Au terme d’une véritable saison couperet, pas moins de six clubs ont été relégués de Liga 1, la première division roumaine étant cette saison réduite de 18 à 14 clubs. Six clubs dont l’existence s’est trouvée menacée par cette relégation, car si descendre en deuxième division est une catastrophe pour les clubs ouest-européens, c’est quasiment un arrêt de mort pour les clubs roumains. FC Argeș Pitești, Victoria Brănești, FC Timișoara, Foresta Fălticeni, Rocar Bucarest, Național Bucarest, Jiul Petroșani, Voința Sibiu, Săgeata Năvodari, CS Turnu-Severin… la liste des clubs n’ayant pas survécu à leur descente est longue (et pas exhaustive). Sans compter les Unirea Urziceni, Inter Curtea de Argeș, Corona Brașov ou  FC Vaslui qui ont jeté l’éponge avant même leur première saison à l’échelon inférieur. Si le Rapid mène pour le moment sa Série et vise la remontée, cette saison encore plusieurs clubs parmi les relégués sont menacés de disparaître.

L’Otelul Galati dépouillé en quatre ans

Derrière le Rapid et le Gaz Metan Mediaș, qui ambitionnent de retrouver l’élite dès la saison prochaine, quatre relégués sont en danger : FC Brașov, U Cluj, Oțelul Galați et Ceahlăul Piatra Neamț. Dans la Série 1, l’Oțelul Galați, avant-dernier, devance de deux petits points le Ceahlăul Piatra-Neamț, qui n’a gagné qu’un seul de ses sept premiers matchs cette saison. Le club moldave est au plus mal : « L’espérance de vie de ce club, symbole de Galați et même de toute la Moldavie, se compte en heures. » Le constat est signé Cristian Munteanu, le manager du club. Vendredi dernier, à la veille de recevoir Berceni, l’Oțelul ne parvenait toujours pas à payer les 2 850 lei (645 euros) du barème obligatoire que chaque équipe doit régler pour le défraiement des arbitres. « Si nous ne payons pas cette dette, nous serons forfait lors de la prochaine journée. Cela signifie quasiment la mort de l’Oțelul, déplorait alors Munteanu. A midi, nous n’avons que 600 lei (135 euros) sur le compte du club. De l’argent rassemblé en grande partie grâce à nos joueurs lors d’un événement dans un grand club de la ville. Nous n’avons trouvé personne pour organiser une vente aux enchères des maillots avec lesquels nous avons joué la Ligue des Champions. Nous n’avons aucune solution. Seul un miracle peut sauver l’Oțelul Galați.« 

Le miracle a finalement eu lieu. Le club a trouvé le moyen de régler l’ardoise, et même d’effectuer le déplacement jusqu’à Bucarest, où il s’est incliné 3-2 samedi matin sur le terrain de l’ACS Berceni. Mais ce n’est que partie remise, les ennuis ne sont pas terminés. Les caisses sont vides, les joueurs ne sont plus payés depuis des mois. Après s’être séparé des joueurs de la saison dernière, dont les salaires étaient déjà très bas, le club a pu – heureusement – s’appuyer sur son bon centre de formation pour attaquer une nouvelle saison. Des jeunes parmi lesquels on trouve notamment Antonio Sefer, qui a 16 ans à peine est déjà titulaire et a attiré l’œil du Steaua et du Dinamo. Des joueurs qui continuent de jouer alors qu’eux aussi n’ont plus rien. « Même pas de quoi se payer un sandwich ! » appuie Munteanu dans un appel désespéré. Au centre d’entraînement, dont les terrains ont déjà été réduits de manière surprenante, l’eau et l’électricité ont été coupés. Inquiétant alors que le rude hiver continental arrive.

Champion de Roumanie il y a quatre ans à peine, l’Oțelul est donc proche de la disparition. Le club n’a en effet droit, selon le règlement, qu’à un seul forfait. Dès le deuxième, il serait exclu du championnat et relégué administrativement en Liga V. Mais comment est-on passé de la Ligue des Champions à cette situation en quatre années à peine ? Tout simplement en dévalisant le club. Lorsqu’il rachète en septembre 2012 le club au consortium d’un Lakshmi Mittal trop heureux de s’en débarrasser, Adamescu devient l’actionnaire majoritaire d’un club qui vient d’empocher 20 millions d’euros grâce à sa présence en Ligue des Champions. Ce qui lui a permis d’effacer toutes ses dettes et de compter encore plus de sept millions d’euros sur ses comptes. Des millions qu’Adamescu se charge de détourner rapidement, grâce à Astra Asigurări, sa compagnie d’assurances, avec laquelle l’Oțelul signe un contrat à hauteur de quatre millions d’euros ! Une somme astronomique qui dépasse ce que les meilleurs clubs occidentaux acquittent. Adamescu vide ainsi les comptes du club, sans y investir un seul centime de sa poche. Un détournement auquel personne ne va s’opposer, des actionnaires minoritaires au maire de la ville : un certain Marius Stan, ancien joueur et directeur général du club, élu quelques mois plus tôt et qui est, coïncidence, celui par qui Adamescu est arrivé à la tête du club…

Massone, deuxième acte

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© zch.ro

Comme l’évoquait Hat Trick il y a quelques temps, Angelo Massone est entré dans le monde du football en Ecosse. En récupérant en 2008 un club de Livingston bien mal en point, l’avocat italien promettait de sauver le club et de le ramener aux sommets de la Premier League. Quelques mois ont suffi aux supporters pour regretter son arrivée. Massone a littéralement laissé le club sombrer et repartir en D4. Quand celui-ci est arrivé en décembre dernier à la tête du Ceahlăul Piatra Neamț, des doutes ont forcément fait surface. Et l’homme n’a pas déçu, c’est le moins que l’on puisse dire ! Après avoir viré puis repris son entraîneur Zé Maria dans des conditions rocambolesques, l’homme n’a pas attendu que son club soit relégué en L2 roumaine pour disparaître. Dès la mi-avril, l’Italien a ainsi quitté la Roumanie, disparaissant des écrans radar, non sans avoir encaissé au passage les droits télés du club, soit 1,7 millions d’euros. Déjà en grosse difficulté financière et sportivement relégué, le club comptait sur cette entrée d’argent pour éponger ses dettes.

Au mois d’août, la situation n’a pas changé. Le Ceahlăul tente de préparer sa saison de Liga 2 quand son propriétaire fait son retour. Un retour remarqué à Piatra Neamț, mais qui se fait sans argent. Massone revient en effet en Roumanie les poches vides, mais avec la promesse de virer sous peu la première tranche des salaires. Des salaires qui, évidemment, n’arriveront jamais. Mieux, Massone se débrouille pour faire partie auprès des joueurs de la liste rendue publique par la Justice des créditeurs du club! Aux dernières nouvelles, notre homme serait retourné cette semaine en Italie, laissant au club une ardoise de plus de 1 843 000 lei (417 000 euros environ). Pendant que ses actionnaires minoritaires cherchent en vain un éventuel repreneur, le club coule à pic et pointe à la dernière place de la Série 1. 

Du côté des joueurs, la situation est un calvaire. Les 22 éléments du groupe, dont la plupart sont des jeunes joueurs, voire des juniors, ne sont plus payés depuis huit mois. Tous ont déposé un dossier auprès de la FRF pour être libérés de leurs contrats et sont au bout du rouleau. Leur entraîneur Costel Ilie a lui jeté l’éponge la semaine dernière.

« Il nous faut trois repas par jour. Nous ne demandons pas plus ! »

« Nous avons un repas par jour, à midi, a dévoilé un des joueurs aux journalistes de ProsportC’est un repas consistant, je le reconnais. Mais nous sommes des sportifs, il nous faut trois repas par jour, c’est normal. Nous ne demandons pas plus ! » La situation est difficile, surtout pour les joueurs qui ne sont pas de la région. Certains ont avoué faire la quête en ville pour pouvoir s’acheter une pizza à se partager à plusieurs le soir. Pour ceux qui sont logés dans les locaux du club, sans eau chaude, chauffage ni même le câble (tout a été coupé), la situation est catastrophique, avec une température qui descend déjà à 13°C dans les chambres le soir. « Nous n’avons personne vers qui nous tourner, vers qui réclamer quoi que ce soit. On joue avec nous comme avec des balles de ping-pong, regrette un autre joueur, toujours sous couvert d’anonymat. Il faut être très fort pour résister.« 

La 11e journée de la Série 1 doit voir dans deux semaines un match opposant l’Oțelul Galați au Ceahlăul Piatra Neamț. A condition que ces derniers soient encore en vie à ce moment-là. Dure fin pour des clubs historiques et quasiment centenaires.

L’U Cluj, les Emirats et onze relégués

Dans la Série 2 de cette Liga 2, la situation n’est guère meilleure pour l’Universitatea Cluj. Finaliste inattendu de la Coupe de Roumanie l’an dernier, le club transylvain n’a pas pu éviter une descente à laquelle il était promis. En cause, de multiples problèmes financiers, conséquence de la situation difficile de son président face à la Justice. Poursuivi pour évasion fiscale et blanchiment d’argent, le riche homme d’affaires Florian Walter a préféré se soustraire aux juges en prenant la fuite en mai dernier vers les Emirats Arabes Unis. Résidant à Dubai, où il possède un appartement, Walter bénéficie d’une certaine liberté, son pays d’accueil n’ayant aucun accord d’extradition avec la Roumanie. Malgré un mandat d’arrêt international lancé dans la foulée contre lui, il n’a été arrêté qu’en juillet, mais raconte qu’il ne rentrera pas au pays, où il affirme être en danger de mort.

Florian Walter U Cluj
© Click!

Pendant ce temps, les robinets sont coupés, et les finances du club en mauvais état. Directeur-général, le fils du président tente de trouver un repreneur. En vain. Pour le moment, les économies ont été réalisées là encore en rajeunissant l’effectif. Tous les étrangers, généralement les joueurs les mieux payés, ont ainsi été libérés cet été et le groupe est aujourd’hui composé de joueurs dont l’âge va de 18 à 22 ans, provenant en grande majorité du centre de formation. Des jeunes logés en cité universitaire qui jouent pour un salaire oscillant entre 1 500 et 2 000 lei (340 à 450 euros). Dans ces conditions, l’équipe a du mal à obtenir des résultats et pointe à la 12e place sur les 14 que comprend la série, avec six petits points après huit journées. Une petite place à peine devant les deux assurant une descente directe vers l’échelon inférieur.

Tout n’est pas sauvé pour autant. Car après la Liga 1 la saison dernière, c’est au tour de la Liga 2 de connaître une importante restructuration. De deux séries de 14 équipes, la deuxième division roumaine va passer en un groupe unique de 22 clubs. C’est ainsi une nouvelle saison couperet qui attend nos clubs, puisqu’en plus des deux relégués directs de chaque série, les douze clubs classés dans les deuxièmes moitiés de chaque série joueront des play-downs dont seulement… quatre sortiront indemnes ! Soit douze relégués au total ! (en fait onze, le FCM Dorohoi ayant fait forfait général dans la Série 1). Comme l’an dernier, éviter la descente paraît une épreuve bien trop compliquée pour ces clubs au bord de la faillite.

Des disparitions à la pelle?

Pour le Rapid, bien placé pour remonter, et le Gaz Metan Mediaș, les voyants sont au vert. Bien que placé sous tutelle, le Rapid bénéficie de son attrait auprès des supporters et surtout des chaines de télévision, qui lui apportent une petite assise financière, couplée à une grande vigilance sur les économies. Du côté du Gaz Metan, le début de saison est laborieux, mais le club récolte les fruits de sa gestion sage ces dernières années. Une stabilité financière qui ne l’a pas sauvé l’an dernier mais lui permet de faire venir cette semaine un entraîneur en vogue, en la personne de Leo Grozavu, qui a fait des miracles avec Botoșani ces derniers temps et a refusé des offres de Liga 1 pour rejoindre le club du județ de Sibiu.

Derrière eux, plusieurs clubs de L2 sont mal en point. A commencer par le FC Brașov, dernier de nos relégués. Placé en cessation de paiement, le club a lui aussi libéré tous ses étrangers et son propriétaire Ioan Niculaie cherche lui aussi un investisseur prêt à reprendre la barre du navire. Malgré ça, le club tient bon et profite d’une victoire sur le Gaz Metan lors de la dernière journée pour tenir dans le haut du classement. Également bien classé pour le moment, le Farul Constanța. Le premier club de Gheorghe Hagi devrait connaître des jours difficiles avec l’officialisation cette semaine de la décision du tribunal de la ville : début d’une procédure de mise en cessation de paiement et nomination d’un administrateur judiciaire pour gérer les comptes du club.

« Un de mes joueurs habite dans une commune voisine située à plus de cinq kilomètres et vient à pied à l’entraînement. »

Mais la situation est encore pire pour un club historique du pays, le FC Bihor, âgé de 113 ans. Malgré trois victoires consécutives, le club pourrait bien ne pas rester en L2. A moins d’un miracle, il devrait même ne pas terminer la saison. Condamné à la banqueroute, le club va voir un liquidateur judiciaire rompre les contrats de tous ses joueurs. Des joueurs qui ne sont plus payés depuis des mois et qui continuent de gagner des matchs. A la plus grande admiration de leur dirigeant Mircea Fodor: « Mes joueurs vivent grâce à l’argent de leurs parents, de leurs familles ou d’amis. L’un d’eux habite dans une commune voisine située à plus de cinq kilomètres et vient à pied à l’entraînement. Il est inadmissible que des joueurs ne soient pas payés pendant 6, 7 ou 9 mois. Et pourtant ils jouent sans rien dire. Je le dis et je le répète, ces joueurs sont des héros ! » Des héros dont les équipes continuent de disparaître les unes après les autres en Roumanie.

Pierre-Julien Pera


Photo à la une : « Tant que nous vivrons, l’Oțelul ne mourra pas » | © prosport.ro

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