La nouvelle a fait l’effet d’une bombe ce mardi en Roumanie. La justice roumaine s’est montrée intransigeante avec des peines allant de 3 ans à 6 ans dans le « dossier des transferts ». Dans un pays à la forte corruption, les lourdes sanctions ont relativement surpris.

Quelle est l’histoire ?

L’histoire a éclaté en 2006 quand le quotidien Gazeta Sporturilor a commencé à enquêter sur le transfert de Florin Bratu du Rapid Bucarest à Galatasaray en 2003. Des soupçons d’évasion fiscale et de blanchiment d’argent pesaient sur ce transfert. Les journalistes ont découvert des preuves qui ont poussé la justice roumaine à ouvrir une enquête. Huit ans après, 12 transferts sont dans la ligne de mire de la justice roumaine qui a réussi à prouver qu’il y avait bien évasion fiscale et blanchiment d’argent.

Il est estimé que le fisc roumain a perdu 1,5M€ dans l’affaire alors que les clubs roumains auraient été floués de plus de 10M€. Comme vous pouvez le voir sur le tableau ci-dessous, la différence entre les sommes déclarées et les sommes réelles des transferts est énorme sur ces transferts de la Roumanie vers l’étranger. Trois clubs ont été les principaux acteurs de ces transferts : le Rapid Bucarest, le Dinamo et Bistrita. L’affaire était bien organisée et tournait autour de personnes importantes des clubs en question et certains agents bien connus en Roumanie.

© gsp.ro
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Qui a été condamné ?

Des personnalités importantes du football roumain ont appris leur condamnation ce mardi. L’homme le plus connu reste Gheorghe Popescu, le libéro de la Génération d’Or, qui s’est retrouvé au milieu de l’affaire suite au départ de Bratu du Rapid vers Galatasaray. Popescu a pris 3 ans et 40 jours de prison ferme.

L’autre figure de ce verdict est le directeur sportif du Steaua Bucarest, Mihai Stoica, condamné à 3 ans et demi de prison ferme pour son rôle dans le transfert d’un de ses joueurs alors qu’il officiait à l’Otelul.

Les anciens présidents du Dinamo, du Rapid et de Bistrita ont également été condamnés à des peines fermes. Cristi Borcea du Dinamo a bien entendu été le plus lourdement condamné, au vu du nombre de joueurs du Dinamo impliqués dans l’affaire. Il aurait déclaré pendant les auditions : « A cette époque j’aurais vendu des joueurs à Ben Laden, seul l’argent comptait.»

Et bien entendu, comme il n’y a pas d’affaire sans des Becali en Roumanie, les deux cousins de Gigi Becali ont également été condamnés à 6 ans et 4 mois de prison ferme. Ils pourront ainsi très rapidement retrouver leur cousin.

Quelles sont les conséquences pour le football roumain ?

On peut tout d’abord saluer la réaction de la justice roumaine qui n’a pas cherché à protéger des figures du football, alors que la justice et l’Etat roumain sont bien souvent moqués pour la corruption importante en leur sein.

La première conséquence directe concerne le Steaua. En effet, déjà orphelin de Gigi Becali, le leader va également se retrouver sans son directeur sportif Mihai Stoica. Le club va donc devoir rapidement trouver une nouvelle organisation et probablement un nouveau directeur sportif.

La deuxième conséquence concerne Popescu et l’élection à la fédération. Ce premier semestre devait voir la mise en place d’une élection pour connaître le nouveau président de la Fédération. Gica Popescu, avec notamment Hagi dans son équipe, faisait office de vrai favori pour ce poste. Sa condamnation rend impossible son élection et certains craignent déjà que Sandu, actuel président, réussisse à mettre en poste quelqu’un de son équipe. Vu la stagnation depuis quelques années au sein de la fédération et de la ligue de football professionnel, l’arrivée d’un Popescu aurait certainement pu donner un nouvel élan au football roumain, qui va peut-être se trouver repoussé de quelques années.

Fin du rêve de présidence pour Popescu | © Flickr / dan_avraham2000
Fin du rêve de présidence pour Popescu | © Flickr / dan_avraham2000

Certains présidents de clubs ont déjà réagi également comme Ioan Niculae, président de l’Astra Giurgiu : « Pour moi, c’est totalement terrifiant ! Nous tous, qui mettons de l’argent dans le football, devons réfléchir sérieusement si nous allons continuer. Si Popescu souffre de cette décision… Il a été acquitté par plusieurs juges, aujourd’hui je vois qu’il est condamné. C’est la Roumanie ! Pour chaque euro investi, je paye 80 cents à l’état. Ces gars ont fait une erreur en mettant de l’argent dans le football, plutôt que dans leur business. »

Dumitru Dragomir, président très controversé de la Ligue Roumaine, a déclaré : « La décision de la cour a surpris tout le monde et a attristé de nombreux hommes du monde du football. J’ai collaboré avec la majorité de ceux qui vont aller en prison et je peux vous dire avec une conviction sincère qu’ils ont fait beaucoup plus de bien que de tort au football. Copos a fait du Rapid une équipe européenne, avec un énorme investissement personnel. Cristi Borcea et Stoica ont eu de grandes performances que ce soit au Dinamo pour l’un ou à Galati, au Steaua ou à Urziceni pour l’autre. Regardez ce que sont devenus le Dinamo et Urziceni sans eux, cela montre que ce sont des hommes compétents. Cela me parait aussi dur pour les frères Becali qui ont amené dans le pays de l’argent grâce auquel des clubs ont pu vivre de belles années. Je leur souhaite la santé et la force pour surmonter cette décision choquante et que la décision en appel leur offre une solution favorable. »

Les deux dernières déclarations d’hommes influents du football roumain montrent une déconnexion totale des hommes du football roumain avec la justice. Plutôt que de saluer un possible futur plus sain du football roumain, ils mettent en exergue l’incompréhension quant à une décision de justice qui semble tout à fait fondée. Nul ne sait si cette décision marquera le début d’une nouvelle ère dans le football roumain mais il semble que l’impunité dont jouissaient certaines personnalités du football roumain est aujourd’hui révolue.

Tristan Trasca