Jusqu’à mercredi soir, le Dinamo Zagreb était connu pour son excellente académie de jeunes et son habileté dans la vente de joueurs. Sa constance dans la participation aux joutes européennes automnales était soulignée, tout comme sa faculté à se prendre des roustes par tout le monde.  Mais depuis sa victoire méritée contre Arsenal, le Dinamo commence à montrer un profil de candidat sérieux et la donne semble avoir changé.

L’histoire européenne du Dinamo a beau être remplie de grands matchs, il faut remonter à 1999 pour retrouver la dernière trace d’un exploit avec un 0-0 arraché à Manchester United, ou l’année précédente avec une victoire sur le terrain du grand Ajax Amsterdam. Cette victoire contre Arsenal pourrait même être placée dans le top 3 de l’histoire européenne du club avec la fantastique remuntada contre Francfort en demi-finale de la coupe d’Europe des villes de foires (3-0 à l’aller pour Francfort, 4-0 au retour à Zagreb après prolongation) ou encore de la victoire, cette même année 1967, en finale contre Leeds. Cette victoire contre les Gunners est la première victoire contre un club anglais depuis 48 ans. Les buteurs de 1967, Cercek et Rora, sont aujourd’hui au crépuscule de leur vie, mais ils auront au moins pu connaître leurs successeurs.

Dans l’histoire, Zoran Mamic figurera donc dans l’histoire aux côtés de son illustre prédécesseur Branko Zebec. Si ce dernier fut l’investigateur de l’épopée de 1967, Mamic a su dominer tactiquement Arsène Wenger (avec les bons conseils de Slaven Bilic, comme Mamic l’a avoué en conférence de presse) et créer un incroyable exploit si l’on compare la différence de ressources entre les deux clubs. Le plus drôle dans tout ça est que l’arrogance anglaise a été blessée dans son âme par la tactique de Mamic, entraîneur particulièrement conspué et critiqué depuis son introduction en poste par son frère Zdravko.

Dinamo Zagreb, Croatie

Une équipe avec de grands talents

La qualité individuelle des joueurs du Dinamo Zagreb n’a jamais été mise en doute. Certains d’entre eux ont même le niveau pour jouer dans de grandes écuries européennes. Le principal problème, du moins jusqu’à présent, était que chaque année le Dinamo était organisé de manière à dominer la scène nationale et vendre tous les talents qui y braillaient, de façon à ce que l’équipe ne puisse jamais être compétitive en Europe. L’objectif principal de chaque saison était d’assurer le titre et la participation à une phase de groupe continentale pour augmenter le prix des joueurs à vendre, en plus de la sympathique prime de l’UEFA qui permet au club de mener la grande vie. De cette façon, on pouvait prétendre sans se tromper que Mamic avait fait du Dinamo un business prospère plus qu’un club de football, à la manière de Monaco cette année.

En conséquence, le Dinamo était rarement regardé comme une équipe mais plutôt comme un groupe d’individus divisé en deux parties : les légionnaires, dont la motivation et le professionnalisme déterminent les performances (coucou Sammir !), et les valeurs marchandes que sont les jeunes croates qui jouent pour accroître leur expérience et développer leur talent. Leur but est d’accéder à l’équipe nationale avant un transfert lucratif à l’apogée de leur valeur marchande (qui arrive très tôt en Croatie).

Au niveau national, ainsi que lors des premiers tours de qualification européenne, une équipe comme le Dinamo ne peut que dominer en raison de ses qualités individuelles largement supérieures. Elle n’a pas besoin d’une organisation tactique détaillée pour parvenir à ses fins. Mais cet avantage est à double tranchant : en l’absence d’examen suffisamment sérieux sur la scène locale, le Dinamo se retrouve pris au dépourvu quand son adversaire n’est pas forcément plus fort, mais est plus équilibré et se compose de travailleurs plus que de joueurs talentueux. C’est ainsi que l’on peut expliquer les désastres des saisons précédentes contre Aalborg, l’Austria ou même les difficultés contre Molde cette saison.

Cette année, qualifié pour la Ligue des Champions à la faveur d’un tirage plutôt favorable en tours préliminaires (Fola Esch, Molde, Skenderbeu), le Dinamo pensait mettre fin à ses ambitions. La seule ambition se résumait à apparaître sous de bons aspects, ou du moins de ne pas se ridiculiser comme il y a quelques années. Tout le reste étant du bonus. Avec cet état d’esprit, le club n’a pas enregistré un seul renfort supplémentaire et a en plus vendu le défenseur central titulaire Jozo Simunovic (pour 8M€ au Celtic, offre considérable pour un joueur moyen qui ne se refuse pas).

dinamo zagreb croatie

L’expérience prime sur la jeunesse

Cela faisait trois ans que le Dinamo Zagreb n’avait pas rencontré un adversaire de la classe d’Arsenal. Compte tenu de l’énorme écart de niveau entre les deux équipes et des statistiques peu glorieuses du Dinamo lors de ses deux précédentes campagnes de Ligue des Champions, les supporters craignaient une lourde défaite. Il n’en a rien été. Le Dinamo a bien joué en étant solide, compact, prudent tactiquement, sans erreur individuelle et sans but stupide encaissé. En résumé, le contraire de ce qu’il produit d’habitude. Le jeu affiché fut largement au dessus de tout ce que l’on a pu voir cette saison, et même les précédentes.

La titularisation d’Antolic, au cœur du jeu, a apporté de la stabilité au jeu croate, même si le milieu est moins talentueux que Coric ou Rog. Ademi, en milieu défensif, est également à créditer d’un énorme match avec un abattage impressionnant. Le principal regret s’est situé à la pointe de l’attaque. Marko Pjaca, seul joueur qui a la capacité de créer des différences en remportant des un contre un, fut retiré de l’aile pour un rôle axial impliquant une importante activité défensive sacrifiant son explosivité habituelle. Le sacrifice est double puisque le mettre à ce poste a relégué Angelo Henriquez sur le banc. En défense, le système ressemblait à 4-5-1  avec deux blocs très compacts, tandis qu’en phase offensive le système se muait en 4-4-2 avec l’apport de Soudani et Fernandes – depuis longtemps en méforme mais excellent ce soir-là – sur les ailes.

Cependant, il faut rester réaliste et ne pas oublier le coup de main d’Arsène Wenger. Le Français a voulu préserver certains titulaires habituels (Cech, Monreal, Coquelin, Walcott) en vue du derby contre Chelsea. La chance a aussi servi les bleus puisque le premier but (un contre favorable et un csc) est intervenu alors que les Anglais avaient plus que dominé le match jusque-là, leurs adversaires ne tentant rien d’autre que de longs ballons. L’expulsion particulièrement stupide d’Olivier Giroud a également galvanisé les Croates. Même si Arsenal fut particulièrement mauvais dans l’utilisation du ballon et si le Dinamo a eu de la chance, ce dernier a réussi ce qui semblait être inaccessible : enfin ressembler à une équipe. Les valeurs marchandes ont été sacrifiées (bien que trois d’entre eux sont rentrés en jeu) et les étrangers étaient à un niveau de motivation maximale. La composition d’équipe était équilibrée et cela a payé : il n’y eut aucune faille dans le système.

Nous avons assisté à une soirée inhabituelle. Le modèle a changé et l’ordre établi semble différent. Ceci est un grand saut dans l’inconnu et tout ce que nous savions sur le football croate est remis en question. Si le Dinamo peut maintenant battre Arsenal, quelle sera la prochaine étape ? Avoir un club toujours en Europe après la période de Noël ? Une prise de pouvoir des fans au Dinamo ? Un championnat où la position dominante du Dinamo serait menacée ? Des changements à la fédération ? Ou encore pourquoi pas Cacic (pressenti pour être le nouveau coach de la sélection) qui raserait sa moustache ?

Damien Goulagovitch

Leave A Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.