« Sur le long terme, je le vois avec un gros potentiel. Il peut être un numéro neuf terrifiant. Il est bon dans les airs, costaud, puissant, et il a une bonne mobilité et de bons enchaînements ». Ces mots ne viennent pas de n’importe qui. Ce sont ceux de Roberto Martinez, alors entraîneur d’Everton, qui a gagné sa réputation mondiale pour son formidable travail à la tête de Wigan. Et celui qui est décrit n’est autre qu’Apostolos Vellios, alors âgé de 22 ans. Un talent grec dont le parcours allait vite se compliquer.
Premiers pas à l’Iraklis
Apostolos Vellios, donc, voit le jour en janvier 1992 dans une ville riche en football, Thessalonique. Le petit Apostolos, comme tout Grec qui se respecte, tape dans un ballon dès son plus jeune âge, tout près du Golfe Thermaïque. Supporter du plus vieux club de la ville, l’Iraklis, c’est tout logiquement qu’il entame sa formation dans l’ancienne équipe d’Edwin Murati. Il y gravira progressivement tous les échelons. Rapidement considéré comme l’un des espoirs du club, et plus globalement du football grec, il découvre la Super League lors de la saison 2009-2010, avec neuf apparitions pour deux buts (dont un contre l’Olympiakos, excusez du peu).
En parallèle, Vellios se fait les dents avec les équipes de jeunes grecques, où ses belles dispositions commencent à susciter l’intérêt de quelques scouts européens bien avisés. La saison suivante voit son temps de jeu augmenter, et le jeune grec dispute quasiment l’ensemble des rencontres de la première partie de saison, souvent en entrant en jeu. Il marquera d’ailleurs dès la première journée, pour une victoire contre l’Olympiakos d’Ernesto Valverde et de François Modesto.
Départ précoce pour les Toffees
Avec ses 9 buts en 16 sélections chez les Espoirs, celui dont le père, Kostas, fut aussi joueur de l’Iraklis, est de plus en plus courtisé. L’Italie (Bologne), l’Angleterre (Fulham, Everton) et les gros clubs grecs (AEK, Olympiakos) ont coché son nom sur leurs tablettes. La course fait rage. Le joueur décide finalement de mettre le cap sur l’Angleterre, et d’enfiler la tunique bleue d’Everton. L’Iraklis récolte 300 k€ au passage pour sa pépite de 19 ans. Une somme relativement dérisoire, compte tenu des capacités démontrées par celui dont le prénom signifie « apôtre ».
Le joueur, lui, justifiera ce choix plutôt risqué par son attrait pour ce championnat, ses structures et son professionnalisme. « La Premier League était mon choix n°1, et dès que je suis venu à Everton, que j’ai vu le stade, le centre d’entraînement et que j’ai pu parler avec le coach et les joueurs, j’ai su que c’était l’endroit pour moi ». Sa deuxième partie de saison sera plus compliquée. Faite d’adaptation au jeu anglais et de coups d’éclat avec l’équipe réserve d’Everton, il ne verra qu’à trois reprises les (belles) pelouses du Royaume-Uni, pour un total de 31 minutes.
Pourtant, pour Sotiris Milios, journaliste à SDNA, ce choix fut le meilleur de la carrière de l’attaquant grec : « Sa décision d’aller à Everton fut sa meilleure décision. Il a changé son corps, sa mentalité, sa confiance et sa manière de penser. Il a appris le football. Ce fut un excellent choix, il a grandit et engrangé de l’expérience au plus haut niveau. L’intérêt d’autres clubs était réel, mais quand David Moyes lui a dit qu’il croyait en lui il n’a pas laissé passer cette chance ».
Le début des problèmes
Mais, dans un effectif et un championnat où la concurrence est énorme et les effectifs surchargés, Apostolos Vellios ne verra pas son temps de jeu décoller significativement. Il grappillera tout de même 13 apparitions (2 comme titulaire) en Premier League en 2011-2012, pour trois buts, ce qui reste à ce jour son meilleur « score » avec Everton. « Il ne faut pas oublier qu’à cette époque, le club avait une équipe très compétitive, et très bonne. Il était difficile pour lui de jouer », note Sotiris Milios.
Il est alors victime de ce fameux mal grec qui frappe les jeunes talents qui ont décidé de s’exporter. Sotiris Ninis, Ioannis Fetfazidis ou Charalampos Mavrias sont autant de grands talents gâchés par des choix de carrière pas toujours opportuns. Des joueurs dont nous avons parlé à plusieurs reprises, notamment pour évoquer la descente aux enfers de la sélection nationale. « C’est facile à expliquer. Ils n’étaient pas matures, aussi bien physiquement que mentalement. Les joueurs grecs ont des difficultés à s’adapter à l’étranger. Il leur est difficile de vivre en dehors de l’environnement grec (famille, amis, soleil, belle vie). Les athlètes grec, en général, ne sont pas préparés à voir le football comme un travail (comme les Serbes, par exemple). Ils ne sont pas prêts à sacrifier des choses dans le but d’aider leur carrière. Il n’y a que quelques exceptions à cette règle … », explique Sotiris Milios. Difficile de lui donner tort sur ce point-là.
Sous les ordres de David Moyes, alors coach de l’époque, il ne trouve pas sa place dans le système de l’Écossais, qui le trouve encore trop juste pour occuper la pointe de l’attaque. Surtout, le club fait venir Jelavić des Rangers en janvier 2012, et le Croate termine la saison avec 9 buts en 13 matchs. De quoi ranger le Grec à la cave, et réduire considérablement ses opportunités de temps de jeu. Il bouclera la saison suivante (2012-2013) avec six petites apparitions. Bien trop maigre pour espérer progresser.
Prêt à Blackpool et saison blanche
Incité par Roberto Martinez, le nouveau coach d’Everton, à aller chercher du temps de jeu en prêt, Vellios se montre réticent, persuadé de pouvoir se faire une place dans un groupe pourtant pléthorique. Mais le temps presse, comme le rappelle alors le technicien espagnol : « Il a passé l’étape du supersub où il apporte quelque chose à l’équipe pendant 10 minutes. Maintenant, c’est le temps où il a besoin de progresser au niveau de ses prises de décision sur 90 minutes. S’il fait ça, je le vois avoir un rôle dans l’équipe première. On lui donnera du temps, mais il a besoin de matchs. On a vu son potentiel, et en présaison il a fait en sorte que tout le monde soit au courant de cela. J’espère que la prochaine étape de son développement se fera ».
Un message relativement clair, que le joueur met du temps à mettre en oeuvre. Il faudra attendre le mois de mars de la saison 2013-2014 pour le voir partir en prêt à Blackpool, alors en Championship. Un choix qui s’avérera désastreux, puisqu’il ne disputera que deux matchs avec l’ancien club d’Eliott Grandin, avant que son club ne le rappelle, comme cela se fait souvent outre-Manche. Il bouclera son année dans l’anonymat, puisque Roberto Martinez ne lui donnera pas sa chance. Le voilà donc revenu au point de départ, quatre ans après son départ de Grèce. 4 ans, pour 24 matchs et trois buts. Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Apostolos Vellios a perdu du temps, beaucoup de temps. Le wagon en sélection est passé, et Vellios est resté à quai. Son contrat avec Everton se terminant, le voilà donc libre, à 22 ans.
Une relance difficile en Belgique
Forcément, après une expérience aussi compliquée, peu de courtisans se placent sur cet ex-espoir décevant. Il signe alors à Lierse, en Belgique, dans un club qui semble parfait pour retrouver de la sérénité et du temps de jeu. Du temps de jeu, oui, puisque Vellios prend part à 13 matchs de Jupiler Pro League. On se dit, ou du moins on espère, alors que la machine est en marche, qu’il va retrouver son talent et se remettre à marquer. Mais non. Décevant (1 but), il sort subitement du groupe à la mi-novembre 2014. « Quand vous êtes un joueur professionnel, vous avez besoin de conditions parfaites pour jouer, et d’une équipe qui correspond à votre style. Ce n’était pas le cas en Belgique, analyse Sotiris Milios. C’était beaucoup mieux au Danemark, même si le club n’était pas très grand. C’était comme une famille là-bas ».
En effet, il ne finira même pas la saison en Belgique, bien en deçà de ce que le club attendait de lui. Prêté au club danois du FC Vestsjælland, il se retrouve à jouer le maintien dans un championnat où aucun Grec n’avait joué auparavant. Loin de ses rêves de Premier League et de grosses écuries, l’ancien crack annoncé de l’Iraklis doit se faire une raison : réussir au Danemark est sa dernière chance de recoller les morceaux d’une carrière décousue. Et le pari sera plutôt fructueux. En six mois, il ne ratera aucun match (16 en championnat, 3 buts), tout en permettant à son équipe d’atteindre la finale de la Coupe (perdue contre Copenhague) avec trois réalisations en quatre matchs. Le grand attaquant semble avoir retrouvé de la régularité, lui qui n’a jamais vraiment été habitué à enchaîner les parties avec ses différents clubs.
L’appel du coeur
Comme Sotiris Ninis avant lui, ou Kostas Fortounis, Apostolos Vellios décide de revenir, cet été, dans le club qui l’a formé : l’Iraklis, fraîchement promu en Super League. Dans « son » club, loin de la grisaille anglaise, il n’a jamais semblé aussi à l’aise. « Son père était un ancien attaquant du club. Il l’a beaucoup influencé pour qu’il revienne. Apostolos avait désespérément besoin d’un nouveau départ dans sa carrière, et l’Iraklis était l’endroit parfait pour lui. Il s’est senti important, le n°1 de nouveau. L’Iraklis est sa maison, son royaume. Tous les autres joueurs essayent de lui mettre des bons ballons. Son choix d’un retour n’avait rien à voir avec l’argent », souligne le journaliste grec.
Forcément, cela se traduit sur le terrain. Le déclic arrivera contre Xanthi, le 26 septembre dernier. Entré en jeu à la 67′, à la place de Kosmas Tsilianidis, il égalise quatre minutes plus tard. Il remettra ça le match suivant, contre le PAS Giannina. Puis celui d’après aussi, contre le PAOK. Et encore celui d’après, contre l’AEK. 4 buts en 4 matchs. Il devient alors l’atout n°1 d’un club qui réalise une saison surprenante, terminant la phase aller à la neuvième place.
Ses deux prochains buts se font ensuite attendre, mais permettront à son club de coeur d’accrocher deux belles proies à son tableau de chasse : le Pana, et l’Asteras Tripolis. Le coup de grâce arrivera au tout début de l’année 2016, avec son triplé contre Kalloni. Une performance rare, qui braque les projecteurs européens sur un joueur retombé dans l’oubli. Son nom réapparait sur les tablettes du PAOK et de l’Olympiakos, qui suivent de près la résurrection d’un joueur autrefois destiné aux sommets.
Un avenir en sélection
À 24 ans, Apostolos Vellios semble déjà avoir vécu plusieurs carrières. Celle d’un enfant prodige, d’abord, lancé très (trop ?) vite dans le grand bain. Celle, ensuite, d’un espoir en quête de temps de jeu, dans l’un des championnats les plus relevés du monde. Celle, aussi, d’un joueur qui ne joue pas, et qui enchaîne les clubs et pays, sans pouvoir vraiment s’exprimer. Celle, enfin, d’un homme revenu chez lui, auprès des siens, pour y retrouver son football et sa joie de vivre, deux choses souvent étroitement liées. À 24 ans, Apostolos Vellios a, surtout, le temps devant lui. Le temps pour ne pas refaire les mêmes erreurs.
Dans les petits papiers de Michaël Skibbe, le nouveau sélectionneur de la Grèce, il devrait connaître la joie de la sélection très vite, et jouer un rôle dans la reconstruction dans une équipe sans certitudes. « C’est sûr que Skibbe va l’appeler pour les prochains matchs, mais il est difficile de dire s’il peut devenir le choix n°1. Je pense que Mitroglou est meilleur, mais Vellios peut être un joueur de rotation très utile. Mais il a besoin d’abord de créer une alchimie avec les autres joueurs de la sélection », avance Sotiris Milios.
Une récompense pour un joueur qui aura eu le mérite de ne jamais lâcher, malgré des années difficiles, passées à regarder ses camarades jouer et s’éclater. La récompense aussi pour un club modeste, habitué à faire de belles choses avec très peu de moyens, et qui devrait pouvoir se renflouer avec cet attaquant aux airs (physiques) de Shevchenko. Mais aussi un signal lancé à un joueur qui doit absolument trouver de la stabilité s’il veut arriver au niveau que son talent peut (et doit) lui permettre d’atteindre. Histoire de donner raison à un Roberto Martinez peu habitué à se tromper.
Alors, cet été, il devrait être confronté à un nouveau choix important : quel avenir donner à sa carrière ? S’il ne fait aucun doute que l’Iraklis deviendra trop petit pour lui, il aura sans doute en tête les erreurs du passé à l’heure de choisir sa future destination. « C’est évident qu’il va partir, probablement à l’étranger. Il est temps pour lui de jouer dans le bon club. Je le vois, par exemple, aller parfaitement dans un bon club en Belgique ou aux Pays-Bas. Numéro 9 dans un club comme Anderlecht ou Feyenoord », pronostique Sotiris Milios. Avant de, pourquoi pas, mener l’attaque grecque à la Coupe du Monde 2018. À 24 ans, Apostolos Vellios a encore le temps devant lui.
Martial Debeaux
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