En France, il y a Loulou Nicollin, en Pologne, Izabella Łukomska-Pyżalska. L’amour du club est le même, le physique un peu moins. Alors si pour toi Poznań se résume au Lech, Robert Lewandowski ou encore la Lilli Palmer, laissez-moi vous dire que cette vision est bien fausse. Depuis 2011, Poznań se conjugue plutôt avec : Warta. Un club qui a su faire reparler de lui grâce à Izabella Łukomska-Pyżalska, businesswoman faisant la couverture de Playboy, qui n’hésite pas à injecter quelques millions d’euros pour les infrastructures du club et dont le mari fréquentait de près ou de loin les différents gangs de la région. Une femme qui a repris en main la section de ce club ayant perdu toute sa splendeur depuis près de soixante ans, mais qui se bat pour se faire une place dans la belle ville, en devant faire face à la concurrence du mastodonte qu’est le Lech et son armoire à trophées bien remplie.

La genèse d’un club

Si le Warta est aujourd’hui directement lié au monde de la finance et du -presque- football business, ses débuts, eux, sont bien plus compliqués. Comme beaucoup de clubs polonais, le Warta a vu le jour durant l’été, le 15 juin 1912 pour être précis, où sept adolescents âgés de 16 à 18 ans ont décidé de troquer les cuirs troués et les jouets en ferraille pour, comme les grands, signer un protocole de création d’un club sportif. Rien que ça. Autant dire que l’école est également finie pour ce Klub des 7 venant de Poznań. Franciszek Szyc, le gamin le plus âgé de la bande, est alors nommé président.

Un club qui s’impose rapidement comme inhabituelle pour la région. En effet, alors que la domination financière et les structures sont accaparées par les clubs allemands qui, à cette époque, étaient chez eux, le Warta se trouve être l’un des seuls clubs polonais de la région. C’est dans cette galère que cette bande aidée de quelques amis se trouve à jouer son premier match de l’histoire, le 18 août, face au Hertha Poznań. Une défaite et un score cinglant neuf buts à deux plus tard, on comprend rapidement tout le travail qu’il reste à faire pour l’année suivante et l’entrée du club dans le championnat régional.

Wladyslaw Przybysz | © Archiwa domowe Władysława Przybysza
Wladyslaw Przybysz | © Archiwa domowe Władysława Przybysza

Des leçons visiblement bien apprises par notre Klub des 7 gagnant, par la suite, en 1913 et 1914, deux titres de champion, avant que la Première Guerre mondiale n’éclate et décide de les empêcher de jouer au football durant quatre longues années. Cette dernière eut une importance considérable dans l’Histoire de cette Pologne qui n’existait alors plus, faisant pour les Polonais, de cette Première Guerre mondiale « la leur ». Une guerre qui permit la reconstruction de cet État polonais disparu durant 123 ans. Un nouvel État polonais qui dû se payer par de lourdes pertes, les Polonais étant présents à la fois dans les armées russes, allemandes et austro-hongroises.

L’après guerre venue, et le retour de la Pologne en prime, le club a l’occasion de franchir pas à pas les étapes, suivant par la même occasion la reconstruction du football polonais au pays. L’adhésion à l’association polonaise de football permet ainsi au club de jouer bien plus de matchs, et, symbole de cette progression, le premier match international de la Pologne, face à la Hongrie, se joue avec Marian Einbacher, attaquant polyvalent du Warta.

Sokół Toruń vs. Warta Poznań, 1922 | © Przegląd Sportowy nr 24/1922
Sokół Toruń vs. Warta Poznań, 1922 | © Przegląd Sportowy nr 24/1922

Cette progression fulgurante continue d’année en année. Vice-champion lors de l’année 1922 avec une finale de championnat perdue face au Pogon Lwów, le club occupe une nouvelle fois la seconde place du podium en 25 et 28. Avant de s’envoler vers le titre une année plus tard, en 1929, grâce notamment au meilleur buteur du club cette année-là, Wladyslaw Przybysz, ainsi que son compère d’attaque, « Nymek », plus connu sous le nom de Wawrzyniec Staliński. Véritable légende du football à Poznań, portant à la fois le maillot du Sparta Poznań, Posnania Poznań puis du Warta, il eut l’occasion de briller à de nombreuses reprises sur les pelouses polonaises et internationales, que ce soit durant ses 374 matchs sous le maillot du Warta ou ses 13 sélections, pour 11 buts, avec la Pologne.

La Seconde Guerre mondiale et ses affres

Malheureusement, le Warta connait par la suite un parcourt quelque peu chaotique. Malgré quelques places honorables, le club est à la peine. Et la Seconde Guerre mondiale ne va rien arranger. Durant cette période, le club a pratiquement cessé d’exister, les joueurs devant pour la plupart troquer les chandails pour les équipements de l’armée. Symbole de cette période difficile pour le peuple polonais, Wawrzyniec Staliński, lui, l’attaquant vedette à la retraite, devient prisonnier à Auschwitz. S’il y survit, cet épisode démontre l’impact qu’a pu avoir cette guerre dans l’Histoire d’un club et d’un football en général.

Malgré tout, la tradition du Warta, elle, continue d’exister malgré cette guerre en étant renommée Wilda. Malgré tout, si le nom reste, les infrastructures se voient être détruites. Le Wilda devient alors un club SDF, sans aucun stade pour l’abriter.

WawrzyniecStaliński. | © Przegląd Sportowy nr 21/1922
WawrzyniecStaliński. | © Przegląd Sportowy nr 21/1922

Au fond du gouffre, le club se relève difficilement en 1946, quelques années avant le véritable soulèvement, celui de la ville, le Poznański Czerwiec, en 56. Malheureusement, du côté du Warta, ce soulèvement tombe rapidement à plat. Bien que la mobilisation soit forte autour du club, avec une véritable envie de reconstruire le club, le Warta tient sur un fil. Si le moral est retrouvé, ce dernier ne dure pas vraiment. Après un dernier titre obtenu en 1947 devant plus de 20 000 supporters en folie, symbole de cette ferveur présente autour d’un club et d’un sport après une des périodes les plus noires de l’Histoire, ces derniers auront bien du mal à retrouver cette ferveur après la première descente du club en 1950, puis en troisième division deux ans plus tard. La fin d’une époque.

Club populaire à cette époque, le Warta va s’enfoncer peu à peu dans les méandres du football polonais, les habitants de la ville désertant peu à peu les matchs du club, lui préférant notamment le petit nouveau, l’Amica Wronki. Un club jeune, fondé en 1992, qui tire rapidement la couverture sur lui et fait oublier le Warta et son histoire, bien qu’il ait retrouvé l’élite durant ce début des années 90.

Si l’Amica Wronki est intouchable, remportant trois coupes de Pologne d’affilée entre 98 et 2000, deux SuperCup durant ces mêmes années, ainsi que des participations européennes, le Warta, de son côté, ne peut dorénavant plus que se consacrer sur un seul domaine : la formation.

C’est ainsi que les Verts se trouvent être l’un des meilleurs clubs formateurs du pays durant les années 90. Symbole de cette formation, en 98, le club possède pas moins de 12 équipes de jeunes qui brillent pour la plupart. De ces équipes sortent des joueurs comme Maciej Żurawski, qui partira rejoindre l’autre club de la ville, le Lech, avant de porter la tunique du Wisła et de mener une belle carrière internationale sous le maillot de la Pologne.

Maciej Żurawski en bas à gauche dans les années 90 avec le maillot du Warta | © Karolina Sikorska/Poznan.sport.pl
Maciej Żurawski en bas à gauche dans les années 90 avec le maillot du Warta | © Karolina Sikorska/Poznan.sport.pl

Malheureusement, survivre de la formation se trouve être une solution de survie précaire. Quelques années plus tard, durant les années 2000, le club est en perdition sportive, les entraîneurs valsent les uns après les autres, la direction se trouve menacée tandis que les joueurs, eux, ne pensent qu’à une chose : rejoindre les voisins du Lech ou de l’Amica.

On pensait alors que le second club de la ville n’avait plus longtemps à vivre, avant de retomber désespérément loin de la première division nationale et de n’être plus qu’un lointain souvenir connu des seuls amateurs de football polonais. Quand plus rien ne tient debout, quand les finances connaissent un trou béant, quand la direction flanche, que les joueurs ne se soucient plus du club et que les structures tombent en ruine, l’optimisme n’est pas vraiment de mise. Et puis, parfois, il y a des miracles. Un miracle qui se nomme Izabella Łukomska-Pyżalska.

Le renouveau

Il fallait un miracle pour relancer tout cela, et il est arrivé. Le 20 janvier 2011, la section football du club -nous n’en avons pas forcément parlé ici, mais le Warta est un club omnisports important- est vendue à Izabella Łukomska-Pyżalska. Ancienne modèle, la belle blonde a lancé une agence de mannequinat qui marche plutôt bien. Cette dernière fréquente aussi les hommes influents, et pas toujours très courtois, de Poznań. C’est lors d’une de ces soirées dans la boite de nuit Le Jama, connu notamment pour son nombre important de bandits et hooligans en tant que clients, qu’Izabelle croise le regard du robuste Jakub Pyzalski. En couple, Izabella Łukomska ne donne pas forcément suite, malgré une rencontre courtoise. Mais les Polonais savent se montrer persévérants. Quelques mois plus tard, au détour d’une séance dans une salle de la ville, Jakub invite la future présidente du Warta à manger une glace en ville. De là, les deux personnages s’attachent et forment un couple solide. Preuve en est, 14 ans après cette première rencontre au Jama, le couple est parent de pas moins de six enfants.

https://www.instagram.com/p/BH7ixI_Doin/?taken-by=izabella.pyzalska

En plus d’avoir de beaux enfants, Izabella Łukomska-Pyżalska n’est pas franchement la plus mauvaise dans les affaires. Celle qui rachète le club avec comme promesse d’éponger les dettes cumulées au fil des années possède également Family House, une entreprise immobilière qui pèse lourd dans la région. Si officiellement le discourt de l’ex-mannequin est d’être patriote et de soutenir un club mythique de sa ville natale, dont la situation de ce dernier faisait mal à son petit cœur tendre, la raison officieuse, elle, est tout autre.

Quoi de mieux pour une femme ou un homme d’affaires que de posséder un bel outil de communication et de promotion à moindre coup ? Mettant ainsi un bon gros logo de son entreprise sur le maillot vert du Warta. Un coup de pub important pour un club qui fait parler de lui, tout ça grâce au «folklore» de voir une femme présidente d’un club polonais. Malgré tout, cette dernière n’hésite pas à lâcher l’argent quand il le faut, investissant pas moins de 30 millions de złotys dans tout ce dont le club avait besoin. Vestiaires, infrastructures de formation, rénovation totale des panneaux publicitaires, bancs de touche, machines à laver, tout y passe.

Côté sportif, là non plus, cette néo-présidente ne lésine pas sur les moyens. Elle nomme ainsi un nouveau directeur sportif, un nouvel entraîneur et tout un nouveau staff afin de disputer un match trois mois plus tard dans l’antre du Lech. Près de 20 000 spectateurs sont présents pour assister à la belle victoire deux buts à un des presque locaux, le tout faisant plutôt penser à des tranchées de guerre qu’un billard footballistique. Un nouveau coup de pub réussi, avec, en prime, un clip promotionnel crée pour l’occasion au nom évocateur «Zielona Rewolucja», traduisez «La Révolution verte».

Mais si la révolution doit se faire, tout le monde doit tirer dans le même sens que la nouvelle présidente. C’en est même une obligation, surtout si vous souhaitez garder votre place au club. Alors que ce dernier termine dans le milieu de tableau de cette terrible seconde division, la suite, elle, est plus compliquée. Le club ne parvient pas à progresser et se trouve même relégué en 2014, une annonce qui passe mal du côté de madame Pyzalski. Furieuse après ses joueurs et son staff, le nettoyage de printemps peut commencer tandis que de nombreuses têtes tombes. De nouveaux employés arrivent, mais la saison suivante n’est pas forcément du goût d’Izabella Łukomska avec une place en milieu de tableau et une dette de 100 000 zlotys. Bien que la présidente dispose de suffisamment de moyens pour l’éponger, il se trouve qu’elle est plus que déprimée et en a assez de voir des joueurs amorphes sur les terrains, au point de vouloir vendre le club au vice-président, Maciej Dittmajer, dont l’offre se trouve être « inférieure au prix de construction des tourniquets d’accès au stade pour les spectateurs. » Il faut bien dire que les 1,5 million de zlotys proposés sont bien infimes en comparaison avec les investissements importants de la businesswoman durant les quatre années au club.

Aujourd’hui, malgré une saison de passage à vide, le club remonte doucement la pente depuis deux ans. Si le projet Ekstraklasa prévue il y a six ans semble terriblement loin, le coup de poker médiatique du couple a plutôt fonctionné. Deux personnages du football polonais dont les caméras se trouvent bien souvent braquées sur eux, en atteste le barrage pour la montée remportée par le club face au mythique Garbarnia Kraków. Quand ce n’est pas madame qui fait parler d’elle, c’est monsieur. Ainsi, lors du match retour, Jakub Pyzalski s’en est violemment pris à Petar Borovicanin et Mateusz Pawłowicz, deux joueurs adverses, durant la fin de la première période du match retour à Poznań.

Sur la vidéo ci-dessus, on peut y voir le mari de la présidente, accoudé au bord de la balustrade tout en balançant quelques provocations et franchissant les limites du raisonnable à plusieurs reprises. Il commence alors à demander si sa femme est une fille de joie, puis, l’affirme un peu plus tard en lançant un classieux, « [On peut] finir dans sa bouche pour 500zl et dans son cul pour 300zl. » Le charme à l’état pur. Puis, quelques minutes plus tard, termine en demandant aux joueurs si cette dernière n’est pas meilleure que lui. Des frasques qui feront le tour de la Pologne quelques heures après la diffusion, mais qui, au final, ne surprennent pas vraiment les spécialistes du football polonais. Dans tous les cas, il semblerait que l’on n’ait pas encore fini d’entendre parler du Warta, malheureusement plus forcément pour les performances sportives du club. Mais qui sait ce que nous réserve encore la belle blonde et le mari charmant ? Peut-être ont-ils un plan pour reconstruire ce club aussi bien qu’ils font pousser les immeubles en région de Wielkopolski.

Kévin Sarlat


Image à la une : © Foto Rogo

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