Vous connaissez sans doute tous le Rubin Kazan. Même les moins au fait du football russe et de la sphère Footballski se souviennent au moins les avoir vus battre la Barça de Guardiola. Un résultat qui marque les esprits et qui pousse les non-connaisseurs (dont une bonne partie de nos journalistes) à vouloir s’en méfier quoi qu’il arrive et à considérer cela comme un mauvais tirage – alors qu’un club en pleine forme et largement supérieur mais n’ayant jamais fait de performance européenne dans leur histoire sera lui un « bon tirage ».

Alors qu’en est-il vraiment du Rubin Kazan ? Que reste-t-il de la fabuleuse aventure de la fin des années 2000 ? C’est ce que nous allons essayer de vous présenter voire expliquer dans ce court article. Je vous propose d’abord l’hymne du club avec quelques images de ses exploits récents.

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Point de vue historique

Sa position dominante en Russie lors de la dernière décennie et sa présence sur la scène européenne, bien souvent seul miroir du football de l’Est pour le grand public, nous ferait presque oublier d’où vient le Rubin (signifiant « rubis’ en russe, le Rubin tire pourtant son nom du système radar du même noms dont étaient équipés les avions de combat sortants des usines de la ville). Le club créé en 1958 n’a connu que les bas-fonds des divisions soviétiques, oscillant entre la troisième et la cinquième division selon les années, et son court passage en D2 lors de l’indépendance russe ne fera pas oublier ce destin. L’équipe fréquente la D3 (D2 Volga), avec l’Amkar Perm notamment, mais aussi mes favoris de Chelyabinsk où d’autres équipes moyennes et aujourd’hui disparues.

Le Rubin face au Torpedo en 1982.
Le Rubin face au Torpedo en 1982.

Oui mais Kazan est une grande ville, capitale de la République la plus influente de la Fédération de Russie. Inutile de rappeler qu’en 1992, le Tatarstan s’était prononcé pour l’indépendance, a compté des ambassades à l’étranger et n’a pas signé le traité de la Fédération (au même titre que la Tchétchénie), tout cela sous l’impulsion du Président, Mintimer Shaymiev, qui veut faire de sa République un sujet incontournable en Russie. Il faut donc faire rayonner la ville de Kazan à l’international et cela passe par le sport : le Dinamo Kazan (volley), l’UNICS Kazan (basket) ou encore l’Ak Bars Kazan (Hockey sur glace) font toujours aujourd’hui briller la ville en Europe, ville qui organise de grands événements tels que les championnats du Monde de natation ou les Universiades. Les Universiades, très peu médiatisés chez nous, ont été vendus comme un événement incontournable à la population locale qui en a fait sa fierté et la ville a vu fleurir des dizaines d’infrastructures sportives ultra-modernes qui ferait pâlir d’envie tout candidat à l’organisation des Jeux Olympiques. Cette politique a tellement bien marché qu’une bonne partie de la population russe est persuadée qu’il s’agit là de la troisième ville de Russie alors que Kazan n’en est que la huitième avec une population comparable à Chelyabinsk, et bien derrière des villes moins glamour que peuvent être Samara, Novossibirsk ou Omsk par exemple.

La légende au chapelet, Berdyev.
La légende au chapelet, Berdyev.

L’équipe de football va donc devoir être à la hauteur de la ville et c’est à un Turkmène que le club va faire appel : Kurban Berdyev, aujourd’hui sévissant dans le sud, à Rostov sur le Don. Ancien joueur soviétique, jamais international mais ayant évolué au plus haut niveau avec le Kayrat Almaty (si-si encore un adversaire des Girondins que l’on vous présentait alors) mais aussi au SKA, l’autre club de Rostov sur le Don. C’est lui qui pendant douze ans durant va faire évoluer et travailler le club en lui amenant deux titres de champions et donc cette fameuse victoire contre le Barça. Un apogée qui semble bien loin aujourd’hui, les hommes aux manettes ont changé au cours du temps ainsi que les joueurs, ce qui a abouti à une fin de cycle que Rusko vous décrivait alors sur notre site.

 

Une crise sportive ?

Le Kremlin de Kazan et sa mosquée.
Le Kremlin de Kazan et sa mosquée.

A vrai dire personne ne s’attendait vraiment à retrouver le Rubin dans une compétition européenne après un exercice difficile en 2013/2014 (précisément lorsque Rusko écrivait son article) ; on leur prédisait, et moi le premier, une saison 2014/2015 extrêmement compliquée et il n’en fut rien. Convaincant cinquième, parfois enthousiasmant bien que rageant en fin de saison, les Tatars avaient retrouvé un rang plus proche de celui qu’il n’aurait jamais dû quitter et ce sous l’impulsion d’un savant mélange entre jeunes et guerriers restés après les titres. Qui pouvait penser que ce Rubin sans Natkho et Eremenko, partis faire les beaux jours du CSKA, pourrait alors inquiéter les clubs moscovites ?

Mais enfin, une fin de saison ratée va leur faire passer la coupe d’Europe sous le nez ! Cinquième, ce n’est pas suffisant… Oui, mais le Dinamo, comme je vous le contais alors, ne satisfaisait pas au FPP, il fallait rappeler les Tatars en Coupe d’Europe et c’est comme cela que les joueurs de Kazan se retrouvent en phase de poules, non sans avoir galérer pour écarter le Sturm Graz ainsi que le Rabotnicki Skopje. Une coupe d’Europe que, comme le rappelait Elmir Nabiullin, le Rubin ne quitterait plus de sitôt. Erreur d’appréciation manifestement au vu du début de saison des Grenats : en effet ils sont aujourd’hui avant-derniers avec seulement trois points glanés sur la pelouse du dernier (le non-moins en crise Kuban Krasnodar).

Rinat Bilyaletdinov, remercié.
Rinat Bilyaletdinov, remercié.

C’est au lendemain de la toute dernière défaite que tout a basculé : tout l’encadrement s’en est allé, de Valery Sorokin, le président, à l’entraîneur contesté, Rinat Bilyaletdinov. Il faut donc reconstruire et c’est avec un ancien de la maison, Ilsur Metshin, que cela va se passer. L’homme, amoureux de football et homme d’affaire/manager à succès, a été choisi à la surprise générale pour ce poste ; mais il s’agit toutefois d’un signe positif, pour les supporters, de velléités de retour au plus haut niveau. Mais pour cela, il va falloir trouver un entraîneur et les rumeurs vont bon train : en dehors de Tatars plein de promesses, deux autres noms plus confirmés reviennent. Celui de Viktor Goncharenko, parti sans laisser d’adresse d’Ekaterinburg il y a quelques jours (son départ pouvant être liés à des arrangements avant le match contre le Terek, mais là n’est pas le sujet) mais encore le nom de… Kurban Berdyev !!! Lui-même aujourd’hui en passe de redresser à lui tout seul le club de Rostov, il a en effet déclaré qu’une offre de « son » club serait difficile à refuser quelles qu’en soient les circonstances. A suivre donc, car nous devrions avoir des nouvelles très bientôt.

 

L’équipe actuelle

Il est bien sûr assez difficile de dégager une équipe-type car on ne connaît même pas encore le nom de l’entraîneur mais on va essayer car c’est cela qui vous intéresse, amis Girondins, Valaisans, Liverpuldiens ou simples assidus de Footballski avides de découvrir le nouveau visage du Rubin.

Dans les buts, il n’y a bien-sûr aucun doute, c’est l’international Sergey Ryzhikov qui tient la maison depuis bien des années. Si Kuzmin est titulaire à droite de la défense, il est plus difficile de dire qui de Cotugno ou Nabiullin tiendra le poste à gauche. Le deuxième cité, pourtant élu par nos soins meilleur latéral gauche du championnat l’an dernier, a alterné entre le banc et le milieu de terrain dans la tactique frileuse de Bilyaletdinov. Dans l’axe la jeune recrue uruguayenne Lemos devrait être associée au roc géorgien Kverkvelia même si l’indispensable Kambolov peut être également utilisé à ce poste.

On le préférera tout de même au milieu du terrain où son association avec le virevoltant Ozdoev forme une paire très jeune mais excellente. Le troisième larron peut être Blago Georgiev, le guerrier bulgare, ou le plus offensif Carlos Eduardo, recruté alors à prix d’or mais trop souvent blessé ou en dedans. Dinyar Bilyaletdinov a également été beaucoup utilisé depuis le début de saison, mais on peut penser qu’avec le départ de son père, il risque de voir son temps de jeu réduit à très peu. Grand gâchis qu’est cet ex-grand espoir du football russe qui n’a même pas su se relancer l’an passé au Torpedo Moscou.

Igor Portnyagin et Ruslan Kamoblov, deux grands espoirs du Rubin.
Igor Portnyagin et Ruslan Kamoblov, deux grands espoirs du Rubin.

Devant, Karadeniz est toujours au club, comme l’un des derniers vestiges des grandes heures du football tatar, et il est le pendant d’un Maksim Kanunnikov toujours titulaire et précieux pour les Grenats. Devant eux, on aimerait qu’Igor Portnyagin retrouve le chemin des filets qu’il a perdu depuis le début de saison, lui le meilleur attaquant russe de la saison dernière. Dyadyun et Kislyak peuvent également rendre des services dans un effectif en grande partie composée de grands espoirs (Kanunnikov, Portnyagin, Nabiullin, Kverkvelia, Lemos, Kambolov ou Ozdoev) assistés de quelques grognards toujours efficaces comme Ryzhikov, Kuzmin ou Karadeniz Gökdeniz.

L'équipe-type probable.
L’équipe-type probable.

 

Au regard des performances actuelles du Rubin, on peut être tenté de conclure que le club aura de grandes difficultés sur la scène européenne, surtout qu’ils seront surtout concentrés sur le fait de relancer l’équipe sur les prés locaux. Mais un tel effectif de qualité ne peut être sous-estimé et peut-être que la C3 représentera pour eux une bouffée d’air frais sous les commandes du futur entraîneur. Et dans le groupe le plus faible de l’Europa League, tout est peut-être possible pour les Tatars… en attendant de retrouver une place plus conforme à la passion sportive de cette République.

 

Adrien Laëthier

12 Comments

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  2. alexfcgb60 28 septembre 2015 at 18 h 30 min

    le groupe le plus faible de leuropa league? FAUT PAS DECONNER…

    Reply
    1. Adrien Laëthier 28 septembre 2015 at 18 h 53 min

      Regarde les équipes… Sion, Bordeaux et Rubin; c’était quasiment (si ce n’est surement) les plus faibles de leurs chapeaux respectifs, objectivement.

      Donc ca se joue peut-être avec le groupe de Marseille, vu que Marseille est plus faible que prévu cette saison. Mais Liberec meilleur qu’attendu. Le A est bof aussi mais franchement je pense que celui de Bordeaux est le plus faible (c’est pas les noms: Bordeaux, Rubin et Liverpool qui font la qualité sur le terrain). Rubin, comme je le dis ici, est plus faible que la plupart des équipes Footballski des autres groupes par exemple.

      Reply
    2. Adrien Laëthier 28 septembre 2015 at 19 h 01 min

      Il suffit de regarder le classement des différentes équipes dans leur championnat, d’ailleurs.

      Reply
      1. GROSBILL 28 septembre 2015 at 22 h 38 min

        Le groupe le plus faible de l’europa league !!!
        Je continue à dire pas beaucoup de connaissance footballistique .
        Monsieur, restez dans l’analyse du football de l’ex Union soviétique, parce que manifestement votre connaissance du football européen est quasi nulle.

        On ne peux pas tout connaitre … Je le concède

        Reply
        1. Adrien Laëthier 28 septembre 2015 at 23 h 54 min

          Je veux bien discuter, car tout le monde n’a pas forcément le même point de vue, mais il faudrait argumenter. Ce que j’ai essayé de faire et cela ne veut pas dire que je connais pas le football européen.

          Liverpool est la meilleure équipe du groupe, mais fait un début de saison mauvais pour son standing. Bordeaux ne fait plus peur à l’Europe depuis longtemps (comme quasiment tous les clubs français). Le Rubin va très mal (même si l’Europe pourrait peut-être devenir leur bouffée d’oxygène. En effet, je connais très mal Sion et vu vos réactions je pensais les avoir sous-estimé mais certains spécialistes m’ont confirmé que ce n’était pas terrible du tout.

          Je concède, comme dans mon post précédent qu’il y a deux autre groupes assez faibles (mais au moment où j’ai écrit cette article, on pensait Marseille meilleur par exemple). Et si vous n’êtes pas d’accord, je vous en laisse le droit, mais montrez moi quels groupes sont beaucoup plus faibles car en relisant les poules, tout de suite, je ne vois pas.

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