Footballski vous propose de découvrir une nouvelle rubrique avec « Ma vie à l’Est. » Le principe est simple : rentrer dans la vie d’un joueur de football tout le long de sa saison, et lui laisser carte blanche afin qu’il puisse s’expliquer sur tous les sujets qui peuvent l’intéresser. Du football en passant par la musique ou la nourriture, vous saurez tout d’eux. Pour lancer la rubrique, nous avons décidé de choisir Mathias Coureur, ancien joueur du Cherno More Varna, du Dinamo Tbilissi et désormais du Lokomotiv Gorna Oryahovitsa. En effet, ce dernier s’est engagé il y a de cela quelques semaines au Kazakhstan, pour revêtir le maillot du Kaisar Kyzylorda. C’est dire si les aventures du Martiniquais à l’Est sont riches. Des aventures à découvrir à travers ses écrits.


Il fait chaud à Kyzylorda, c’est le moins qu’on puisse dire. Avec une trentaine de degrés au compteur, les organismes sont mis à rude épreuve depuis quelques jours, d’autant que nous entamons une période spéciale de l’année pour tout footballeur musulman et pratiquant : le ramadan. Contrairement à mes anciens pays est-européen, le Kazakhstan est habitué à cette pratique et cette tradition, le pays ayant un lien religieux fort avec l’islam. En effet, bien que la population russe soit assez présente au pays, de ce que j’ai pu constater, l’islam reste malgré tout très majoritaire dans le pays. Une société musulmane que l’on peut observer notamment par les vastes et nombreuses mosquées fleurissant à travers les terres de tout le pays.

Cette période du ramadan intervient à un moment où mes dernières performances étaient relativement bonnes, avec des nominations dans les équipes types et, pour couronner le tout, mon premier but avec mon nouveau club face au Kairat d’un certain Arshavin. Loin de son niveau d’antan, la tête blonde a malgré tout prouvé tout son talent balle au pied dans ce match en se procurant un penalty – très limite cependant, et en délivrant une passe décisive. Ainsi, malgré mon but, nous n’avons malheureusement pas réussi à conserver notre avantage très longtemps et nous nous inclinons une nouvelle fois. Une nouvelle défaite dans la continuité de nos résultats en dents-de-scie.


Le joli but de Mathias Coureur face au Kairat

Avec ce ramadan se pose alors l’une des questions majeures pour tout football musulman et pratiquant : comment réussir à gérer nos efforts et mixer à la fois les contraintes liées au jeûne et la vie de footballeur professionnelle faite d’entraînements, de matchs et donc d’efforts sur le long terme.  Cette situation, je la connais depuis mon plus jeune âge. Au Havre déjà, alors que je n’étais que chez les U16, se posait déjà pour la première fois, et seule fois de ma carrière, le « problème » du ramadan. Alors que le club interdisait à tous ses jeunes joueurs de le pratiquer, certains, comme moi ou mon ami Daouda Camara, ont tenté d’enfreindre ce règlement. Par chance, le fait de s’appeler Mathias Coureur n’a pas vraiment soulevé les soupçons du côté de nos entraîneurs et je n’ai donc pas vraiment eu de problème, la seule chose que je devais alors faire était de me rendre à la cantine et de faire semblant de prendre mon repas. Cependant, pour d’autres, comme Daouda, la tâche fut plus délicate. C’est ainsi qu’un jour, lors de la fin d’un entraînement, à cinq minutes chrono de pouvoir rompre le jeûne entamé, notre – fabuleux – entraîneur Yohan Louvel, fils de, a décidé de tester Daouda.

Tout d’abord, alors que le coach avait constaté que Daouda n’avait pas touché une seule fois à sa bouteille d’eau durant tout l’entraînement, il lui a demandé s’il faisait le ramadan. Évidemment, Daouda a nié. Yohan Louvel lui a alors demandé de boire une gorgée d’eau pour le prouver. Daouda s’est exécuté en se lançant dans une simulation de buveur d’eau loin d’être des plus réussies. Peu crédule, le coach est allé jusqu’à lui faire avaler lui-même de l’eau, le tout en lançant un fameux « si tu me prends pour un con, je peux être encore plus con que toi. » Certaines personnes auraient pu mal le prendre, mais le fait que ce soit un entraîneur comme Yohan Louvel a permis de classer rapidement l’affaire. Un coach enfilant parfois la casquette de détective privé, ne voulant que du bien pour ses joueurs.

Dans la suite de ma carrière, je n’ai jamais réellement connu de problèmes vis-à-vis de la pratique du ramadan dans mes clubs, bien que tous les clubs français où j’ai pu passer ont toujours conseillé de ne pas le réaliser pour notre physique et nos performances. C’est notamment pour cette raison que, comme beaucoup de footballeurs, j’ai dû au fil des années adapter mon ramadan avec la pratique du football. Pour ce mois-ci, j’ai par exemple décidé de m’autoriser des repas – et surtout des litres d’eau – lors des jours de match, afin de ne pas tomber en panne d’énergie en plein effort.

Coureur face au Kairat

Outre le football, j’ai également pu découvrir de nouveaux aspects de la culture kazakhe, dont l’un des sports préférés du pays : le Kokpar, ou aussi appelé Bouzkachi. Vous ne connaissez pas ? C’est normal. Et c’est peut-être mieux comme ça.

Alors, qu’est-ce que le Bouzkachi ? Prenez des chevaux, des cavaliers et… une carcasse d’une chèvre ou d’un mouton. Galopez, essayez d’attraper ce cadavre de mouton, trimbalez-le à cheval sur le terrain et balancez-le dans une zone afin de gagner des points. Un sport extrêmement populaire au pays, diffusé sur la première chaîne sportive kazakhe et où l’on peut même retrouver de vrais clubs ! C’est comme cela que j’ai eu l’occasion de voir quelques minutes d’un match de Kokpar diffusé à la télévision, le tout en compagnie de mes coéquipiers locaux scotchés devant cette même télévision et le spectacle proposé. Autant vous le dire, ce dernier est assez violent et dur à regarder pour un néophyte comme moi. La vue de ce cadavre de mouton trimbalé un peu partout sur le terrain le tout en dégueulant le restant de sang de son corps n’est pas vraiment la vision la plus agréable du monde, loin de là.

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[mks_accordion_item title= »NDLR : ATTENTION – la vidéo ci-dessous comporte des images qui peuvent choquer. Âmes sensibles s’abstenir. »]
Le kokpar

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Mathias Coureur / Propos recueillis et retranscrits par Pierre Vuillemot


Image à la une : © fckaysar.kz

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