En cette année 2016, le Legia Varsovie a célébré son centième anniversaire. Tout au long de cette dernière semaine de l’année, Footballski vous propose un voyage dans le temps, à la découverte des origines du club polonais.


La Première Guerre mondiale occupe une partie importante de l’histoire de la Pologne, ainsi que dans sa reconstruction en tant qu’État. Une reconstruction dont l’un des maillons principaux fut Józef Piłsudski, lui, l’exilé en Sibérie, lui, le chef du Parti socialiste polonais, lui, l’homme combattant dans l’Armée austro-hongroise à la tête des Légions polonaises, lui, l’homme qui proclame l’indépendance de la Pologne. Une figure historique du pays qui reste à tout jamais lié à son Histoire, qu’elle soit militaire, politique ou … sportive.


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Les mouvements sportifs

Au début du XXe siècle, la société polonaise est donc coupée en trois. Une division qui brime l’évolution du sport pour les jeunes universitaires polonais. En effet, Russes et Allemands craignent que permettre aux jeunes de participer à des projets sportifs puisse créer des conditions favorables à la formation d’une organisation pour l’indépendance. Par conséquent, ces derniers préfèrent limiter la formation d’associations sportives et interdisent les sports d’équipe chez les jeunes universitaires polonais.

Ainsi, pour beaucoup de Polonais, la réponse à ce problème se trouve du côté des territoires occupés par l’Autriche. Ces règles n’y sont pas en vigueur et laissent alors la possibilité à tous les Polonais de participer à des compétitions sportives. Il est alors facile pour ces personnes de se déplacer et d’y participer sous des noms d’emprunt.

C’est ainsi que les adolescents de Galicie se tournent vers deux organisations distinctes afin de se forger musculairement, de se défouler à travers les sports, mais aussi d’être imprégné d’une certaine idéologie. La première, une institution bien connue à l’Est, et en Tchécoslovaquie notamment, le Sokół, mouvement sportif calqué sur le Sokol tchèque. Le mouvement Sokół, « Faucon » en VF, se trouve être l’association polonaise de gymnastique. Celle-ci voit le jour à Lwów en 1867 et, comme en Tchéquie, ce mouvement est en lien avec le patriotisme et a pour objectif de promouvoir la fameuse devise « un esprit sain dans un corps sain. »

Société Gymnastique « Sokół » à Wroclaw en 1910.

Le mouvement Sokół a aussi, indirectement, donné lieu à la naissance de nombreux clubs de football polonais, un sport de plus en plus populaire mondialement. À vrai dire, l’organisation en elle-même n’était pas grande amatrice de ce sport, le considérant comme prolétaire, un sport destiné au commun des mortels et pensé pour se divertir, le Sokół préférant des sports comme l’escrime ou la gymnastique qui permettaient de se forger mentalement et physiquement. Malgré tout, mécontents de cette vision, de nombreux jeunes polonais décident de quitter l’organisation et de découvrir la joie du ballon avec soif de jeu et de plein air. C’est ainsi que, durant le « II Zlotu Sokoła« , à Lwów, le 14 juillet 1894, que s’est joué le premier match de football de l’histoire de la Pologne entre le Sokół Lwów et le Sokół Krakow. Un match où Włodzimierz Chomicki devient le premier buteur de l’histoire de ce football, en inscrivant un but dès la sixième minute de jeu.

La seconde, créée au pays, se trouve être l’organisation paramilitaire Związek Strzelecki, organisation où Piłsudski officie, qui forme alors les futurs tireurs des champs de bataille. De même, on peut également citer la Towarzystwo Sportowo-Gimnastyczne « Strzelec », à Cracovie.

Tandis que la Związek Strzelecki permet de former les jeunes soldats, le Sokół, lui, développe la condition physique et mentale des adolescents. Et le football, dans tout ça, vient se greffer à cette formation tout en ajoutant un esprit et une cohésion d’équipe. Mais surtout, ces organisations et ces clubs de football exercent un impact significatif sur la conscience nationale dans la jeunesse polonaise, une jeunesse qui recevait alors une certaine éducation patriotique.

Si la Première Guerre mondiale fait éclater les différents groupes et clubs de football de ces formations sur les différents fronts de guerre, elle permet aussi de créer un futur club de football qui allait devenir légendaire. Un club de football dont la base de sa fondation se reposa sur ces différentes entités.

Des fusils et un ballon

28 juin 1914, l’héritier de l’empire austro-hongrois, l’archiduc Ferdinand, et son épouse sont assassinés à Sarajevo par le jeune serbe Gavrilo Princip. Un mois plus tard, l’Autriche-Hongrie déclare la guerre à la Serbie, puis, aux côtés de l’Allemagne, ouvre le conflit avec la France, l’Angleterre et la Russie. Les Polonais incorporent alors des corps d’armée spécifiques à chaque pays, ainsi Józef Piłsudski et ses Légions se trouvent aux côtés de l’Autriche-Hongrie tandis que l’armée de Dowbor-Muśnicki est, elle, avec les Russes.

Ces Légions polonaises, fondées en 1912, se trouvent garnies par des d’hommes provenant des sociétés de tir paramilitaire précédemment citées : la Związek Strzelecki, ainsi que la Polskie Drużyny Strzelecki.

La légion – c’est la fierté du soldat
La légion – c’est le destin du martyr
La légion – c’est la mort du risque-tout
Nous sommes la première brigade,
Un régiment au feu rapide,
Nous avons mis notre vie en jeu,
Nous avons voulu notre sort,
Nous nous sommes jetés sur le bûcher.

Printemps 1915, les fusils crachent leurs balles, les hommes à moitié morts perdent leur sang sur une bande sonore répétitive faite de canon et détonation en guise de percussion. Comme un pied de nez à la grande faucheuse, les vivants, lors des quelques moments de répit, essayent de s’oublier en tapant dans un ballon. Si le Legia Varsovie (Drużyna Sportowa Legia) n’existe pas encore officiellement, les prémices d’une équipe font leur apparition cette année-là. Une période où de nombreuses Légions viennent garnir les rangs afin d’affronter et combattre les ennemis russes.

Le football, lui, devient une parfaite aubaine pour les officiers de ces Légions de rétablir une certaine condition physique aux soldats dont les organismes sont mis à rude épreuve. C’est ainsi que les balles des fusils font place aux ballons.

L’équipe de football des officiers des Légions polonaises en Mierzwinie, printemps 1915. | © Quirini E., Librewski, S.: Ilustrowana kronika Legionów Polskich 1914-1918, Nakładem Głównej Księgarni Wojskowej, Warszawa 1936; s. 25 (161) Muzeum Józefa Piłsudskiego w Sulejówku

Si les transferts n’existent pas encore, ici, les joueurs se changent et s’interchangent au gré des batailles et des morts. Enfiler quelques chasubles tout en faisant tomber les fusils au sol l’espace de quelques minutes est alors un rituel qui s’installe peu à peu dans les Légions. Durant les premiers mois, les Légions se trouvent un peu partout sur les fronts de guerre, entre la GaliciePodhale ou encore dans les Carpates et la Hongrie. Les contacts sont rares, voire tout simplement inexistants, et la rivalité sportive n’existe donc pas.

Le premier match de football de la Légion a lieu au début du printemps 1915. De même, à Grudzynach et Mierzwinie, où sont déployées des commandes d’un régiment d’infanterie, les prémices du Legia sortent de terre grâce à des officiers qui décident de créer des équipes, alors sans nom, où les premiers joueurs ne sont autres que des soldats. C’est à ce moment que le football s’installe dans la vie des Légions, que ces équipes s’entraînent plus ou moins régulièrement et tentent de se rencontrer. Une idée qui s’installe peu à peu et voit la création de formations représentant diverses sections présentes dans les corps de l’armée.

Mais une brigade, plus que les autres, va avoir un rôle important. Cette brigade, c’est la II. Ces hommes, ce sont Zygmunt WasserabWładysław Groele, mais surtout un dénommé Stanisław Mielech. Un homme d’une grande importance qui mérite bien un article rien que pour lui.

Pierre Vuillemot

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