Un ami de Footballski, Benoît, était au derby de Prague et nous a envoyé cet excellent compte-rendu !

Le contexte

Slavia contre Sparta. Les habitants de Prague sont prévenus. En dehors de la venue des fans du Banik Ostrava à Prague, ce match est le plus chaud de la ligue tchèque. Les deux équipes historiques de la capitale s’affrontaient ce samedi pour la 282e fois de leur histoire, avec une large domination du Sparta au nombre de victoires (132 victoires à 86). Plus qu’un affrontement de couleurs (rouge et blanc pour le Slavia, bleu, jaune et rouge pour le Sparta), c’est également l’affrontement de deux quartiers de la ville : Letna à l’Ouest, Vrsovice à l’Est. Les deux endroits étant reliés par le tramway #22, il est facile d’imaginer la tension prévalente à chaque rencontre entre ces deux monstres du football pragois.

Panoramique_petit

Les abords du stade Eden, reconstruit en 2008 et où s’est jouée la Super Coupe d’Europe entre le Bayern et Chelsea l’an dernier, sont sous haute surveillance policière pendant qu’un hélicoptère survole tout le quartier et se fait entendre jusque dans la vieille ville, à 15 mns de la. Les supporters du Sparta qui sont passés par le club pour acheter leurs billets sont déjà parqués dans les tribunes visiteurs alors que le stade se remplit peu à peu jusqu’au coup d’envoi donné à 18h. Stade moderne de 20000 places, l’Eden Stadion n’offre que peu d’opportunités pour les deux groupes de supporters de s’affronter autrement que par la voix, la tribune visiteur étant barrée par une ligne de train servant de tampon, sûrement appréciée par la police locale. Les deux Kops sont déjà bien chauds au coup d’envoi et les chants partisans pleuvent déjà à 15 mns du début du match.

L’histoire

A eux deux, les deux “S” (qui donnent à ce derby le surnom de “Prazsky S” (Le “S” pragois) ) ont gagné 56 titres, 36 pour le Sparta et 17 pour le Slavia. Malheureusement pour les fans des Rouges et Blancs, ce qui était une vraie rivalité il y a quelques années s’est lentement transformée en domination de la part du Sparta. Depuis octobre 2008, et une victoire 4-1 à Letna sur les terres du Sparta, le Slavia Prague n’a plus gagné qu’une seule de ces rencontres sur les 11 disputées (1-0 en septembre 2012) et s’est incliné 9 autres fois, avec un seul nul arraché en mars 2012.
Pour en savoir plus sur l’origine du derby, on vous renvoi à notre article: Prazské derby, le derby des S praguois

Le match

Champion en titre, le Sparta a commencé la saison sur les chapeaux de roue mais, depuis leur élimination en phase de qualification de Ligue des Champions par une équipe de Malmö pourtant inférieure, la carburation a sensiblement ralenti et les joueurs de Plzen leur sont passés devant en tête de la Synot Liga.
Dans le même temps, le Slavia, qui avait fini la saison dernière à une piteuse 13e place (sur 16 clubs), a connu une résurgence inattendue en début de saison avant de, eux aussi, connaître un sérieux coup de moins bien puisque les “Sešivani” (les “Cousus”, en référence à leur maillot aux deux pans rouges et blancs qui se rejoignent au milieu) sortaient de 3 défaites consécutives avant ce derby.

Un beau ciel bleu, un soleil couchant et une température fraîche pouvait nous laisser penser à un match agréable et c’est plutôt l’ennui qui a été servi aux 16000 spectateurs lors de la première mi-temps.

Avec un Sparta gardant la maîtrise technique du jeu mais désirant surtout ne pas encaisser de buts et un Slavia évoluant en contre, le premier acte n’a que peu d’intérêt. Vacha est le véritable Gattuso du Sparta, réorientant les ballons sur les côtés vers des Hušbauer, Krejči ou Dočkal peu décisifs dans leur dribbles. Ils sont aidés sur le côté gauche par les montées de Costa, ex-international zimbabwéen, mais Lafata, l’avant-centre, n’a aucune occasion à se mettre sous la dent. Véritable danger ambulant lorsqu’il est sur un terrain, il est surveillé comme le lait sur le feu par Martin Latka, le défenseur du Slavia et sosie de Marcin “The Polish Hammer” Gortat, le pivot polonais des Washington Wizards. Chez les Rouge et Blanc, l’arrière-droit Dobrotka nous laisse à penser qu’il a travaillé ses centres avec Bacary Sagna tant ils n’arrivent jamais à la bonne destination. Cadeau-bonus, il en fait de même sur les rares opportunités de contre-attaque que son équipe obtient… Au milieu, Aldo Baez, malgré une technique qui semble très bonne, nous rappelle les méfaits des asado sur la condition physique des footballeurs argentins dans le monde. Bref, le 0-0 est de rigueur lorsque les 22 acteurs rentrent au vestiaire. Mon voisin, supporter du Sparta, résumant la situation d’un parfait : “J’espère qu’il va y avoir un but, on s’emmerde…”

Pourtant, si le spectacle n’a pas été à la hauteur sur le terrain, les deux kops se sont chargés de mettre l’ambiance. Reste à savoir si elle était vraiment bonne…

Cirkus_Eden_petit
Si l’animation Cirkus Eden est de bon aloi et devait surement être un hommage aux centres et ouvertures de Dobrotka, les supporters du Slavia n’hésitent pas à sortir une bannière “Sparta – 10 titre de Champion sous les Communistes” avec les trois lettres “KSC” du parti communiste tchécoslovaque brandies par les spectateurs. Un tifo que Georges Marchais aurait peut-être apprécié mais qui l’est beaucoup moins ici, tant ces trois lettres rappellent des heures bien sombres.

KSC_petit

Jamais en reste, le même kop se permet de brandir quelques minutes plus tard “Slavia – 4 fois Champion sous le Protectorat”, référence à la période 39-45 où les deux clubs jouaient le championnat de Bohême-Moravie lors de l’occupation de leur pays par les Nazis. Le bon goût, toujours…

Protektorat_petit

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On ne sait pas si mon voisin de tribune est allé donner un petit discours de motivation aux joueurs à la mi-temps (revenu avec une bière à la main, j’en doute fort…) mais les deux équipes rentrent avec d’autres intentions en seconde période. L’entrée de Tiemoto Konate sur le côté droit du Sparta leur procure un véritable perce-muraille et porte le jeu vers l’avant.

But_Lafata_petit

Et sur un corner, à la 50e, David Lafata délivre un coup de tête décroisé exquis qui vient se loger dans le petit filet adverse. Le but nous permet de découvrir alors le réel nombre de supporters du Sparta “infiltrés” dans les tribunes du stade qui ne se cachent pas pour exprimer leur joie. Ils y croient encore plus lorsque le Sparta se voit accorder un penalty quelques minutes plus tard pour une main pas forcement évidente… Lafata ne fait pas le taf et envoie la balle sur la barre transversale. Ce coup du sort met le feu au stade, littéralement…

pyro_petit

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On croit avoir vécu le tournant du match et les occasions que se procurent le Slavia laissent à penser que ce derby va se terminer en match nul. Mais Bicik, la gardien du Sparta, sort des arrêts incroyables et, quand il ne le fait pas, les attaquants s’arrangent pour viser les panneaux publicitaires plutôt que les filets adverses… Ce n’est donc pas une surprise de voir Lafata rajouter un deuxième but à 10 minutes du terme sur un centre de la gauche où, au milieu de deux défenseurs, il est celui qui parvient à pousser le ballon au fond.

Les chants de soutien ne s’arrêteront pas jusqu’à la fin du match mais les supporters des tribunes latérales commencent déjà à quitter l’arène, déçus et vexés de ne pas avoir pu ramener, au moins, un petit point de ce match. Une fois le coup de sifflet final donné, les deux équipes se dirigent vers leurs kops respectifs, les joueurs du Sparta les bras levés et sourires aux lèvres, ceux du Slavia têtes baissées et déception sur les visages. Les deux équipes sont pourtant célébrées avec le même entrain par leurs supporters. Des “Prazsky S”, il y en aura toujours d’autres à gagner…

Celebration Slavia_petit
Un grand merci à Benoit Jamet pour cette article, n’hésitez pas à le suivre sur Twitter.

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