Le 21 avril dernier, quelques bouilles connues font leur entrée au Parlement européen. Des têtes différentes de celles qui rôdent autour de la place Luxembourg habituellement. Invités par l’eurodéputé Victor Negrescu, Adrian Bumbescu, Marian Radu II et Ilie Bărbulescu étaient de passage à Bruxelles pour une raison précise : participer à l’événement « Sport pour tous : construire une Europe plus forte par le sport » pour évoquer leur expérience et les problèmes du football roumain et revoir, trente ans après, le stade Constant Vanden Stock où le Steaua s’est incliné 1-0 face à Anderlecht. Avant la gloire éternelle. Retour sur le parcours incroyable du Steaua Bucarest, champion d’Europe il y a 30 ans.

Bannière Steaua Remy

L’après-Heysel

Bruxelles toujours, l’édition de la Coupe d’Europe des Clubs champions 1985-86 est la première disputée après le drame du Heysel. La première conséquence est l’exclusion des clubs anglais de toutes les coupes européennes : Everton ne peut donc pas participer à la C1, ce qui offre la qualification directe au deuxième tour à… Anderlecht ! En l’absence des Anglais, les prétendants au titre ne manquent pas : outre Anderlecht, vainqueur de la Coupe UEFA deux ans plus tôt, le Bayern Munich, la Juventus ou le FC Barcelone se dressent en favoris tandis qu’Aberdeen et Göteborg ont les armes pour jouer les trouble-fêtes.

Le Steaua, pour sa part, revient en C1 après sept ans d’absence et a pour principal objectif de passer le cap du premier tour auquel il fut éliminé à trois reprises auparavant, tout en essayant d’égaler les performances que les Universitaires de Craiova (quart de finaliste en 82, et demi-finaliste de la Coupe UEFA la saison suivante) et surtout le Dinamo (demi-finaliste en 84) ont établi entre-temps.

Deux premiers tours assez faciles

Au premier tour, le Steaua fait face au champion danois, Vejle, où est retourné le grand Allan Simonsen. Pour leur baptême du feu, les Bucarestois, privés de Lucian Bălan sur blessure, entament dans la difficulté. Dans un froid polaire (moins de dix degrés en ce 18 septembre !) et face à une équipe rugueuse, le Steaua peine à se montrer dangereux. Après avoir été mené pendant une bonne partie du match, Radu II égalise à la 89e minute et permet à son club d’entrevoir une qualification au second tour qui lui a toujours fui auparavant. A Ghencea, le Steaua ne fait pas de fioriture pour le match retour. Pițurcă, Bölöni, Balint et le capitaine Tudorel Stoica y vont de leur but pour une victoire 4-1, Simonsen marquant pour les Danois. Au coup de sifflet final, le tableau d’affichage de Ghencea affiche « Bravo Steaua, Bravo Craiova, » l’U Craiova s’étant brillamment qualifiée en Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe en battant Monaco 3-0 à domicile après une défaite 0-2 en Principauté. Le Dinamo et le Sportul Studențesc sont eux éliminés dès le premier tour de Coupe UEFA.

Pour le Steaua, le deuxième tour offre le champion de Hongrie, le Honved. Le match aller à Budapest tombe à un mauvais moment. Durant la trêve internationale, Ștefan Petcu a été exclu de l’équipe et transféré à Oradea. Footballeur génial, Petcu était surtout le compagnon de chambrée de Lăcătuș, qu’il a épaulé et protégé dès son arrivée à Bucarest. Son départ, pour avoir frappé un soldat – l’écart de trop pour ses dirigeants – affecte beaucoup l’attaquant et l’ensemble de l’effectif. Face à l’équipe de l’armée hongroise, dont la moitié des joueurs évolue en équipe nationale, le match revêt une symbolique spéciale. A Budapest, les Rouge et Bleu jouent une bonne partition mais se font surprendre avec une défaite 1-0 dans des conditions proches de celles subies à Velje au tour précédent, à savoir un temps froid et une pelouse exécrable.

Au retour, la riposte est cruelle pour les Hongrois. Dominés de la tête et des épaules à Bucarest, ils reçoivent le même traitement que Velje. Pițurcă ouvre le score dès la 39e seconde de jeu puis Lăcătuș double la mise avant la pause. Les Roumains sont encore plus rapides en seconde période, avec un but d’Ilie Bărbulescu d’un tir lointain dès la 36e seconde ! Majearu marque ensuite sur penalty, avant que les Hongrois ne sauvent l’honneur, également sur penalty. Le score final est de 4-1, et le Steaua se qualifie alors pour les quarts de finale où il retrouvera, au printemps, le surprenant champion de Finlande, le Kuusysi Lahti, tombeur des champions de Yougoslavie (FK Sarajevo) et d’URSS (Zenit Leningrad) aux tours précédents !

Un adversaire inconnu

Face à ce surprenant adversaire, le Steaua doit faire sans Marius Lăcătuș, suspendu pour le match aller. Ce qui ne devrait pas être a priori un souci pour les Bucarestois face à l’équipe la plus abordable ques quarts de finale sur le papier. Et pour cause, le Steaua fait une saison parfaite. En ce début de printemps 1986, le leader de Divizia A est toujours invaincu en championnat, performance qu’un seul autre club, le Paris-Saint-Germain, partage alors en Europe. « On attaque la phase retour avec la tête à la finale de la Coupe d’Europe des Champions, ose même Tudorel Stoica dans le journal Sport ! Je ne crois pas que le titre puisse nous échapper, mais nous voulons terminer la saison invaincus. » La confiance est au plus haut pour la dernière équipe d’Europe de l’Est encore en lice, aux côtés de Barcelone, du Bayern Munich, d’Anderlecht, Göteborg, Aberdeen, la Juventus et donc Kuusysi Lahti.

Cette confiance se heurte rapidement à une réalité : les Finlandais n’ont pas battu le FK Sarajevo et le Zenit Leningrad par hasard. Parti superviser l’amical remporté 2-0 face au Vitoria Setubal, Iordănescu revient en Roumanie inquiet. A raison. Eliminé (4-0 au total) par le Dinamo Bucarest la saison précédente, le club de Lahti ne vient pas en victime expiatoire, même privé de son meneur de jeu Kousa, blessé.

Contre toute attente pour les supporters, le Steaua ne peut faire mieux qu’un 0-0 à domicile dans ce match aller. La faute, en partie, à des conditions dantesques. Le froid est glacial et le terrain inondé. A tel point que pour que le match puisse être joué, l’Armée envoie deux hélicoptères stationner au-dessus de la pelouse pour la sécher ! Les Bucarestois dominent outrageusement le match, mais les Finlandais résistent aux centres, aux tirs, aux corners, en restant cloîtrés dans leur moitié de terrain. Une barre et un penalty non-sifflé plus tard, le Steaua doit se rendre à l’évidence : malgré 28 tirs aux buts (contre quatre) et 13 corners (contre un seul en face), la qualification se jouera en Finlande. Au sortir du match, Bölöni rumine à voix haute : « Je n’arrive pas à croire qu’on ait fait 0-0. Ils nous ont filés entre les doigts. Je crains le terrain sur lequel nous jouerons à Helsinki. (…) C’était évident que nous sommes supérieurs à l’équipe de Lahti, sur tous les plans. Au retour, il est exclu qu’on soit poursuivis par tant de malchance ! » Côté finlandais, le moral est au plus haut. S’il reconnaît que le Steaua est l’adversaire le plus redoutable que son équipe ait eu à affronter dans la compétition, le capitaine Pekkonen admet également que le froid polaire et le terrain glissant ont été un avantage non négligeable.

Un avantage encore plus prononcé pour le match retour : à Helsinki, il fait -20°C et le Stade Olympique est recouvert par un manteau de 40 cm de neige ! Malgré la déception, l’optimisme reste néanmoins de mise au vu du déroulement de la rencontre et de la supériorité des Roumains. « Relevez la tête les gars ! Vous allez vous qualifier de toute façon. Vous les battez au retour et voilà ! Ce gardien ne peut pas avoir sans arrêt une chance pareille ! » sont d’ailleurs les mots de Valentin Ceaușescu dans les vestiaires à la fin du match.

Malgré des conditions une nouvelle fois extrêmes, le Steaua entame fort le match retour, dans un Stade Olympique déblayé de sa neige pour l’occasion et garni de 32 522 spectateurs, le record national d’affluence pour un match de football en Finlande ! Une nouvelle fois, les Roumains dominent le match et se procurent plusieurs occasions, mais une toujours sans réussite. Les minutes passent et la pression monte. Au bord du terrain, Emerich Ienei est épuisé. Jusqu’à ce que la chance tourne à la 86e minute. Sur un centre de Balint, Victor Pițurcă crucifie les Finlandais au terme d’un énorme cafouillage dans la défense.

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Un match de légende : Anderlecht terrassé à Bucarest

En demi-finale, c’est un géant d’Europe qui est offert au Steaua : le RSC Anderlecht de Francky Vercauteren et du jeune mais déjà génial Enzo Scifo. Vandenbergh, Grün, Vandereycken, Gudjohnsen, Lozano (Juan, pas Ladislas) ou Morten Olsen sont les autres grands noms parmi leurs coéquipiers. Avec eux, le club bruxellois vient d’éliminer le Bayern Munich et représente l’outsider numéro 1 après Barcelone parmi les demi-finalistes (l’IFK Göteborg est le quatrième larron).

C’est dans un Parc Astrid comble que se dispute le match aller. Un match que les Bruxellois dominent. Face à la technique belge, le Steaua a du mal à mettre en place son principal atout, son jeu de passes courtes et rapides. En défense, l’accent est mis sur Enzo Scifo. C’est pourtant lui qui, à un quart d’heure de la fin du match, parvient à s’échapper dans le dos de la défense sur une passe longue. Sa reprise lobe parfaitement Duckadam, qui ne peut esquisser le moindre geste. La trajectoire du ballon est parfaite, et offre une courte victoire 1-0 à Anderlecht.

S’ils sont battus, les Bucarestois ne sont pas abattus. Au contraire, la difficile victoire face au Kuusysi Lahti au tour précédent leur a fait pousser des ailes. Pour le match retour, ils ont prévu de jouer l’attaque à outrance. Et, galvanisés par un stade Ghencea en fusion, ils prennent l’avantage dès la 4e minute du match ! Lancé en profondeur par Lucian Bălan, titularisé en l’absence de Majearu, suspendu, Victor Pițurcă déborde Luka Peruzovic et trompe Dirk Vekeman du pied gauche ! Le but fait exploser Ghencea, qui chante, crie et saute à tout rompre. Dans cette ambiance, les Belges paraissent tétanisés. Le Steaua est lui irrésistible. A la 23e minute, c’est Gabi Balint qui marque, d’une reprise de volée qui passe à travers une forêt de jambes. « Les 25 premières minutes ont été infernales, reconnaîtra Arie Haan, l’entraîneur d’Anderlecht à l’issue du match. Je n’ai jamais vu une équipe jouer avec le rythme, l’inspiration et la précision qu’a eus le champion de Roumanie dans ce match. En jouant comme le Steaua l’a fait, je crois qu’aucune équipe au monde ne peut lui résister. »

S’il pousse Ghencea à chanter « Séville ! Séville ! », ce deuxième but a également le don de réveiller les visiteurs, qui s’offrent une première occasion par Vandereycken. Un réveil de courte durée, le Steaua reprenant ensuite le contrôle des opérations, avec de nouvelles tentatives. La seconde période reprend sur les mêmes bases. Un seul but peut qualifier les Belges, mais ces derniers ne parviennent pas à construire. Les quatre hommes du milieu de terrain bucarestois sont partout. Les occasions se succèdent à un rythme infernal sur le but de Vekeman, jusqu’à la 71 e minute, où le portier ne peut rien sur la reprise de la tête à bout portant de Pițurcă, qui marque son deuxième but, fêté dans les filets, une image restée gravée dans toutes les têtes en Roumanie. Par la suite, Vekeman sauve encore les siens devant ce même Pițurcă puis Bălan. Au coup de sifflet final, l’explosion de joie est immense, tandis que l’on peut lire sur le tableau d’affichage de Ghencea : « Steaua en finale ! Félicitations, merci ! Bonne chance à Séville ! » Mais aussi un surprenant : « Notre respect Anderlecht » en français dans le texte – un geste apprécié par les Belges.

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« Notre respect Anderlecht » – en français dans le texte © ofsaid.ro

En réponse, les joueurs d’Anderlecht ne tarissent pas d’éloges : « Que dire ?! Notre défense a été totalement dépassée à certains moments, » avoue Vercauteren. « Sincèrement, je dois dire qu’à certains moments, je ne savais plus qui je devais marquer tellement les Roumains jouaient vite » admet Morten Olsen. Tandis qu’Enzo Scifo déclare en conférence de presse que « le Steaua est l’une des meilleures équipes que j’ai vu jouer au football. » En Roumanie, ce Steaua-Anderlecht fait aujourd’hui encore office de référence. Qui reste trente ans après le match le plus important joué au pays, et surtout le meilleur jamais joué par une équipe roumaine.

Le miracle de Séville

« Apără Duckadam! Suntem finaliști ! » Le miracle est tellement immense, inattendu, que même le commentateur officiel de la télévision roumaine s’emmêle les pinceaux en criant « Duckadam l’arrête ! Nous sommes finalistes ! », lorsque le héros de Séville bloque le quatrième tir au but barcelonais. Il faut dire qu’au coup d’envoi de cette finale, rien ne prédestine le Steaua Bucarest à souffler le trophée aux Catalans du Barça.

A Séville, le FC Barcelone est chez lui. Les 50 000 personnes présentes au Stade Sanchez Pizjuan sont entièrement acquises à la cause catalane dans une ambiance surchauffée. Les Espagnols sont sûrs de leur fait. « Força Barça, cette Coupe ne peut pas nous échapper » titre Sport, le quotidien barcelonais. Et pour cause, le FC Barcelone s’est qualifié pour cette finale de manière inespérée. Battus 3-0 par l’IFK Göteborg lors du match aller, les joueurs de Terry Venables ont renversé la situation au Camp Nou, pour finalement s’imposer lors de la séance de tirs au but. Rien ne peut plus leur arriver !

De son côté, le Steaua doit faire face à un souci majeur. Déjà averti face à Honved, son capitaine Tudorel Stoica a encaissé un nouveau carton jaune lors du match retour face à Anderlecht et est suspendu pour cette finale ! « C’était très dur après le coup de sifflet final ! Tout le monde se réjouissait, moi aussi mais d’un autre côté j’en venais à me lamenter de ce problème. J’ai passé ces moments difficiles grâce à l’aide de l’équipe. Pour la finale, afin que je puisse rester sur le banc, Iordănescu est passé comme joueur de champ sur la feuille de match, et moi je prenais sa place, en tant qu’entraîneur adjoint. Heureusement, après cela j’ai rejoué des grands matchs : la Supercoupe d’Europe, la finale de la Coupe Intercontinentale, la demi-finale avec Benfica, et la finale face à l’AC Milan, » s’est remémoré le capitaine par la suite.

En effet, avec l’absence de Stoica, Emerich Ienei ne compte que 16 joueurs dans son groupe. Avec un certain manque en milieu de terrain puisque le seul Pistol, encore jeune, est disponible comme remplaçant. Dès le soir de la demi-finale remportée face à Anderlecht, Ienei et Valentin Ceaușescu s’accordent sur la nécessité de refaire chausser les crampons à l’entraîneur-adjoint. D’abord réticent, par peur de ne pas faire face physiquement et de ne pas s’adapter au jeu de passes rapides de son équipe, lui qui a toujours eu tendance à beaucoup dribbler, Iordănescu finit par se résoudre à redoubler d’efforts aux entraînements pour être présent sur la feuille de match. Lucian Bălan est lui une nouvelle fois titularisé. Passé adjoint, Tudorel Stoica peut lui se détendre, comme il le raconte au Mundo Deportivo qui s’emploie à interviewer. Le matin du match, celui-ci a pu « regarder les chaînes de télévision librement, sans avoir peur que ça s’interrompe. »

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La suspension du capitaine Tudorel Stoica est heureusement le seul point noir pour le club bucarestois. Hormis son remplacement sur le terrain par Lucian Bălan (déjà titulaire en demi-finale en l’absence de Majearu), c’est une équipe-type qui est alignée pour ce grand soir. Le brassard de capitaine revient du coup à Ștefan Iovan. Anghel Iordănescu, l’ancien meneur du club devenu adjoint de Ienei, est lui sur le banc mais en tant que remplaçant cette fois, avec le numéro 13 dans le dos.

Malgré la jolie aile de pigeon de Majearu après sept secondes de jeu, le match en lui-même n’offrira pas un grand spectacle. Le plan de jeu est de contenir le FC Barcelone et surtout d’isoler leur maître à jouer Schuster. Les Catalans dominent la première période mais n’arrivent pas à cadrer leurs tentatives. Duckadam n’a donc pas grand-chose à faire tandis que Belodedici et Bumbescu sont au four et au moulin. En seconde période, le Steaua se découvre. Bölöni tente sa chance de loin mais manque complètement sa frappe. C’est alors au tour de Majearu, en demi-volée, dont la frappe passe juste au-dessus de la barre de Urruti ! Les deux Stelistes inventent ensuite un mouvement en triangle mais Ladislau (son prénom en version roumanisée) dévisse une nouvelle fois sa tentative. Archibald essaie ensuite de dévier un tir de Pedraza, mais ça passe à côté. Le premier tir cadré sera roumain avec la tentative de très loin de Bölöni, qui oblige Urruti à se coucher et dévier la balle en corner ! Une dernière tête d’Archibald, au-dessus de la transversale, et les deux équipes se dirigent alors vers les prolongations. Une demi-heure supplémentaire encore plus verrouillée et ennuyeuse (il faut le dire) que les 90 premières minutes. Si les Catalans sont légèrement dominateurs, aucune occasion n’est à signaler. Le score final est donc de 0-0. La décision se fera lors d’une passionnante séance de tirs aux buts, où un homme va tirer son épingle du jeu : Helmuth Duckadam, le portier bucarestois.

Majearu est le premier à s’élancer, mais son tir trop faible est facilement détourné par Urruti. Alesanco tire ensuite à gauche, parade de Duckadam ! Bölöni tire à gauche, mais le portier espagnol l’arrête. Pedraza s’élance alors, et parade de Duckadam, qui va la chercher dans le coin droit d’une main ferme ! C’est alors à Lăcătuș de s’élancer… transversale ! But ! Et silence dans le stade ! Le Steaua mène 1-0 dans cette séance, et Pichi Alonso a l’occasion de redresser la barre pour les Blaugranas. Et parade de Duckadam ! Trois plongeons à droite, trois tirs arrêtés !

« Au sujet de la séance de penalties, je me souviens que j’ai eu de l’inspiration de choisir Balint plutôt que Iordănescu, affirme l’entraîneur Emerich Ienei. Anghel ne souhaitait pas en faire partie également parce qu’il était l’entraîneur second et que la pression était supplémentaire pour lui. » Plutôt qu’un Iordănescu, entré en jeu en fin de match à la place de Bălan mais trop stressé, c’est donc Gabi Balint qui s’élance pour ce quatrième tir. Sans aucune pression, le jeune milieu offensif s’avance et prend le gardien adverse à contre-pied. Toute la pression est sur le duel Marcos-Duckadam, qui peut décider du champion d’Europe. Marcos tire à droite… et parade de Duckadam ! « Apără Duckadaaaam ! » s’écrie le commentateur roumain, « Nous sommes finalistes ! Nous avons gagné la Coupe ! La Coupe des Clubs Champions européens est à Bucarest ! » Et la plus beau des trophées européens est soulevé au terme d’une cérémonie minimaliste d’une folle désuétude comparée aux protocoles sans fin d’aujourd’hui.

Attention, ceci est la finale en intégralité et en VO!

Pour Bölöni, la victoire contre Barcelone « nous a rendu davantage hommes. Je garde en tête l’impact qu’a eu sur moi le premier pas sur la lune. J’étais enfant, et je regardais la télévision avec fascination. Attention, ne comparez pas non plus notre victoire à cet événement, ce n’est pas la même chose, mais je veux dire par là que la finale de Séville fut un événement sportif hors du commun dans le football. Ca a donné quelque chose à des gens qui n’avaient pas grand-chose en Roumanie. » même s’il avoue que son tir au but raté reste un « échec personnel. »

De retour à Bucarest : héros, champions et de nouvelles aventures

Dès le coup de sifflet final, des milliers de supporters – qu’ils le soient devenus le soir du 7 mai ou pas – sortent dans les rues et se dirigent vers l’aéroport afin d’accueillir les héros de Séville. Un retour qui a pris du temps, mais lorsque l’équipe débarque au bout de la nuit, ce sont 15.000 personnes qui se sont massées à Otopeni et tout au long de la route vers le stade Ghencea, où le titre de champion d’Europe est célébré comme il se doit. « De nombreuses personnes avaient fait un très long chemin à pied pour nous attendre et nous voir. En quittant l’aéroport, ils étaient des milliers à nous applaudir  jusqu’au stade. C’était une atmosphère unique. Quelque chose qu’un ne connait qu’une fois dans sa vie, » se souvient encore Helmut Duckadam. Cette folle nuit est unique. La seule explosion de joie collective spontanée qu’ait connue la Roumanie communiste.

Devant la grandeur de l’exploit, ses ministres parviennent à convaincre le Conducător Nicolae Ceaușescu qu’il doit remettre lui-même les décorations aux joueurs et au staff de l’équipe. C’est ainsi que cinq jours après la finale, tout le Steaua est reçu au domicile présidentiel. Roumanie communiste oblige, cette cérémonie est très encadrée, le (long) discours du Président très polissé et les costumes très… dégueulasses gris.

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L’équipe du Steaua autour de son mentor Ion Alecsandrescu lors de la cérémonie officielle de décoration. | © National Archives / Wikipedia Commons

Au niveau sportif, ce n’est que le début d’une belle période pour le Steaua, qui sera sacré champion de Roumanie quelques semaines plus tard, devant le Sportul d’un Gheorghe Hagi meilleur buteur et… futur Stelist, bien entendu. Un titre qui en appellera d’autres puisque le Steaua gagnera cinq championnats d’affilée entre 1985 et 1989, puis six entre 1992 et 1998, pour en faire désormais le plus grand club de Roumanie alors que le Dinamo pouvait se targuer de ce titre avant la formation de cette équipe de légende.

La Supercoupe de l’UEFA sera également dans leur besace, en février 1987, grâce à un but de leur nouveau transfuge Hagi, pour une victoire 1-0 contre le légendaire Dynamo Kiev de Lobanovski – et pour la première fois, celle-ci se jouera sur un terrain neutre, le stade Louis II de Monaco, formule reprise ensuite depuis 1998. Quelques semaines auparavant, à Tokyo, le Steaua s’inclinait, au terme d’un match à l’arbitrage encore contesté aujourd’hui dans les médias locaux, face à River Plate lors de la Coupe intercontinentale.

Mais qu’importe : là où le Partizan et le Panathinaïkos ont échoué, le Steaua a réussi et devient donc la première équipe Footballski à remporter la C1, avant que l’Etoile Rouge ne suive leur exemple en 1991, avec un certain Belodedici dans ses rangs. Les Bucarestois reviendront même en finale trois ans plus tard, pour s’incliner face au grand Milan de Sacchi et de son magique trio néerlandais.

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« Pour le premier match joué après la finale, le centre du terrain a reçu un cadeau » | © Archives GSP / Cristian Preda / Cătălin Oprișan

Pierre-Julien Pera et Thomas Ghislain


Image à la Une © Prosport