqueur sera le club que cela arrange le plus (imaginons qu’un club joue la 1ère place du championnat ou bien la maintien on n’imagine pas qu’un arrangement ne peut pas avoir lieu) ?
Dans tous les cas, bravo à toute l’équipe! Je découvre à peine le site et je suis déjà fan du concept de faire découvrir le football de l’est que je ne connais pas du tout. Continuez comme ça !
Salut Léo !
Non, Liefering ne peut pas monter en Bundesliga. Si ce n’est pas la réserve officielle de Salzburg puisque ça ne s’appelle pas « Salzburg II » ou quelque chose dans le genre, ils sont quand même propriété de Red Bull et ont signé un contrat qui leur autorise à faire jouer des « joueurs coopératifs ».
Merci pour les compliments !
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Très bon article ! J’ai moi aussi une certaine fascination pour le travail fait par RedBull à travers le monde du football.
Auriez vous des chiffres concernant les finances de Salzburg ? Le club fait de grosses ventes depuis quelques années et est très largement bénéficiaire de ce côté là, et je me demande juste si tout l’argent passe dans la formation ou alors il est transféré à leipzig, où à l’inverse, on dépense sans compter.