Son visage juvénile suggère qu’il ne fait que sortir du centre de formation du Dnipro, mais Ruslan Rotan écume les terrains ukrainiens depuis plus de quinze saisons maintenant. Eh oui. Aussi surprenant que ça peut paraître en le voyant, Ruslan Rotan est, à 33 ans, un vieux de la vieille et n’a pas pris une ride après toutes ces années. Rotan est un nom familier, aussi, qu’on a l’habitude de retrouver avec l’Ukraine lorsque le pays participe à des compétitions internationales. Du haut de ses 78 sélections et de plus de 350 matchs avec le Dnipro et le Dynamo, il est la caution expérience de cette équipe du Dnipro qui en manque tant sur la scène internationale. Une caution nécessaire à toute équipe souhaitant faire un beau parcours européen. Ce n’est pas un hasard si Ruslan Rotan est capitaine du Dnipro Dnipropetrovsk depuis plusieurs saisons et peu importe l’entraîneur, que ce soit Myron Markevych, l’actuel, ou Juande Ramos, son prédécesseur.

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Footballeur de père en fils

« Il y avait environ 150 personnes. La sélection a été réduite à 35 puis à 20. J’en faisais partie. A partir de là, on nous a dit : ‘penser au football est la chose la plus importante’. On devait penser sur le terrain. On ne faisait presque pas de physique, que de la technique, des passes. »

Comme Myron Markevych, Ruslan Rotan était fait pour le football. Son père, Petro, a longtemps été footballeur professionnel au Vorskla Poltava, ville où est d’ailleurs né Ruslan. Il est le deuxième d’une famille de trois enfants, et ses deux frères sont également footballeurs dans les divisions inférieures ukrainiennes, toujours dans la région de Poltava : « Nos fils se battaient pour les ballons, il n’y en avait pas assez pour tout le monde, affirmait Petro Rotan au Komsomolskaïa Pravda ukrainien. L’aîné dormait avec un ballon pour être sûr d’en avoir un. » Gaucher comme son père mais totalement ambidextre, Rotan a tout naturellement été bercé par les exploits de son paternel : « Je suis allé voir quatre, cinq matchs et puis j’ai eu envie de jouer au football. » A 12 ans, son premier entraîneur lui suggère d’aller faire un essai à Dnipropetrovsk : « Il y avait environ 150 personnes. La sélection a été réduite à 35 puis à 20. J’en faisais partie. A partir de là, on nous a dit : ‘penser au football est la chose la plus importante’. On devait penser sur le terrain. On ne faisait presque pas de physique, que de la technique, des passes. »

21 ans après, le voilà toujours à porter le maillot bleu et blanc du Dnipro. Après une parenthèse, bleue et blanche celle-ci également, par Kyiv, de 2005 à 2008. Pour le reste, uniquement Dnipropetrovsk, même si à la fin de la saison dernière, Ruslan Rotan, en fin de contrat, n’avait souhaité prolonger son contrat. Après un essai pourtant concluant avec le Rubin Kazan, Rotan a refusé la proposition du club russe pour finalement revenir au Dnipro : « Ils m’offraient trois fois plus de salaire. C’était une proposition de très haut niveau. Je serai toujours reconnaissant envers eux parce qu’ils m’ont compris. Je les ai appelés et je leur ai dit qu’en raison de la situation entre les deux pays, je ne pouvais pas signer. » Que ce serait-il passé si Rotan avait accepté la proposition ? Le Dnipro ne serait sans doute pas là où il est actuellement. Hors du terrain, Ruslan Rotan collectionne le vin et… les voitures : « J’en ai six actuellement, j’en change tous les deux ans environ. » Un joli score pour celui qui a dépassé Sergiy Nazarenko pour le nombre d’apparitions sous les couleurs du Dnipro en championnat. Rotan est encore loin du record des 138 matchs de Tymoschuk avec la sélection ukrainienne, mais il n’en est pas moins l’un de ses cadres, et ce depuis quelques années maintenant. Ayant fait ses débuts en 2003, Rotan était déjà là en 2005 pour marquer le but qui qualifiait l’Ukraine pour sa première Coupe du Monde, en Allemagne. C’était face à l’Albanie, l’un de ses sept buts avec la sélection.

Ce n’est pas un hasard s’il est surnommé le « Pirlo de Dnipropetrovsk ».

Un numéro 10 défensif

Ruslan Rotan impressionne par son calme et son assurance balle au pied. C’est le métronome, le régulateur du jeu du Dnipro. Le cœur du terrain est son jardin. S’il a déjà joué sur le côté lorsqu’il était plus jeune, Rotan se cantonne désormais au rôle axial auquel il a été formé et l’Ukrainien excelle lorsqu’il peut se rendre disponible pour ses coéquipiers. Plus Rotan touche le ballon, mieux c’est. Mais, alors qu’il était plutôt utilisé dans les deux milieux d’un 4-2-3-1 au côté de Kravchenko ou Kankava l’an passé avec Ramos, Markevych a dernièrement utilisé Rotan dans un rôle plus offensif, derrière l’unique attaquant. Un rôle familier pour le numéro 29. L’entraîneur du Dnipro utilise ainsi l’intelligence de jeu de Ruslan Rotan, son sens l’anticipation et sa capacité à déclencher le premier pressing et à orienter la première passe adverse. Utiliser Rotan derrière l’attaquant peut également être utile pour récupérer le ballon plus haut car Rotan gagne des duels depuis plus de quinze ans dans le football. Et qui de mieux que Rotan pour effectuer une première passe, longue ou courte, propre ? Si la carrière de Rotan est derrière lui, le milieu de terrain a encore des jambes et du souffle.

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Rotan est également intéressant dans sa faculté à venir décrocher assez bas pour effectuer la première passe, justement, de son équipe. Quand il évoluait en numéro 8, il était coutume de le voir descendre au niveau de ses défenseurs centraux pour orienter le jeu puisque, comme tout milieu de terrain qui se respecte, ses grandes qualités sont la vision du jeu et la qualité de passe. Pour preuve, Ruslan Rotan est le joueur du Dnipro qui a effectué le plus de passes cette saison en Europa League, avec 451 offrandes pour 88% réussies. Une qualité de passe, pied gauche ou pied droit, qu’on retrouve sur les coups de pied arrêtés puisque Rotan en est le préposé au Dnipro. Pas grand ni puissant, Ruslan Rotan est aussi capable de mettre le pied et de mettre quelques coups pour salir le jeu s’il le faut. Si combat il y a, Rotan sera là. La preuve, Ruslan Rotan est, avec 6 jaunes et 1 rouge, le joueur le plus sanctionné en Europa League cette saison. Capitaine de l’équipe, Rotan prend son travail très à cœur et n’hésite pas à encourager, replacer ses coéquipiers. Un vrai leader, qu’il soit technique ou vocal. Quand Ruslan Rotan joue bien, le Dnipro joue bien. Ce n’est pas un hasard s’il est surnommé le « Pirlo de Dnipropetrovsk ».

Quentin Guéguen


Photo à la une : © fcdnipro.com

2 Comments

  1. Pingback: Dnipropetrovsk, du rêve à la réalité - Footballski

  2. LeDynamiste 6 août 2016 at 19 h 24 min

    J’arrive un an après la guerre mais ce n’est pas grave, excellent article une fois encore sur un excellent joueur méconnu du coté ouest de l’Europe. Un vrai plaisir de lire des articles de cette qualité, longue vie a Footbalski donc.

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