Les excellents Cahiers du football ont récemment sorti un super livre sur sept entraîneurs révolutionnaires qui ont transformé de manière durable notre manière de concevoir le football. Les auteurs lors de leurs nombreux passages dans les médias spécialisés ont évidemment déclaré qu’il a fallu faire un choix, pour arriver à ces sept penseurs du football. On les comprend. Mais on omet totalement un entraîneur lorsque l’on parle de ceux qui ont marqué l’histoire. Même en recherchant dans les classements des entraîneurs qui pullulent sur la toile, il est difficile d’en retrouver la trace ! Nous avons fini par le retrouver dans le top 100 développé par Sofoot.com en 2013 à la… 97e place ! Nous comprenons en le regardant que le classement n’intègre aucune hiérarchie bien claire, mais cet entraîneur aurait pu se retrouver à une place plus honorable…

Ce technicien n’est autre que Vujadin Boškov. Véritable routard du banc ayant écumé une grande partie de l’Europe à diriger des grands clubs du continent et des équipes au nom moins ronflant, le Serbe n’est passé nulle part inaperçu et laissa une trace indélébile à de nombreux joueurs. Portrait d’un entraîneur atypique loin des tops mais qui sut atteindre les sommets malgré tout.

Vojvodina, le début de tout

Vujadin Boškov est né le 16 Mai 1931 à Begeč, petite localité serbe non loin de Novi Sad, capitale de Voïvodine. Pas étonnant de le voir intégrer dès ses quatorze printemps le FK Vojvodina Novi Sad, club emblématique de la ville. Il y reste 14 saisons, preuve de son inconditionnel attachement. En gratitude de son dévouement pour le club, le centre d’entrainement porte son nom depuis 1996. Et pourtant, ces quatorze années ne sont pas couronnées de succès. Derrière les ténors du Championnat yougoslave qu’étaient l’Etoile Rouge de Belgrade, le Partizan Belgrade ou encore l’Hajduk Split, le FK Vojvodina accroche tout de même le podium en 1957 (deuxième place) et en 1959 (troisième place). Même les Coupes fuient Vujadin Boškov qui doit en 1957 se contenter de la deuxième place de la Coupe Mitropa (compétition regroupant les meilleurs clubs d’Europe Centrale disparue en 1992) en perdant en finale contre le Vasas SC.

Entrée du centre d’entrainement du FK Vojvodina au nom de Vujadin Boškov. | © fkvojvodina.rs

Sa réputation d’excellent milieu de terrain, il la porte grâce à ses prestations en équipe nationale yougoslave. Il prend part au très beau parcours de la sélection yougoslave lors des Jeux Olympiques d’Helsinki de 1952. Après avoir battu les Soviétiques au terme d’une double confrontation d’anthologie (5-5, 3-1), le Danemark (5-3) puis la RFA (3-1), les hommes de Milorad Arsenijevic craquent en finale face à la Hongrie des Puskas, Czibor & co (2-0). Il dispute ensuite les Coupes du Monde 1954 et 1958 lors desquelles la Yougoslavie est stoppée en quarts de finale par la RFA. Suite à cette dernière désillusion, il met un terme à sa carrière internationale avec 57 sélections et pas le moindre but.

Il se décide à 30 ans à quitter, avec l’accord des autorités, son club de cœur pour faire le grand saut en Europe de l’Ouest, à la Sampdoria de Gênes plus exactement. Miné par des soucis physiques, il y reste une année, jouant la bagatelle de treize matchs en Serie A. Ce n’est que partie remise… Il quitte l’Italie pour la Suisse où il signe aux Young Fellows de Zurich comme entraîneur-joueur. Une première expérience ratée puisque l’équipe est rétrogradée à la fin de la saison.

Boškov portant le maillot du Vojvodina (au milieu à droite) | © fkvojvodina.rs

C’est donc en Suisse que Vujadin Boškov met fin à sa carrière de joueur. Et pour lancer au mieux sa carrière d’entraîneur, rien de mieux pour « Vujke » que de retourner à ses racines et de devenir directeur technique du FK Vojvodina. En 1964, Boškov retrouve un club en proie à des difficultés de résultats. Épaulé par Branko Stankovic, il refonde totalement le club en le dotant d’un centre d’entrainement, un des premiers du genre dans les Balkans, modernisant ses infrastructures ainsi que les pratiques de recrutement. Et ça paye ! Dès 1966, le FK Vojvodina remporte pour la première fois de son histoire le championnat yougoslave. Représentée par son attaquant Silvester Takač ou son gardien de but Ilija Pantelic, cette génération reste pour Vojvodine une génération dorée.

Sur le terrain européen, le FK Vojvodina de Boškov réalise un parcours fantastique en Coupe d’Europe des Clubs Champions l’année suivante. Les Yougoslaves, seuls représentants des Balkans dans la compétition, réalisent l’exploit d’éliminer l’Atletico Madrid lors d’un match d’appui à Madrid 3-2 (match aller remporté 3-1 et match retour perdu 2-0) ! Ils seront malheureusement éliminés le tour suivant par le Celtic Glasgow, futur vainqueur de la compétition. Sans leur vedette Silvester Takač parti au Stade Rennais (son transfert permettra, sous la coupe de Boškov, de construire un nouveau stade – les projecteurs sont d’ailleurs appelés symboliquement « les yeux de Takač »), les Yougoslaves sortent la tête haute de la compétition en ayant même infligé la seule défaite du Celtic de toute la compétition à Novi Sad (1-0).

En poste pendant sept ans, Boškov laisse donc une trace indélébile au FK Vojvodina. Il faut attendre pour le club la fin des années 80 et la génération de Siniša Mihajlović pour retrouver les sommets et remporter en 1989 le deuxième titre de Champion yougoslave ! Une éternité…

La sélection yougoslave puis le grand saut européen

En 1971, il prend en main la sélection yougoslave avec pour objectif la qualification pour l’Euro 72. Dans le même groupe que les Pays-Bas de Cruyff et la RDA, les hommes de Boškov réalisent le parcours parfait avec aucune défaite en six matchs. La formule des éliminatoires de l’époque n’est pas celle d’aujourd’hui. Ainsi, à la suite de la phase de groupe, le quart de finale se jouait aussi en match aller/retour et face aux Soviétiques entraînés par Aleksander Ponomarov, les Yougoslaves s’inclinent 3-0 à Moscou. Boškov est confirmé malgré la défaite dans son rôle d’entraîneur mais les éliminatoires pour la Coupe du Monde 74 s’avèrent compliqués dans un groupe composé de l’Espagne et de la Grèce/ Boškov quitte son poste à la fin 1973. La Yougoslavie se qualifie tout de même pour la compétition.

C’est alors qu’il fait le grand saut pour l’Europe de l’Ouest en quittant sa Yougoslavie natale. Il n’y reviendra que 25 ans plus tard pour reprendre les rênes de la sélection de la République Fédérale de Serbie-et-Monténégro dans un contexte de pleine dislocation de la Yougoslavie. Et durant ces 25 ans de carrière d’entraîneur, il fait la connaissance de pas moins de onze clubs à travers l’Europe de l’Ouest !

C’est tout d’abord aux Pays-Bas qu’il fait ses preuves pendant quatre ans. Le FC Den Haag l’accueille donc en 1974 et dès sa première année, il remporte la Coupe des Pays-Bas, la deuxième et dernière coupe remportée par le club ! L’année suivante, le club réalise son meilleur parcours européen en se hissant en quarts de finale de la Coupe des vainqueurs de coupe face à West Ham. Mais malgré une victoire 4-2 à domicile, ils s’inclinent 3-1 en Angleterre et quittent la compétition avec pas mal de regrets. Malgré cela, Boškov, dans la lignée des Ernst Happel et Vaclav Jezek, reste une légende à La Haye. Sous ses ordres, il pose clairement sa patte sur les performances sportives. Doté d’une solide réputation comme joueur, il impose ses méthodes. Rien n’est laissé au hasard, tant dans la préparation physique que dans l’engagement ou la performance demandés à ses joueurs. Composée de jeunes joueurs en majorité, Boškov a su intégrer quelques vétérans à l’effectif, apportant ainsi leur expérience. Et ce fut un succès lors de la finale de la Coupe des Pays Bas face au favori de la rencontre, le FC Twente. Cette belle aventure n’est pas passée inaperçue et le Feyenord Rotterdam se presse pour lui demander ses services pour les deux années suivantes (1977-78). Il ne finit que quatrième lors de la saison 1977 et dixième en 1978. Pour Vujadin, l’aventure en terre hollandaise s’arrête là.

A la conquête de l’Espagne

C’est en Espagne que Boškov rebondit, plus exactement à Saragosse, tout juste promu en première division. Il obtient une quatorzième place, permettant ainsi au club de se sauver in extremis, dans un championnat à dix-huit à l’époque et où seuls les 15 premiers se maintiennent.

Et là, à la surprise générale, le grand Real Madrid, alors vainqueur de la Liga, embauche Vujadin Boškov pour entraîner la maison blanche ! Le contexte est assez particulier puisqu’à peine un an auparavant, le mythique Président Santiago Bernabeu décédait. Mais ça n’empêche pas Boškov, dès sa première saison, avec un jeu de contre attaque, de réaliser le doublé Liga/Coupe d’Espagne remportée face au Castilla, l’équipe réserve du Real Madrid, 6-1. Avec une équipe 100% espagnole composée notamment de Vicente Del Bosque ou de Jose Antonio Camacho, Boškov voit arriver les renforts de l’Allemand Ullrich Stielike et de l’Anglais Laurie Cunningham. Ce dernier raconte : « nous commencions l’entraînement à 10h30 et cela voulait dire être changé et être prêt. Boškov nous accompagnait puis nous retravaillions quelques aspects techniques. Après le déjeuner, nous y retournions jusqu’à la tombée de la nuit. C’était dur mais j’adore ça. »

Le travail et la discipline étaient la base de la méthode Boškov. L’obsession de la discipline est présente et des amendes sont mises en place pour chaque minute de retard. A côté de cette rigueur yougoslave, Boškov se montre extrêmement psychologue, attentif aux besoins et aux difficultés des joueurs. Cunningham semblait en avoir besoin par exemple, lui qui a souffert de nombreuses blessures… sans oublier d’adresser une petite leçon au passage : « Laurie est Anglais. Vous ne devez pas l’oublier. C’est difficile pour un Anglais d’arriver en Espagne et d’être propulsé au rang de superstar. Mais il se débrouille bien. Il fait de bons et de mauvais matchs… C’est normal. Je pense qu’il doit plus participer au jeu. Il est trop calme. Il ne crie pas. Il doit dire aux autres qu’il veut la balle » raconte Boškov.

Boškov célébrant la victoire de la Liga en 1980. | © El País

Lors de la deuxième saison, le Real termine à la seconde place, perdant le titre dans les dernières minutes du championnat au profit de la Real Sociedad. Sur le plan européen, la désillusion est aussi grande avec cette défaite en finale de la Coupe des Clubs Champions face à Liverpool 1-0 au Parc des Princes. Sa troisième et dernière saison sur le banc du Real lui permet de remporter une nouvelle Coupe d’Espagne mais les Madrilènes ne finissent que troisième de la Liga et surtout, perdent en quarts de finale de la Coupe UEFA contre Kaiserslautern, 5-0. C’est d’ailleurs à la suite de cette cuisante défaite qu’il donne sa démission. Tel un alpiniste, il a approché le sommet européen sans pouvoir l’atteindre. Et contrairement à de nombreux entraîneurs, Boškov reprend du service un an plus tard au Sporting Gijon pour une saison. Tout au long de sa carrière, à la manière d’une ascension de l’Everest, Vujke franchit les étapes en rebondissant d’un peu plus bas.

Le sommet européen avant le titre national

Et tel un globe-trotteur du banc, Boškov s’en va défier l’Italie. Le Calcio est à cette époque en passe de devenir le championnat le plus relevé du Vieux Continent avec le Naples de Maradonna, le Milan AC, l’Inter et la Juventus de Platini. Ce n’est pas à la Juventus ou au Milan AC que Vujke démarre son ascension, c’est au modeste club d’Ascoli avec lequel il ne peut éviter la relégation lors de la saison 1984. Il remet les choses en ordre lors de la deuxième saison en remportant la Serie B, avec seulement quatre défaites au compteur et un jeu tourné vers l’attaque.

Ce jeu offensif tape à l’œil de Paolo Mantovani, propriétaire de la Sampdoria de Gênes depuis 1979. Cet entrepreneur ambitieux qui a repris le club en Serie B, finit par le faire remonter au sein de l’élite au terme de la saison 81/82 mais souhaite faire de la Samp un acteur majeur du Calcio. Cela se concrétise en 1985 avec une victoire en Coupe d’Italie, le premier trophée du club. Mais la saison suivante s’avère décevante du point de vue des résultats. Une défaite en finale de Coupe d’Italie face à la Roma, une onzième place en championnat et une élimination en huitièmes de finale de la Coupe des Vainqueurs de Coupes contre le Benfica amènent Mantovani à faire pas mal de changements, tant au sein de l’effectif que sur le banc. C’est ainsi que Boškov dépose à nouveau ses valises à Gênes, heureux comme le raconte Mantovani :

« Quand nous l’avons rappelé à la Sampdoria pour remplacer Menotti, Boškov était plus heureux que si le Real Madrid l’avait appelé. Nous sommes allés à Belgrade pour le rencontrer et avant même de commencer à parler, il nous prit dans ses bras et nous avions aussitôt compris qu’il allait signer. » – Paolo Mantovani, propriétaire de la Sampdoria.

Mantovani et Boškov. | © gianlucadimarzio.com

Le tout nouvel entraîneur peut compter sur un effectif totalement remanié. De nombreux joueurs partent vers d’autres cieux tandis qu’arrivent les milieux Luca Fusi et Toninho Cerezo ainsi que le défenseur international allemand Hans-Peter Briegel. De plus, alors que son transfert est quasiment acté, Adriano Galliani décline l’offre du Milan AC et préfère rester à Gênes. On doit aussi parler de la signature d’un jeune gardien de 21 ans qui a tapé dans l’œil de Mantovani lors d’un match de jeunes, un certain Gianluca Pagliuca. « Celui-ci, je le veux à n’importe quel prix » aurait-il déclaré. Boškov peut aussi compter sur « I Gemelli del Gol » (les jumeaux du but) Roberto ManciniGianluca Vialli, un duo d’attaque qui détonne.

La première saison montre déjà la patte du yougoslave sur le jeu gênois, sans toute fois atteindre les résultats escomptés. Sixième du championnat à égalité avec l’AC milan, la Sampdoria perd le match de barrage pour l’obtention de la place en Coupe d’Europe. Les résultats arrivent l’année suivante avec une victoire en Coupe d’Italie face au Torino, la seconde du club. Cette deuxième saison voit aussi la titularisation de Gianluca Pagliuca. C’est le début d’une carrière fantastique, notamment à la Samp où il devient un pilier majeur de l’équipe. Boškov fait progresser ce jeune effectif grâce à son expérience emmagasinée de la Yougoslavie à l’Espagne. Roberto Mancini se souvient : « Quand il est arrivé à la Samp, il venait du Real Madrid et était un entraîneur expérimenté. Il a pris en mains une équipe qui était en train de grandir, il nous a fait sentir importants et cela nous a énormément aidés pour croire en nous et faire des progrès. »

Boškov n’atteint pas le Graal tant espéré du titre national lors de cette saison 1988/89, mais continue de titiller les leaders en s’installant durablement dans le top 5 du classement. L’expérience et la maturité des joueurs font de cette Samp un adversaire de plus en plus redouté. La Coupe d’Italie est de nouveau glanée à la barbe du Napoli de Maradona (notamment grâce à une victoire 4-0 au match retour à Gênes). C’est surtout sur la scène européenne que la Sampdoria crève l’écran. Après avoir écarté IFK Norrköping, le FC Carl Zeiss Iéna, le Dinamo Bucarest puis le FC Malines tenant du titre, les hommes de Boškov se retrouvent en finale face au FC Barcelone de Cruyff, qui met petit à petit en place sa dream team. « Le principe du football est de marquer au moins un but de plus que l’adversaire, peu importe le nombre de buts encaissés. Je fais l’équipe pour qu’elle gagne 3-0. La perfection n’existe pas, mais mon boulot consiste à m’en rapprocher le plus possible » expose à l’époque le Hollandais volant.

C’est la « dream team » naissante de Cruyff qui remporte le duel des entraîneurs, avec une victoire 2-0. Mais lors de la saison suivante (1989/90), la Samp de Boškov retrouve de nouveau la finale de la Coupe des Coupes, cette fois face à Anderlecht. Il faut tout de même attendre les prolongations et deux buts de Vialli en deux minutes (105e, 107e) pour que la Sampdoria inscrive son nom au panthéon des vainqueurs d’une Coupe d’Europe ! C’est l’accomplissement d’un long travail de recrutement de la part de Montovani et la consécration d’un entraîneur qui apposa sa patte à l’effectif. Il était passé inaperçu en tant que joueur, il devient l’idole de tous les supporters de la Sampdoria en tant que coach !

Le succès acquis en Coupe des Coupes se voit confirmé sur le plan national la saison suivante, avec la Sampdoria qui remporte le Calcio pour la première fois de son histoire ! Cette saison est marquée par l’arrivée à maturité de joueurs comme Vialli, Mancini, Vierchowod, Palgliuca ou encore Pellegrini. La « Sampd’Oro » ,comme on l’a appelée, impressionne l’Italie et l’Europe. Boškov est loin d’y être étranger.

Boškov porté en triomphe après avoir rapporté le Scudetto avec la Samp. | © Alessandro Fulloni / @alefulloni

La consécration ultime aurait pu se passer le 20 mai 1992 à Wembley. Ce soir-là, la Samp de Boškov retrouve le Barça de Cruyff en finale de la Coupe des Clubs Champions. Les Italiens impressionnent durant tout le match, au point que la Samp pousse les Catalans jusqu’aux prolongations. Il faut un coup franc de Koeman pour offrir au Barca le premier titre européen de son histoire. La Samp est à terre et s’incline sur la plus petite des marges. Boškov quitte même la Sampdoria au terme de ce match, mettant un terme à la plus belle période de l’histoire de ce club.

Il revient ensuite dans le club gênois lors de la saison 1997/98 pour rattraper un mauvais début de saison et permettre à son deuxième club de cœur de se maintenir, sans plus. Outre cette saison, le voyage de Boškov ne s’est pas arrêté pour autant. Il continue de bourlinguer à travers l’Italie en coachant la Roma (1992/93), le Napoli (1994/96) et Pérouse (1999) et fait également un détour en 1996 par le Servette de Genève, sans succès. A la Roma, sa plus grande réussite est d’avoir lancé un certain Francesco TottiLe 28 mars 1993, l’AS Rome joue face à Brescia. La Roma mène 2-0 et Vujadin Boškov se tourne vers son banc et désigne du doigt un joueur en disant « allez gamin, va t’échauffer ». Roberto Muzzi, pensant que c’était lui dont il était question, se lève et part s’échauffer. Mais en se retournant de nouveau, Boškov déclara « Non, non, pas toi. L’autre là. Totti. Oui, Totti. ».

Briegel, Cerezo et Boškov. | © Wikipedia

Plus qu’un entraîneur…

Après être repassé par la case de la sélection nationale de la RF Yougoslavie avec laquelle il se qualifie pour l’Euro belge et atteint les quarts de finale, il termine sa grande carrière auprès de sa Samp adorée en tant que formateur des équipes de jeunes. La maladie a finalement raison de lui le 27 avril 2014 à 82 ans.

A l’annonce de son décès, une pluie d’hommages inonde le monde du football. La perte est immense, notamment en Italie où il a laissé une trace indélébile. « Le Calcio perd un grand homme, pas seulement pour ce qu’il a donné à niveau professionnel, mais surtout pour ses capacités de gestion humaine. Un vrai grand homme » déclare Vincenzo Montella.

Ses anciens joueurs tracent le portrait d’un entraîneur très proche de ses joueurs, à l’écoute de ses protégés. Au point qu’au Real Madrid par exemple, Boškov s’est passé de préparateur physique, s’occupant lui-même des séances d’entraînement, mêlant efficacité et amusement. Il fut « un père, un maestro, un exemple du point de vue footballistique et humain » pour Sinisa Mihajlovic, un « grand frère » pour Mancini. Un homme qui changea bien des vies, comme celle de Gianluca Vialli :

« Je dois dire que je ne serais pas la personne que je suis devenue aujourd’hui si je n’avais pas eu la chance de le rencontrer et de travailler à ses côtés durant six années. […] Ca a toujours été un grand personnage, ses déclarations ont un peu mis de côté la valeur de l’entraîneur, un technicien en avance sur son temps, très bien préparé, habile dans la préparation physique, un tacticien astucieux, un motivateur exceptionnel » – Gianluca Vialli après le décès de Vujadin Boškov.

Boškov au côté de Vialli et Mancini. | © calcio.fanpage.it

Habitué à des « déclarations » qui sont pour la plupart rentrées dans le langage footballistique en Italie (« Si nous gagnons nous sommes des gagnants, si nous perdons nous sommes des perdants », « mieux vaut perdre une fois 6-0 que six fois 1-0 », « pénalty, c’est quand l’arbitre siffle »), l’image de Boškov dépasse largement les succès qu’il a connu à travers l’Europe. Communiquant hors-pair, toujours là pour dédramatiser une situation compliquée tant dans les médias que dans son propre effectif, il plaçait le football pour ce qu’il est, un jeu.

Par Vincent Tanguy


Image à la une : © fkvojvodina.rs

1 Comment

  1. Gloumeaud Serge 27 décembre 2017 at 21 h 10 min

    Bravo Vincent. La qualité de l’article et la richesse de son contenu est impressionnante.
    Ne sachant pas comment de contacter, je laisse un message ici. Je suis supporter niçois et je vais effectuer le 22 février prochain le déplacement à Moscou pour le match de Ligue Europa contre le Lokomotiv. J’aimerais échanger avec toi sur le football russe et ses supporters que je connais mal.
    J’écris quelques carnets de voyages « footballistiques » et mon déplacement à Moscou sera un des chapitres du prochain ouvrage (avec Amsterdam, Rome, Arnhem, Waregem…). Peux-tu me contacter par mail : serge.gloumeaud@sfr.fr
    Merci et à bientôt j’espère 😉
    Serge

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