Quel avenir pour le football en Arménie ?

L’hiver dernier, l’étoile filante « Ulisses » Erevan annonçait son retrait du championnat d’Arménie en cours de saison. Une situation habituelle dans le Causase. Cependant, la disparition de cette équipe pour raisons financières laissait le championnat d’Arménie à sept équipes, et sans autre club à trouver en deuxième division. Certes, les problèmes n’ont sans doute pas commencé là, mais on se souvient encore d’un football arménien en plein développement au début des années 2000 quand le Pyunik battait le MTK Budapest avant de remporter le match aller contre l’Artmedia Petrzalka en C3. Une époque où le champion d’Arménie passait le premier tour de la C1 assez régulièrement et pouvait poser des problèmes aux champions ukrainiens. Cette période est révolue et, humiliation suprême, en 2014, le champion Banants tombait face à des amateurs andorrans.

Cette année, tout ne fût pas plus rose d’ailleurs : Alashkert a galéré contre des Andorrans alors que le Pyunik tombait à Gibraltar. Mention bien pour le Shirak qualifié et le Banants tombé en prolongations seulement à Chypre. Les problèmes, eux, sont plus profonds que de simples performances (ou contre-performances) sur la scène européenne.

Disparitions en série

Une situation qui peut paraître paradoxale, l’Arménie n’ayant jamais eu un joueur aussi talentueux que Henrikh Mkhitaryan, parti pour une fortune à Manchester United. La sélection, elle aussi, va correctement malgré une décevante campagne de qualifications 2016 (si on la compare avec les incroyables résultats obtenus lors des qualifications 2014) mais l’avenir de la sélection passe par la formation et le football professionnel local. Et c’est bien là que le bât blesse.

Revenons tranquillement en 2005. On peut voir neuf équipes en Première Ligue et douze (hors réserves et équipe 3) en Première Division. 21 équipes composent donc à l’époque le football arménien, mais cinq ont d’ores et déjà faillit en cours de saison. Araks, Lokomotiv Erevan et Artsakh Erevan disparaissent notamment. La dernière retournera dans sa ville d’origine pour évoluer dans le championnat du Haut-Karabakh. Le début de la fin ? Seulement le tout début. Des neuf équipes de Première Ligue, seules trois existent toujours aujourd’hui. À savoir Shirak, Pyunik et Banants.

Cinq ans plus tard, en 2010, la situation est déjà alarmante avec huit équipes de Première Ligue et seulement deux à l’échelon du dessous. On pouvait déjà se douter de ce qui allait se passer, car l’UEFA demande au moins huit équipes pour homologuer un championnat (hors dérogations spéciales).

Cependant, personne n’a voulu voir cette situation dans les instances du football arménien. L’ex-international Levon Pachadzhyan (évoluant aujourd’hui en banlieue de Stockholm au troisième échelon suédois) n’avait pourtant pas manqué de tirer la sonnette d’alarme. « Si l’on continue comme ça, les six dernières équipes peuvent également disparaître tôt ou tard« .

Selon lui, le problème vient de l’État qui ne soutient absolument pas le football local et décourage les investisseurs potentiels qui ne voient aucun horizon pour un quelconque investissement. Il égratigne également au passage la fédération. Le problème ? Sa préoccupation principale est d’ouvrir des écoles de football, ce qui en soit n’est pas forcément une mauvaise idée, mais elle en oublie qu’entre la formation et la sélection, le football professionnel de clubs est une étape indispensable. Les conséquences de cette faillite est donc extrêmement négatif pour la sélection et le niveau local à cause de l’absence de concurrence, mais également pour la formation ; les jeunes footballeurs ne verront bientôt plus de perspectives et se tourneront vers d’autres loisirs et objectifs.

De son côté, la concurrence est faible. C’est le moins que l’on puisse dire. On peut notamment prendre l’exemple du Mika. Le club a décidé au mois de juin d’arrêter son existence alors qu’il envisageait encore il y a peu de repartir à l’échelon inférieur. Le problème ? L’absence de financement. Encore un exemple d’un petit club de province, déménagé à Erevan, qui a construit son stade et est subitement devenu performant avec des investissements avant de disparaître quasiment aussi rapidement. Jamais champion, le Mika a été sept fois sur le podium récemment et a fait honneur à la patrie sur la scène européenne (la qualification contre le MTK, c’était eux !). Aujourd’hui, cette équipe n’est plus qu’un souvenir, et il ne reste que six clubs dans tout le pays.

Un été de recherche dans l’urgence

Tout l’été, le football arménien et ses suiveurs se sont demandé qui trouver ? Quel club inventer pour pouvoir faire une Ligue normale et de nombreuses solutions (ou plutôt hypothèses, voire fantasmes) sont apparues. Mais de loin, celle qui apparaissait la plus vraisemblable, la plus sérieuse et la plus attendue sans doute ne s’est jamais concrétisée.

Ainsi l’homme que tout le monde attendait n’est pas (complètement) arrivé. Il s’agit de l’ancienne gloire du football soviétique Khoren Oganesyan, dont le fils est passé par l’Olympiakos. Khoren, lui, a débuté à l’Ararat Erevan, un an après leur fabuleux titre de champion d’URSS (il était encore en équipe junior) et a remporté en 1975 la coupe nationale. 34 fois international soviétique, joueur et entraîneur en Ouzbékistan, il a également entraîné la sélection arménienne, le Tavria Simferopol et plus principalement le Pyunik Erevan. Cette légende locale a annoncé plusieurs fois cet été qu’il travaillait sur son club et qu’il jouerait en Première Ligue arménienne. Il pouvait compter pour cela de l’aide de son ami, l’homme d’affaires vivant en Russie, Artur Sogomonyan. Oui, mais seulement, le club n’est toujours pas apparu et il faudra sans doute attendre une année de plus pour le voir débarquer (s’il arrive un jour), même si ce bon Khoren annonçait encore il y a moins d’un mois que son club serait là et qu’il souhaitait y faire jouer principalement des joueurs locaux.

© Kevork Djansezian/Bongarts/Getty Images
© Kevork Djansezian/Bongarts/Getty Images

En dehors de ce projet, de nombreuses rumeurs ont circulé. L’une d’entre elles concernait la création d’une équipe sur la base de l’académie Avan d’Erevan dont les équipes jouaient en junior. La première génération ayant atteint la limite d’âge, c’eut été l’occasion idéale pour en faire une équipe professionnelle, sachant que l’académie possède les meilleures infrastructures du pays, plutôt que de voir ces jeunes chercher un club désespérément durant l’été. On a également parlé du retour de l’Impuls Dilizhan, disparu il y a un peu plus d’un an, de façon surprenante dans une des villes les plus financièrement dynamiques du pays. Enfin, le Lori Anadzor fondé en 1936 et disparu il y a plus de dix ans aurait également pu renaître de ses cendres, d’autant plus que la fédération y construit une académie avec le soutien de l’UEFA. Mais les 19e du premier championnat d’Arménie n’ont pas ressuscité…

 La situation pour 2016/2017

C’est donc le statu-quo qui a été retenu. Malgré tout ce bruit, la Première Ligue va donc repartir à six clubs : Pyunik, Ararat, Alashkert et Banants (tous à Erevan), Shirak Gyumri et Gandzasar Kapan. C’est irréversible depuis le tirage au sort effectué le premier juillet. Ce même jour a été effectué le tirage au sort du premier tour (enfin des quarts de finale, c’est pareil…) de la coupe d’Arménie et là, surprise ! On y trouve huit clubs… Bon d’accord, c’est peu pour une coupe, mais quand même, on peut se demander où ont-ils été trouvés ?

Il s’agit, bonne nouvelle, de la renaissance de deux clubs préalablement disparus, mais qui vont devoir évoluer en Première Division (deuxième échelon), le règlement de l’UEFA (qui peut être légèrement contradictoire par moments) n’autorise pas des équipes nouvellement créées à évoluer directement dans l’élite. Ainsi, elles seront incluses dans une Première Division à huit équipes : les six réserves des clubs de Première Ligue et elles.

La première de ces équipes est le Kotayk Abovyan, créé en 1955 et septième du premier championnat d’Arménie en 1992. Abovyan, c’est la banlieue d’Erevan et la ville, qui est jumelée avec Villeurbanne, n’avait plus connu le football professionnel depuis 2005. C’est Samvel Petrosyan (père d’Arsen, gardien de Gandzasar), sorti de l’académie de l’Ararat en même temps qu’Oganesyan qui managera ce club comme il l’a déjà fait auparavant et après y avoir lui-même joué.

Ex-entraîneur des équipes de jeunes de l’Arménie, mais aussi du Pyunik et du Shirak notamment. Il avait amené le Kotayk en finale de coupe d’Arménie en 1996 mais en était parti avant de connaître le premier match européen de l’histoire du Kotayk en C2 : une victoire contre l’AEK Larnaca 1-0 (avant de perdre 5-0 au retour). Le Kotayk a d’ailleurs disputé un autre match sur la scène européenne, en 2003, dans un match d’Intertoto et éliminé au but à l’extérieur par Brno 0-1, 3-2.

L’équipe, elle, semble déjà prête pour la saison et sera constituée de joueurs dans la force de l’âge, Petrosyan ne voulant pas de jeunes joueurs qui ne seraient pas prêts ni de joueurs trop proches de la retraite, comme il le déclarait dans la presse sportive arménienne. En ce qui concerne le financement, on ne devrait pas, selon lui, se faire de soucis, car les sponsors sont des « amis étrangers » dont il ne veut pourtant pas donner les noms pour le moment…

L’autre club qui vient compléter le paysage footballistique arménien en cet été est le Erebuni Erevan. Créé en 1956 sous le nom de SKIF (Club sportif de l’institut d’éducation physique), il a brillé au plus haut niveau arménien (division inférieure) sous l’URSS. Neuvième du premier championnat arménien, il finira troisième en 1997 avant de disparaître en 1999, deux ans après avoir été renommé Erebuni, en l’honneur du quartier de la capitale dans lequel il est basé. Le club a lui aussi joué un match d’Intertoto, en 1998 contre le voisin du Torpedo Kutaisi. Une défaite 6-0 et un nul 1-1.

On ne sait pour le moment que peu de choses sur ce club, mais il sera sportivement dirigé par Sevada Arzumanyan, un ancien joueur du club, qui a évolué un peu partout en Arménie, et notamment à Ararat dans les années 1990. Il a également entraîné le plus grand club de l’histoire arménienne, mais est lié à Ulisses qu’il a emmené au titre en 2011. Il est intéressant de remarquer qu’une grande partie de l’équipe dirigeante provient du défunt Ulisses. Troublant…

Dans tous les cas, on espère que ces deux équipes pourront monter l’an prochain en Première Ligue pour rétablir un championnat à huit équipes, en attendant d’autres créations et sans faillites pour sauver un football national complètement à la dérive.

Adrien Laëthier


Image à la une : Alashkert | © Ian MacNicol/Getty

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