Temps de lecture 13 minutesOn a discuté avec Gilles Domoraud, ancien du Panionios et de l’Aris Salonique – partie 1

Dans la famille Domoraud, il y a Cyril, l’aîné, passé notamment par l’OM et les deux Milan, entre autres. D’autres, du côté de Sochaux ou du Mans, se souviendront de Jean-Jacques, le benjamin. Et entre ces deux footballeurs pros se nichent un troisième Domoraud, bien connu en Grèce : Gilles, arrivé à l’Apollon Kalamarias, en D2, au sortir de sa formation strasbourgeoise. Dans cette première partie, il évoque son arrivée à Kalamaria en D2, après sa formation à Strasbourg, mais aussi son passage au Panionios, la Coupe UEFA, le président Beos et ses souvenirs au PAS Giannina. Entretien.

Tu es né à Man, en Côte d’Ivoire. Comment s’est passée ton enfance, et quelle place occupait le foot dans tout ça ?

Mon rapport au football était simple : je suis issu d’une famille de sportif, surtout mon père. Il a un établissement scolaire où il a instauré un sport-études. Depuis tout petit, avec mes frères, on assistait aux entraînements et aux matchs de l’équipe de mon père, le lycée Émile Domoraud. Nous étions imprégnés dès notre enfance. Et on jouait avec eux de temps en temps. Je pense que c’est à partir de là qu’on a commencé à vraiment aimer ce sport.

En plus, tes deux frères, Cyril et Jean-Jacques, ont été footballeurs pros eux aussi. C’est assez rare…

Cyril et Jean-Jacques ont eu une plus grande carrière que la mienne, surtout Cyril, puisqu’il a joué dans de grands clubs européens. Jean-Jacques aussi, qui était à Sochaux et au Servette, avant de terminer sa carrière en Belgique. Comme je le disais, on a un peu suivi l’exemple de papa qui, avant d’être fondateur de l’école, a joué au foot en Côte d’Ivoire à un petit niveau.

Quels étaient les rapports avec eux pendant ta carrière ? Des conseils, ce genre de choses ?

On s’entraidait. Surtout Cyril, qui nous donnait pas mal de conseils, puisque c’est l’aîné. Quand on avait des petits coups durs, il était toujours là pour nous. Et notre père, de loin, en Afrique, suivait nos carrières de près.

Comment s’est faite ton arrivée en France ?

Je suis arrivé en 90, j’avais 11 ans à cette époque. Ma mère nous a installés à Orléans, chez sa soeur. C’est là que j’ai commencé à jouer dans un petit club,  qui s’appelait Saint-Jean de la Ruelle. À partir de là, Strasbourg m’a détecté et envoyé une invitation pour que j’aille faire un essai. Il s’est avéré concluant, et j’ai signé mon premier contrat à 13 ans, en 1992. J’y suis resté jusqu’en 2000. Sur la fin, j’ai même fait quelques bancs en Ligue 1.

Puis tu files en Grèce en 2000, à l’Apollon Kalamarias, alors en D2. Comment ça s’est fait ?

Claude Leroy arrive à Strasbourg en 1999. Il me prenait de temps en temps sur le banc, mais j’étais stagiaire 3 et il fallait que je signe pro après. Il m’approche en m’expliquant que pas mal de jeunes avaient déjà signé, et me proposait de rebondir ailleurs, en disant qu’il avait un ami qui avait un club en Grèce. Nous étions trois joueurs à avoir été approchés de la sorte. Et j’ai dit pourquoi pas, sachant qu’à Strasbourg, je faisais plus de bancs qu’autre chose, et je n’aurais pas eu l’opportunité d’être titulaire. J’avais cette petite chance qui s’offrait à moi. Bon, c’était en D2 et en Grèce, dans un championnat moins élevé qu’en France, certes. Mais je me suis dit que je pouvais tenter ma chance là-bas. C’est comme ça que ça s’est fait. Nous y sommes allés à trois, avec Mehdi Benamar et Mehdi Himeur. Arrivés en Grèce, ça s’est très bien passé. On a fait une semaine d’entraînement, tout le monde était convaincu, et on nous a proposé de rester. À partir de là, ma carrière en Grèce a débuté.

Kalamaria, c’est tout près de Thessalonique. Qu’est-ce que tu connaissais de l’Apollon ? Pas grand-chose, j’imagine.

Pas du tout ! Je ne connaissais rien de la Grèce. On avait un joueur, Karim Mouzaoui, qui avait évolué avec nous à Strasbourg et qui y était déjà depuis un an. À notre arrivée, il nous a beaucoup aidés, parce qu’il y avait la barrière de la langue. Il fallait parler un peu grec, ou un peu anglais. Nous, on ne parlait ni l’un ni l’autre. Il faisait un peu office de traducteur.

À cette époque, peu de joueurs français ou francophones tentaient leur chance en Grèce. Tu as été un précurseur un peu, non ?

Voilà, exactement. Mehdi et moi, avec Karim, nous étions dans les premiers à faire ce choix-là.

Tu fais deux saisons là-bas, de 2000 à 2002. Quels souvenirs tu en gardes ?

Quand j’arrive à Kalamaria, l’objectif était simple : il fallait monter en Première Division, parce que le club venait de descendre. La première année, ça ne s’est pas très bien passé. Mais la deuxième, on a loupé le coche sur la dernière journée, pour un point. Après, j’ai eu d’autres clubs qui m’ont contacté, avec la même ambition, notamment Kassandra, un club situé à côté de Thessalonique. J’ai signé là-bas pour deux ans, mais au bout de 6 mois, vu qu’il y avait un problème de salaire… Ils ne me payaient pas, on ne gagnait pas les matchs, et j’ai été approché par un club de première division, le PAS Giannina, où j’ai rebondi en signant pour deux ans et demi. Sur le plan football, ça se passe bien. Mais malheureusement, il y avait encore ce même problème de salaire. Pendant 4 mois, je n’ai rien reçu. Donc j’ai pris la décision de revenir en France, parce que j’avais cette opportunité avec, à l’époque, Robert Nouzaret qui était l’entraîneur de la Côte d’Ivoire et qui a fait jouer ses contacts en appelant le coach de Rouen, Yves Brécheteau. Il lui a parlé de moi, et il m’a fait venir. J’ai fait deux semaines d’entraînement avec Rouen, qui venait alors de monter en deuxième division. J’ai décidé de rester, et de signer deux ans.

Pour revenir à Kalamaria, quand tu es arrivé, tu as découvert un fonctionnement bien différent de celui que tu connaissais à Strasbourg ?

Ah oui. La France, c’est professionnel. Strasbourg, c’est un grand club. Et à Kalamaria, c’était différent, même si le président, à l’époque, était un Suisse-grec avec pas mal de moyens et il les mettait à disposition pour que le club devienne pro comme ceux en Suisse ou en France. Donc ça s’est bien passé, dans le sens où même si c’était évidemment différent, on était dans de très bonnes conditions. Contrairement aux clubs que j’ai connus après, Kassandra ou Giannina, où c’était vraiment deux mondes distincts, loin du professionnalisme que j’avais connu en France.

Concernant Kassandra, tu étais vraiment livré à toi même dans un club comme celui-là ?

Complètement. C’était ça. Il fallait vraiment être fort mentalement, et j’en ai connu pas mal qui ont craqué, qui sont repartis. Je me suis accroché, et la chance que j’ai eue, c’est que derrière, un club de première division me voulait à tout prix. J’y suis allé en espérant que ça se passe mieux à Kassandra. Sur le plan sportif, ce fut le cas, parce que je faisais de très bons matchs, et j’ai même eu une proposition d’un autre club, affilié à l’Olympiakos et sur Athènes en Première Division, dont le nom m’échappe (il s’agit de Chalkidona, comme il le précisera plus tard), ainsi que du Panionios. Mais comme j’avais Rouen qui était déjà intéressé, et que j’en avais marre de la Grèce, j’ai refusé ces deux-là.

Au PAS, tu fais ton premier match contre une belle équipe. Tu t’en souviens ?

Ouais, mon premier match était contre l’AEK, où on perd 3-1, ou 3-0, un truc comme ça. (2-0, pour être précis). C’était quelque chose qu’on découvre, avec une ambiance à la grecque, dans un pays où ils sont mordus de football. Un match compliqué, du coup les premières sensations ont été un peu drôles, parce que je débutais en première division, contre une grande équipe. Mais je ne suis pas sorti, et j’ai dû faire une bonne prestation parce qu’après le coach était content de moi, même si je n’ai pas fini la rencontre.

Tu as aussi pu évoluer contre de beaux joueurs, je pense notamment à Christian Karembeu, qui était alors à l’Olympiakos.

Il avait beaucoup de classe, un très bon niveau et était très intelligent, très ouvert. Il m’a beaucoup parlé pendant le match, même après. Il a vraiment joué son rôle de grand-frère, en me conseillant. Il m’a dit que c’était bien ce que je faisais, qu’il fallait que je continue comme ça. Qu’il ferait tout son possible pour parler de moi à l’Olympiakos dans le futur.

À ce moment-là, il y a, notamment au Pana, une vraie ossature de joueurs qui gagneront l’Euro 2004. Tu les pensais capables de faire un tel exploit ?

Ah non, pas du tout. J’étais loin de me douter qu’ils allaient faire ça. Le niveau n’était pas du tout le même avec celui de la France, c’était bien différent. Ce fut une grosse surprise pour tout le monde que la Grèce fasse un tel parcours en 2004.

Ce but contre le PAOK avec le PAS, en toute fin de match, tu t’en rappelles encore aujourd’hui ?

Ah oui ! (Il sourit). C’était un match décisif : il fallait le gagner pour rester en première division. On était tous remontés à bloc. Et je me souviens du but : il ne restait plus grand-chose à jouer, à dix ou quinze minutes de la fin quoi. Une longue balle, une déviation de Thomas (Kyparissis) en profondeur et moi, avec la vitesse, je pars dans le dos de la défense. Le gardien sort, et j’ai le temps de placer une frappe dans la lunette. Derrière, c’est la joie. Tout le monde est content, et on gagne. À partir de là, tu te dis que tout est possible. On a pu se sauver, et en plus c’est moi qui marque.

À cette époque, dans l’effectif, on trouvait pas mal de joueurs de l’Est, quasiment une dizaine. Comment on gère ça ? L’anglais comme lien ?

Oui, beaucoup d’anglais entre nous. Beaucoup de respect, malgré le fait qu’on ne se comprenait pas tous. Mais on savait dans quelle direction il fallait aller. Et puis moi, ça m’a permis de connaître les joueurs de l’Est. En France, à Strasbourg, nous en avions deux quand on était en jeunes. En tant que professionnel, j’ai vu que jouer avec eux demandait beaucoup de professionnalisme, parce que ce sont de gros bosseurs. Ce fut une belle expérience.

Ce sont des gens avec qui tu as pu rester en contact ?

Tout à fait. Je suis toujours en relation avec certains que j’ai côtoyés au Panionios, et qui sont aussi agents de joueurs. De temps en temps, on s’envoie des messages, ou des demandes sur des joueurs et des clubs. On se fait quelques petites passes (rires).

Ioannina, la ville, t’as plu ?

C’était une ville un peu particulière, dans le sens où c’est dans les montagnes, à moitié un village, en fait. Très chaleureux, où les gens étaient vraiment derrière l’équipe de la ville. À tous les matchs, le stade était rempli, avec des supporters vraiment près des joueurs. Ils n’étaient pas méchants, parce que même quand on perdait, ils nous encourageaient. C’est une ville que j’ai beaucoup aimée.

Tu évoquais ton retour en France, à Rouen, en 2004. Tu en avais marre de la Grèce, du coup ?

Voilà. J’en avais un peu marre, et j’ai eu cette petite chance, cette opportunité de rebondir en France, à Rouen. Je me suis dit qu’il fallait la saisir, pour pouvoir enfin m’exprimer dans ce pays. Malheureusement, ça ne s’est pas bien passé, parce que j’ai connu pas mal de difficultés, et nous sommes descendus en National. J’avais deux ans de contrat, mais ça ne m’intéressait pas de jouer à ce niveau. Derrière, le Panionios me recontacte, et je retourne une fois de plus en Grèce.

Avec Rouen, tu fais une deuxième descente de suite, non ?

Non, avec Giannina on s’était sauvé de justesse. Mais le club était descendu après, à cause de problèmes financiers. En gagnant face au PAOK, on avait accroché le maintien. Mais quelque temps après, il y a eu cette décision, parce que le club devait tellement d’argent aussi à certains joueurs qui avaient porté réclamation auprès de la FIFA… C’est suite à ça qu’il y a eu la descente.

Tu dis que tu n’étais pas à ton niveau, mais tu as tout de même fait une trentaine de matchs à Rouen.

Quand je dis que je n’étais pas à mon niveau, c’était parce que je ne me sentais pas vraiment bien. Je ne pense pas avoir donné le meilleur de ce que je pouvais faire à Rouen. Si j’avais évolué au niveau que je me connais, j’aurais sans doute pu rebondir ailleurs en France.

Quand l’offre du Panionios arrive, comment l’as-tu accueillie ? Tu avais d’autres offres ?

Je n’avais pas beaucoup d’autres offres. Seulement quelques-unes qui venaient de la Grèce, et notamment de Panionios, de l’Aris, et puis de Chalkidona, une petite équipe dont le président était très ami avec celui de l’Olympiakos. Pourquoi j’ai choisi le Panionios ? Parce que le président Beos m’a appelé personnellement, en me disant qu’il comptait sur moi. Le club jouait aussi les préliminaires de la Coupe UEFA, qui n’était pas encore l’Europa League. J’ai signé pour deux ans, et j’ai décidé de partir après la première année.

En débarquant là-bas, est-ce que tu as eu conscience d’arriver dans l’une des institutions du pays ?

Au départ, j’avoue que je ne le savais pas. Mais quand je suis arrivé, je me suis rendu compte de l’ampleur, de la grandeur de ce club-là. Surtout les supporters, qui étaient des fanatiques. Et c’est après que j’ai appris l’histoire, donc je me suis rendu compte que j’étais dans une équipe assez mythique au niveau du championnat grec.

Par rapport à Thessalonique, comment as-tu perçu la ville d’Athènes ?

C’était beaucoup plus grand, plus aéré, avec la mer. Cosmopolite, en plus. Mais à choisir entre Athènes et Salonique, je préfère quand même Salonique, parce que c’est plus petit, plus chaleureux, plus familial et convivial. J’étais plus à l’aise, parce que j’y avais passé plus d’années, et que je connaissais mieux.

Au Panionios, tu te débrouilles en grec un peu ? Ça faisait déjà quelque temps que tu étais au pays.

Oui, là, je parlais un peu. J’arrivais à me faire comprendre, et je comprenais le grec. C’est une langue qui est très difficile. Grâce à Karim, qui parlait couramment grec, j’ai pu très vite m’adapter. À ses côtés, on a beaucoup appris. Des petits mots par ci et par là, et je me suis rendu compte qu’au bout de six mois, je n’arrivais pas trop mal à me faire comprendre. Avec pas mal de fautes, certes, mais j’y arrivais.

En Europe, vous affrontez l’Udinese en éliminatoires de la Coupe UEFA, en septembre 2004. À l’aller, à domicile, vous l’emportez 3-1. Gros souvenir, j’imagine ?

Tout à fait. C’est un match que je ne peux pas oublier, parce que c’était mon premier en Coupe d’Europe. On joue contre l’Udinese, une des équipes italiennes au top. Ce fut un match très difficile, mais le stade était plein, avec les supporters derrière nous. On n’avait pas le droit à l’erreur. On a joué à fond. Même si, en face, c’était supérieur, avec la volonté et la rage, nous sommes arrivés à gagner 3-1.

Là, tu t’es dit que ta carrière était au niveau auquel tu voulais qu’elle soit ?

À partir de là, on s’est dit : « Maintenant on y est, il faut y aller. » Profiter de chaque instant comme si c’était le dernier, parce qu’on ne sait pas de quoi demain sera fait. Donc j’ai vraiment profité de chaque instant, chaque match passé au Panionios.

Au retour, vous perdez 1-0, suffisant pour se qualifier. Ce n’est pas loin d’être l’un des plus gros exploits du club…

En Europe, oui. Au retour, ce fut très très compliqué. (Il souffle) Ce match, on le rejoue 10 fois, on se fait éliminer 9 fois. Ce jour-là, on n’a pas eu une occasion. Eux, ils en ont eu au moins 15 ou 20, avec des poteaux, des barres, machin, tout ce que vous voulez. Il fallait deux buts, ils n’en ont mis qu’un seul. Et on est passé.

Le tirage vous donne Newcastle, le Sporting, Sochaux et le Dinamo Tbilissi, comment tu avais vécu la chose ?

C’était l’objectif de passer ce premier tour. Malheureusement, on a eu un tirage plutôt compliqué. En plus, à cette époque-là, il y avait une formule assez spéciale. On a joué un seul match à l’extérieur… En fait, ce n’était pas en aller-retour, mais une formule différente de celle actuellement. On reçoit Newcastle et Tbilissi, et on sort pour jouer à Sochaux. À Newcastle, on perd à la dernière minute, sur un penalty. Tbilissi, on gagne chez nous. Et il fallait venir à Sochaux. Si on faisait un nul ou une victoire, on passait. Malheureusement, on perd 1-0 là-bas.

De cette campagne, quels souvenirs tu garderas ? Des ambiances, des joueurs…

Je garde de très bons souvenirs de tous ces moments, ces matchs-là. Honnêtement, c’est ce qui me manque le plus. Alan Shearer, mais aussi, plus globalement, des joueurs comme Djordjevic… (Il hésite) J’ai un trou de mémoire, je réfléchis. Beaucoup de personnes m’ont marqué, notamment des coachs comme Nikos Anastopoulos. Des joueurs comme Mantzios, qui a fini en équipe nationale après. Nikos Spyrópoulos. Des jeunes qui étaient avec moi au Panionios, et à qui je prodiguais des petits conseils.

À ce moment-là, deux jeunes sont aussi dans l’effectif du Panionios : Maniatis (17 ans), et Tziolis (19 ans). Tu les voyais aller si haut ?

Honnêtement, pour Maniatis, non, je ne pensais pas. Mais Nikos Spyropoulos, oui. Mantzios, aussi. Ces deux-là, ils avaient quelque chose de plus que les autres. J’étais convaincu qu’ils iraient loin. Et puis bon, je ne me suis pas trompé. La preuve en est : ils ont joué en équipe nationale.

Tu évoquais le match de Tbilissi. Cette victoire a beaucoup fait parler, avec une enquête de l’UEFA dessus pour des soupçons de match truqué. Que peux-tu en dire ?

Honnêtement, on était loin de ça, au courant de rien du tout. C’était un match qu’on a préparé comme tous les autres. Et après, on était tous surpris que certains disent qu’il ait été truqué. Il y a des enquêteurs qui sont même venus questionner certains joueurs, ce qui n’a pas été mon cas. Mais certains ont été convoqués, et ont dû subir des interrogatoires. En tout cas, on n’était au courant de rien.

Comment on fait face à ce genre d’accusation ? Ce n’est pas forcément habituel…

Tout à fait. C’est difficile. Et puis il y a la crainte. On se demande ce qu’il se passe, pourquoi tant d’acharnement. On a quand même passé une semaine, voire deux, un peu compliquées, où c’était tendu, très tendu.

Le président Beos avait, et a toujours une réputation très sulfureuse. Comment était ta relation avec lui ?

Beos, c’était vraiment quelqu’un de très gentil. Seulement, avec lui, il fallait gagner tous les matchs. Ce qui était quasiment impossible, parce que ceux contre l’Olympiakos et le Pana… Ils avaient un niveau supérieur au nôtre. Donc quelqu’un de très gentil, mais qui pétait facilement les plombs dans le vestiaire.

Il fallait être fort mentalement avec ce genre de président ?

Oui. Il fallait être très très fort dans la tête. Ce n’était pas facile pour tout le monde, y compris pour moi. Quand je suis arrivé au Panionios, au début, j’étais tout gentil. Mais dès qu’on perdait le match, c’était quelqu’un de différent. Il était capable d’insultes dans le vestiaire, il nous mettait minable. Donc il fallait être solide pour pouvoir continuer, parce que derrière, quand on te met minable et que tu n’es pas fort, tu ne peux pas rebondir. Certains joueurs sont partis au bout de quatre mois. Ils n’arrivaient plus à jouer. Ils avaient des blessures parce que dans la tête, ils avaient tellement peur.

Cette saison 2004-2005, c’est l’une des meilleures de ta carrière ?

Non, je ne dirais pas ça. Ce fut la première expérience européenne. C’est vrai que j’ai passé de bons moments au Panionios, mais j’avais quand même deux ans de contrat, et au bout de la première année, j’ai voulu partir, justement par rapport au comportement du président Beos, qui pétait les plombs par-ci par-là. Moi, je ne pouvais pas jouer avec autant de pression, parce qu’à chaque fois, c’était des insultes, des trucs. Et j’ai préféré aller le voir en fin de saison, pour essayer de voir comment on pouvait s’arranger. Il a compris ce que je lui ai dit, et on a pu s’entendre pour résilier mon contrat.

Pour en jouer en Grèce, il faut de la personnalité ?

Ah oui ! Surtout à cette époque. Il fallait avoir du répondant. Sinon, le président te bouffe. Il te bouffe cru. Lui, il a juste une envie : gagner tous les matchs. Et faire un peu d’argent. Le reste, il s’en fout. Que tu sois dans de bonnes conditions ou pas… Ce qui l’intéresse, c’est son équipe. Des présidents comme Beos, j’en ai connu un autre sur mon deuxième passage à Giannina. C’était vraiment difficile.

Dans la deuxième partie : son passage à l’Aris, son match contre Totti, les fans de la Super 3, son retour au PAS Giannina, et sa fin de carrière en Suisse.

Martial Debeaux


Image à la une : © THOMAS WIRTH / AFP

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