Dans la dynastie des grands libéros, on évoque facilement les Beckenbauer, Baresi, Blanc mais le nom de Belodedici n’est pas forcément celui auquel on pense en premier. Pourtant de part son palmarès, son style de jeu et sa vie, il mérite bien des égards.
Un homme à la double culture serbe et roumaine
Alors qu’il venait d’avoir 50 ans en mai dernier, Miodrag Belodedici déclara à la Gazeta Sporturilor : « Petit, j’étais pour le Steaua Bucarest et l’Etoile Rouge de Belgrade. Je n’ai jamais pu faire de différence entre ces deux équipes, elles sont toutes deux restées dans mon cœur. J’ai eu la chance d’être champion d’Europe avec les deux. »
Miodrag est né en Roumanie dans une famille serbe comme son prénom l’indique. Dans le village de Socol situé dans le comté de Caras-Severin à la frontière serbe, Belodedici fait ses premières classes en langue serbe. Le roumain ne fait alors pas vraiment partie de son quotidien.
Bien qu’ayant quitté son village très tôt, Belodedici restera toujours fidèle à ses racines et retournera régulièrement dans le village de ses origines que ce soit pour les grandes fêtes traditionnelles ou tout simplement pour taper le ballon avec ses amis d’enfance.
Les premières armes avec la génération dorée de la Roumanie
En 1981, à l’âge de 16 ans, Belodedici est repéré par la Fédération Roumaine de Football et intègre le Luceafarul Bucarest. A l’époque, cette équipe est en quelque sorte la pépinière de la fédération où tous les meilleurs jeunes joueurs roumains viennent jouer ensemble, s’entraîner et s’aguerrir.
Ce club voit passer les Hagi, Popescu, Andone, Rednic, Balint, Prunea… soit une grande partie de ceux qui feront les belles heures du Steaua dans les années 80-90 puis également de la sélection roumaine dans les années 90.
Après une année dans cette structure où il perfectionne son football mais aussi son roumain grâce à l’aide de ses coéquipiers, Belodedici signe au grand Steaua Bucarest. En douze mois, il est passé de son club de village au plus grand club roumain.
Le triomphe avec le Steaua
Au Steaua, Belodedici deviendra vite titulaire au poste de libéro. Il remporte cinq titres consécutifs de champion avec l’Etoile de Bucarest (Steaua = étoile en VF). Mais bien entendu, le grand fait d’armes de cette génération reste la victoire en Coupe d’Europe des clubs champions en 1986.
Belodedici racontait ses souvenirs de Séville à GSP.ro :« Le jour du match, j’ai allumé la télévision et vu la folie dans la rue, où les Espagnols étaient certains de l’emporter. Je l’ai vite éteint pour ne pas avoir d’ondes négatives. Une fois au stade, nous avons joué contre des tribunes remplies de fans ibériques qui nous sifflaient… Cela fut un moment difficile. Mais après 20, 30 minutes de jeu, nous avons bien vu que le Barça n’était pas si fort que cela. Cela nous a donné du courage et nous avons commencé à attaquer. »
Malgré tout, les Roumains ont besoin des prolongations et même de la séance de penaltys pour devenir champions d’Europe: « En prolongations lors de la finale de 1986, nous nous disions que les Espagnols n’avaient aucune chance de marquer. Ils n’avaient créé aucun danger. » Belodedici, qui n’avait que 21 ans à l’époque, ne s’aventura pas à tirer un péno ce jour-là, préférant assister à l’exploit retentissant de Duckadam.
Dans cette épopée, le grand pote de Belodedici fut Gabi Balint avec un goût partagé pour la musique: « nous adorions tous deux écouter de la musique. Modern Talking, Boney M, AC/DC, Bon Jovi ! J’amenais aussi de la musique serbe mais Gabi me disait toujours de changer ». Cependant d’autres grands noms faisaient partie de cette équipe avec Victor Piturca, Marius Lacatus, Stefan Iovan ou encore Laszlo Boloni.
Le départ pour la Serbie et la 2è C1 gagnée avec l’Etoile Rouge
Bien que ces victoires offrent aux joueurs du Steaua un statut privilégié, la vie dans la Roumanie de Ceaucescu n’en reste pas moins difficile. Les privations et le manque de liberté pèsent pour Belodedici, qui déserte la Roumanie en 1988. Cette escapade n’est pas du goût des autorités roumaines qui le condamnent à 10 ans de prison pour trahison.
Au niveau du football, Miodrag ne peut pas jouer pendant un an après son départ, à cause d’une rétention de son contrat par le Steaua. Finalement en 1989, il peut commencer à jouer pour son deuxième club de cœur, l’Etoile Rouge de Belgrade. Les succès sur la scène domestique sont aussi au rendez-vous avec trois titres de champion de Yougoslavie.
Belodedici sera aussi une pièce importante des succès internationaux de Crvena Zvezda : « Je suis parti de Roumanie parce que je ne supportais plus le système communiste en Roumanie. C’est bien que j’ai pu gagner cette deuxième C1 avec l’Etoile Rouge de Belgrade mais j’y ai aussi perdu car je n’ai pas pu représenter la Roumanie au Mondial 1990. »
La victoire en coupe d’Europe des clubs champions 1991 reste un beau souvenir pour Belodedici car elle a été plus dure à gagner qu’avec les Roumains : « Avec les Serbes, nous avons eu de meilleurs adversaires. Je pense bien entendu à l’OM en finale mais aussi au Bayern en demi. »
Contre l’OM, Belodedici ne laisse pas passer sa chance et fait partie des heureux tireurs de penalty. Avec cette génération magique composée de Vladimir Jugovic, Robert Prosinecki, Sinisa Mihajlovic, Dejan Savicevic et Darko Pancev, l’Etoile Rouge deviendra aussi champion du monde en battant Colo Colo 3-0 il y a tout juste 23 ans jour pour jour.
Une parenthèse espagnole, un bel été américain et le retour en Roumanie
A l’été 1992, Belodedici quitte la Serbie pour l’Espagne. Il joue quelques saisons avec Valencia, puis Valladolid et Villareal. L’homme s’offre même deux saisons au Mexique avant de revenir au Steaua Bucarest en 1998, où il sera à nouveau champion.
Dans l’intervalle, profitant de la chute du régime de Ceaucescu en 1989 et de l’annulation de sa peine de prison, Belodedici revêt à nouveau le maillot de la Tricolori : « J’ai pris ma revanche en 1994 aux Etats-Unis où j’ai très bien joué même si j’ai manqué ce penalty en quart contre la Suède. »
En 1994, avec la plupart de ses collègues du Luceafarul, qu’il avait connu à 16 ans à la sortie de son village, Belodedici écrit la plus belle page de l’histoire du football roumain. Pour la première fois, la Roumanie s’invite parmi les 8 meilleures nations du football mondial. Mais l’histoire prend fin une après-midi ensoleillée. Le n°4 de la Roumanie tire un peu trop mollement et le fantastique Thomas Ravelli qualifie la Suède.
Malgré tout, Belodedici sera toujours salué comme un des plus grands joueurs de l’histoire du football roumain et un libéro à la très grande classe. Un homme qui a su mettre en œuvre ses rêves d’enfant avec ses deux clubs de cœur. A jamais le premier joueur qui aura gagné la C1 avec deux clubs différents. Aujourd’hui encore, il n’est pas rare de voir Belodidici jouer avec ses amis d’enfance dans son village car il était et demeure avant tout un amoureux de ce jeu.
Tristan Trasca
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