La phase de groupes des éliminatoires de la Coupe du Monde 2018 est arrivée à son terme. Alors que la Croatie a été la dernière équipe à avoir décroché sa qualification, Footballski revient sur le parcours des équipes d’ores et déjà assurées de ne pas être en Russie en juin prochain.

Place aujourd’hui à la Grèce. Revenue de nulle part, ou presque, après le naufrage du précédent Euro, la Grèce a pourtant échoué à atteindre son objectif : celui, après 2010 et 2014, d’enchaîner avec une troisième participation de suite à la Coupe du Monde, ce qui ne lui était jamais arrivé dans son histoire. La faute à des joueurs en déclin ou en méforme, un coach frileux, un adversaire sans doute supérieur et, plus globalement, un double rendez-vous crucial totalement raté. Sur lequel il est essentiel de revenir pour analyser les raisons de l’échec et poser les bases d’un avenir meilleur.

LES RÉSULTATS

Gibraltar 1-4 Grèce
Grèce 2-0 Chypre
Estonie 0-2 Grèce
Grèce 1-1 Bosnie-Herzégovine
Belgique 1-1 Grèce
Bosnie-Herzégovine 0-0 Grèce
Grèce 0-0 Estonie
Grèce 1-2 Belgique
Chypre 1-2 Grèce
Grèce 4-0 Gibraltar

GROUPE F :

  1. Belgique – 28 pts
  2. Grèce – 19 pts
  3. Bosnie-Herzégovine – 17 pts
  4. Estonie – 11 pts
  5. Chypre – 10 pts
  6. Gibraltar – 0 pt

Il n’a pas fallu bien longtemps pour que les espoirs s’envolent. Une vingtaine de minutes, grosso modo, pour que Modrić puis Kalinić ne viennent donner un avantage presque décisif à la Croatie. Une entame qui venait traduire sur la pelouse le ressenti éprouvé au moment de ce barrage : la Croatie était un cran (voire plusieurs) au-dessus de la Grèce. Pourtant, ce rapport de force inversé n’a jamais fait peur à la sélection hellène, spécialiste des performances de taille quand tout le monde la voit perdre. Mais cette fois, il n’en fut rien. Sokratis claquait bien une tête avant la pause pour ce fameux but à l’extérieur si important, mais la faiblesse collective des hommes de Skibbe allait les rattraper, et Perisić puis Kramarić alourdissait le score. 4-1 dès l’aller. Autant dire que les 23 sélectionnés pour ce match-là pouvaient déjà prévoir leurs prochaines vacances d’été. Loin de la Russie.

Pourtant, la campagne de qualification avait été de bonne facture, pour une équipe, comme on vous l’avait expliqué avant les barrages, qui était dans les bas-fonds quelques temps auparavant. Régulière, solide, pas forcément clinquante : une campagne dans un style purement grec, en résumé, avec 17 buts marqués (seulement) et 6 petites réalisations encaissées. Évidemment, derrière l’ogre belge, il était évident que la qualification directe allait être très compliquée, pour ne pas dire impossible. La bataille était plus avec la Bosnie, rival aussi bien géopolitique que sportif durant ces dix journées qualificatives. La double confrontation face aux hommes de Mécha Bazdarevic avait d’ailleurs été cochée dès le tirage au sort. Pour le reste, il fallait « assurer » contre les cousins chypriotes, l’Estonie et Gibraltar, souffre douleur désigné.


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Le départ avait été parfait, avec trois succès lors des trois premières journées, et notamment celui en Estonie (0-2), où la Grèce aurait très bien pu laisser filer des points face à un adversaire qui, sur un match, peut totalement faire déjouer un collectif supérieur. Puis le premier tournant arrivait le 13 novembre 2016 quand, Tzavellas, d’une sublime demi-volée à la 95e, arrachait le nul face à la Bosnie. Un point très précieux dans ce duel de potentiels barragistes où chaque unité pouvait avoir une importance capitale. Le deuxième tournant, ou plutôt moment fort, arrive en mars 2017, quand la Grèce s’en va arracher un nul en Belgique qui ne doit cette issue qu’à un but très tardif de Lukaku (89e). On se dit alors que cette équipe-là n’a pas d’autre choix que de finir 2e, et que toute autre issue serait une déception et un échec.

La suite de la campagne alternera entre le bon (la défaite encourageante face à la Belgique en Grèce, ou le succès capital arraché à Chypre), le convenable (le 0-0 en Bosnie qui aurait pu, avec un peu plus de précision, être un succès) et le mauvais (ce nul 0-0 face à l’Estonie qui a failli être fatal pour la course à la deuxième place). Mais l’essentiel est là : une deuxième place et, surtout, une place en barrages. Une opportunité en or d’aller au Mondial qui n’était alors qu’à 180 petites minutes. L’issue, on la connaît : un tirage au sort délicat, puis une double confrontation manquée. Et un avenir qui s’assombrit un peu, malgré les récentes éclaircies.

LES RAISONS DE LA NON QUALIFICATION

Ces raisons, elles sont diverses et variées. D’abord, même si ça n’est pas le plus important, un statut de tête de série pour les barrages qui s’est sans doute envolé lors de ce nul pitoyable face à l’Estonie, à domicile (0-0). Une rencontre qui avait dramatiquement illustré les faiblesses offensives de la sélection quand Mitroglou n’est pas là. Vellios, tricard à Nottingham (une seule apparition cette saison, excusez du peu), avait été (comme toute l’équipe) fantomatique, voire scandaleux. Et la victoire envolée avait failli permettre à la Bosnie de prendre la deuxième place pour de bon. Anecdotique, sans doute, mais avec le recul des semaines, cela aurait pu éviter un tirage au sort délicat et offrir un adversaire un peu plus abordable à la Grèce. Mais avec ce qu’elle a montré à Zagreb, l’Ethniki Omada aurait chuté face à n’importe quelle équipe qui espérait aller au Mondial.

La vraie raison, sans doute, fut la sur-utilisation de joueurs cramés et clairement sur la fin, auxquels s’ajoutent des joueurs en méforme, revenant de blessure ou tout simplement plus utilisés dans leurs clubs respectifs. Bien sûr, Manolas était suspendu pour la première manche, et Tasos Donis forfait pour blessure. Mais ceci n’explique pas tout. Sur le barrage aller, Michaël Skibbe avait choisi d’aligner Tzavellas et Maniatis sur les ailes de la défense. Deux joueurs vieillissants, qui évoluent tous les deux à Alanyaspor, modeste formation de première division turque. Deux joueurs très en difficulté face à la vivacité et la technique croate. Mais que dire d’Orestis Karnezis, troisième gardien de Watford, coupable d’une grosse faute dès le premier quart d’heure amenant le penalty de Modrić ? Pas surprenant, après tout, pour un élément en total manque de compétition. Et on pourrait dire cela aussi pour Stafylidis, habitué au banc d’Augsburg et coupable sur le quatrième but, mais aussi de Tziolis (qui évolue en Arabie Saoudite) ou de Samaris (très peu utilisé à Benfica), voire Mitroglou, de retour de blessure et pas en pleine possession de ses moyens depuis qu’il est à l’OM (où il déçoit un peu sur ses débuts) et Fortounis, l’éternel espoir qui semble suivre la voie de Sotiris Ninis.

Ce qui amène à la raison suivante : la frilosité excessive de Michaël Skibbe, le sélectionneur allemand. Partisan de la logique de groupe, à l’image de Didier Deschamps, Michael Skibbe a payé le prix cher d’une politique qui a fonctionné sur la durée mais pas sur le rendez-vous des barrages. En se privant volontairement d’éléments en forme (Anestis ou Gianniotis dans les cages, Lykogiannis, Bakakis ou Tsimikas en latéral, Kourbelis ou Siopis au milieu), il a raté le coche. Parce que sur ces deux échéances, il fallait privilégier la forme immédiate et mettre de côté le bagage accumulé par certains éléments en sélection. Côté tactique, cette frilosité lui a aussi joué des tours. Comment ne pas penser à cette composition du match retour, avec trois buts à remonter ? Jamais l’Allemand n’a tenté d’associer Mitroglou avec un autre attaquant de pointe, même un Vellios au fond du trou. Suicidaire, quand on connaît le style de jeu du Marseillais, qui s’est trop souvent retrouvé seul au monde devant lors de ces barrages. Jamais l’Allemand n’a aligné d’entrée Pelkas ou Gianniotas, qui ont apporté, sur les quelques minutes qu’ils ont eu à jouer, bien plus que les éléments titularisés à leurs postes (comme Lazaros ou Bakasetas).

Mais il ne faut pas non plus oublier les principaux responsables de cet échec : les joueurs eux-mêmes. Mis à part Sokratis en défense, qui a été irréprochable du début à la fin, que ce soit sur ou en dehors du terrain, et Mitroglou, dans une moindre mesure, certains n’ont tout simplement pas évolué au niveau requis, voire ne l’ont pas quand il s’agit d’éliminer la Croatie. Et on en revient à un axe d’analyse qui a surgi après cette élimination : cette campagne intéressante a finalement été en trompe-l’oeil. Ce match de l’Estonie est loin d’être anecdotique, car il révèle le vrai visage de la sélection grecque quand elle n’arrive pas à s’imposer à l’arrache comme elle sait si bien le faire. Une sélection limitée, tout simplement. Mis à part la défense Manolas – Sokratis, titulaire et performante dans deux gros clubs (Roma et Dortmund), le reste est au mieux moyen (Mitroglou et ses débuts mitigés à l’OM, de bons joueurs de Superleague, championnat de troisième zone européenne) ou avec du potentiel à développer (Retsos sur le banc, Kourbelis, Donis), voire clairement insuffisant pour être réellement déçu de perdre face à la Croatie. Alors, certes, il y avait la place de passer, et d’éventuellement faire une compétition pas ridicule. Mais ne nous voilons pas la face : il y a aussi énormément de carences dans cette équipe-là.

LES MOTIFS D’ESPOIR

Comme beaucoup de sélections qui n’iront pas au Mondial, les motifs d’espoir résident dans la future génération amenée à prendre le relais. En Grèce, elle semble assez prometteuse et doit permettre de renouveler en profondeur un groupe de base clairement en fin de cycle. Sous la houlette de Nikopolidis, l’ancien gardien aux cheveux grisonnants vainqueurs de l’Euro 2004 devenu coach ces dernières années, les U21 sont toujours en lice pour se qualifier à l’Euro, ce qui serait une bonne manière d’établir des bases saines pour la suite. Tsimikas, Androutsos, Koulouris, Manthatis, Lamprou, Nikolaou, Limnios : nombreux sont les joueurs « confirmés » du côté des Espoirs, qui ne feraient absolument pas tâche chez les A et qui, si les choses se goupillent bien, vont goûter à la sélection des grands très vite.

Par ailleurs, les gros clubs du pays semblent avoir initié une vraie politique de formation depuis quelques années. Cela se traduit par une hausse qualitative des installations destinées au développement de ce vivier très présent dans un pays qui, malgré la crise, n’en reste pas moins une vraie terre de football. Ce qui s’est matérialisé par la vente record de Retsos, gamin de l’Olympiakos, à Leverkusen pour une somme dépassant les 15M d’euros l’été dernier. Dans le club du Pirée, souvent critiqué (à juste titre) pour sa sur-utilisation de joueurs étrangers, on voit certains jeunes visages grecs titulaires, comme Nikolaou en Ligue des Champions (buteur au Camp Nou), mais aussi Koutris (formé à l’Ergotelis mais qui explose à l’Olympiakos) ou Androutsos (titulaire à Turin), parfois. Idem pour le PAOK, où Koulouris et Pelkas, voire Limnios, sous la houlette de Lucescu, sont de plus en plus importants dans la rotation. Lamprou (prêté au Panionios), Manthatis (prêté au PAS), voire Galanopoulos (AEK) : les éléments prometteurs sont de plus en plus utilisés. Et c’est tant mieux.

L’autre exemple qu’il sera intéressant de suivre sera la situation financière préoccupante du Pana qui, lui aussi, a fait de gros efforts de formation, conscient que son salut passera par là. Si l’on raisonne à moyen ou long terme, ceci peut avoir du bon, notamment pour assainir les finances et arrêter une politique de transferts désastreuses. Les éléments à forte valeur ajoutée seront sans doute vendus en janvier (Lod, Coulibaly, Hult, Vlachodimos), et la confiance sera donnée aux jeunes, peu chers et susceptibles eux aussi d’être vendus, pour redresser ce club historique. À l’image de Dimitrios Emmanouilidis, petite pépite de 17 ans qui brille avec la sélection U19, si l’on devait donner un exemple. D’ailleurs, le Pana a fait signer un contrat pro à 14 joueurs de son académie. La preuve que l’avenir du club, et de tout le foot grec, passera par ces mesures.

Et maintenant ?

La conclusion est la suivante. La Grèce possède des sélections U19 et U21 qui ont retrouvé des couleurs et qui pourraient bien retrouver les joies des compétitions internationales si elles continuent sur cette lancée. Le vivier est là, la formation a bien progressé, il ne reste plus qu’à avoir un vrai déclic pour faire confiance à des jeunes qui n’attendent que ça. La bonne santé financière des clubs n’en sera qu’améliorée, et le niveau qualitatif de la sélection suivra. La grande question est de savoir si Michaël Skibbe, qui (sauf retournement de situation) devrait être prolongé à la tête de la sélection, sera capable de trancher dans le vif en écartant les brebis galeuses pour intégrer les joueurs les plus en forme, tout en intégrant petit à petit les jeunes pousses. Dans ce cas-là, avec la Ligue des Nations qui se profile (la Grèce est dans un groupe C abordable), les lendemains peuvent être un peu plus joyeux.

Martial Debeaux


Image à la une : © facebook.com/ethnikiomada

1 Comment

  1. el greko 30 novembre 2017 at 19 h 26 min

    Tout est parfaitement résumé.. Bravo

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