Au contraire des coachs serbes, les coachs slovènes sont très peu représentés à l’étranger. Il en est pourtant un qui a fait parler de lui à l’étranger. Son nom ? Ivo Sajh, dit Coach Ivo. En plus de ses expériences en Afrique et en Asie, l’homme a écrit un livre sur la préparation de footballeur, a préparé un programme de développement sur six ans pour le football asiatique, a été récompensé par la FIFA pour sa contribution au développement du football en Asie, a donné l’idée de la coupe des Confédérations ou a inventé un nouveau système tactique, le 1-2-2-1-1-1-2 pouvant se muer en 2-2-2-1-3 en phase offensive.

Désormais aux Tuvalu – Les Tuvalu sont un État et un archipel polynésien indépendant depuis 1978-, Coach Ivo tente de faire intégrer le minuscule pays à la FIFA. Entre deux lettres pour l’OFC et la FIFA, il a accepté de répondre à nos questions.

Afin de vous planter le décor, notez que cet entretien a dû se faire exceptionnellement par écrit, les communications téléphoniques et internet aux Tuvalu étant quelque peu capricieuses.

Coach Ivo, comment était le football slovène avant l’indépendance ?

Le football slovène était construit sur des bases amateurs, car seuls deux clubs avaient des équipes professionnelles : Maribor et Ljubljana. C’est à partir de l’année 1992 que les autres clubs décidèrent d’avoir des joueurs professionnels. Cependant, c’était un gros challenge pour tous ceux qui étaient impliqués dans le football slovène. Probablement trop gros puisque nos clubs n’ont pas connu de succès sur la scène internationale.

Si on compare avec les temps modernes et cette année 2017, la Slovénie a amélioré ses standards. Bien sûr, les clubs n’ont toujours pas de bons résultats internationaux, car les meilleurs jeunes partent dans des académies en Italie, en Angleterre ou en Allemagne. C’est bien pour leur progression. Pour différentes raisons, les clubs slovènes ne font pas tout à 100% pour les conserver et améliorer la formation.

Au final, on peut voir que les clubs n’arrivent pas à dépasser les tours préliminaires des Coupes d’Europe. Je pense que les coachs ne sont pas assez qualifiés, bien que la Fédération fasse son maximum pour leur apprendre comment travailler dans le football moderne. Malheureusement, pour les coachs slovènes, c’est quasiment impossible d’avoir un travail à l’étranger. Le peu d’entraîneurs slovènes qui ont tenté leur chance à l’étranger, que ce soit en Angleterre, Allemagne, Iran, Émirats, Grèce, Japon ou même en Chine, ont été virés très rapidement.

« J’ai ramené avec moi trois joueurs russes et surtout un psychologiste : Rudolf Zagaynov, un ancien psy à la Coupe du Monde d’échecs. »

Vous avez donc commencé votre carrière au pays après un petit passage par la Russie.

J’ai commencé ma carrière de coach en 1978 avec la petite équipe du FC Dobrova. Nous étions en troisième division slovène. Bien entendu, nous étions totalement amateurs. Puis, je suis parti étudier à Moscou où je suis devenu conseiller à l’Asmaral Moscou pour ma première expérience à l’étranger. Je suis revenu en Slovénie en 1994 pour entraîner Beltinci. C’était quelque chose de nouveau ici, car j’ai ramené avec moi trois joueurs russes et surtout un psychologiste : Rudolf Zagaynov, un ancien psy à la Coupe du Monde d’échecs. Et nous avons eu de très bons résultats, les meilleurs de l’histoire du club.

Pour l’anecdote, l’Asmaral a joué en Russian Premier League après la chute de l’Union soviétique et notre propriétaire, Hussam Al-Khalidi, était irakien. Il a renommé le club en Asmaral qui est une référence à ses enfants, Asil, Mariam et Alan, ce qui donne Asmaral si l’on additionne les premières lettres de ces derniers. Par la suite, le club a retrouvé son nom de l’époque soviétique, le Presnya Moscou.

« Je me dis que l’Inde n’a pas suivie les étapes nécessaires pour aller vers une amélioration. Le plus gros problème du pays se retrouve être l’âge des joueurs, qui sont souvent plus vieux dans la réalité que sur leur passeport. »

Après Beltinci, débuta un long périple…

coach ivoMon premier contrat avec une équipe nationale était avec l’Inde en 1998. J’ai été nommé Directeur du coaching et coach national. Mais cette année-là a été très compliquée, car les officiels en place ne savaient pas ce qu’était le football… Quand je vois la situation actuelle et les résultats de l’équipe nationale, je me dis que l’Inde n’a pas suivie les étapes nécessaires pour aller vers une amélioration. Le plus gros problème du pays se retrouve être l’âge des joueurs, qui sont souvent plus vieux dans la réalité que sur leur passeport. On retrouve ce problème dans d’autres pays d’Asie et d’Afrique.

On voit quand même des améliorations, notamment au niveau de la ligue. Vous pensez qu’un modèle comme celui de la Chine est faisable en Inde ?

Je ne pense pas qu’avoir une ligue avec un grand nom soit important. Seuls le travail acharné et des programmes de développement pourront faire progresser le football indien. Dans ce pays, vous pouvez voir des stades pleins à Calcutta, mais améliorer le niveau global du football local, c’est une autre question. C’est encore cette même vision que je veux défendre. Il faut se donner, encore et encore, travailler dur, toujours plus, avec évidemment d’excellents entraîneurs pour faire avancer les choses.

Cela s’est-il mieux passé quand vous avez pris les rênes de la Birmanie ?

J’ai passé du très bon temps en Birmanie. J’ai eu la chance d’avoir de bons assistants. La discipline n’a jamais été un problème ici. À chaque fois que nous avions eu des problèmes, nous avons pu les éliminer avec la Fédération. Tous mes souvenirs du Myanmar sont bons. Et je pense que les joueurs travaillent toujours dur. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi ils n’ont pas encore élevé leur niveau de football. Peut-être parce qu’ils emmènent dans les clubs ou même à la sélection des coachs qui ne possèdent pas les compétences nécessaires. Ce n’est pas suffisant d’avoir un passeport australien, anglais ou brésilien pour faire progresser un football local. La philosophie prime sur la nationalité.

« Tu sais, que tu travailles pour un euro ou un million, les attentes sont les mêmes partout. Tout ce qu’ils veulent, c’est des résultats, même en offrant une poignée de riz. »

Vous avez connu vos plus grands succès en Afrique. Racontez-nous.

J’ai travaillé deux fois en Libye et deux fois au Nigéria. J’ai emmené le FC Kano Pillars (Nigéria) en demi-finales de la Champions’ League Africaine. Pendant ma période à la tête du club, cinq joueurs ont joué pour le Nigeria U21 dont Ahmed Musa, aujourd’hui à Leicester. Et en plus son âge était vrai ! J’ai quitté Kano, car ils n’ont pas prolongé mon contrat de travail. Et comme je n’avais pas très envie de voir la prison de l’intérieur…

Après avoir quitté Kano, j’ai eu des offres du FC Alaujelense (Costa Rica), mais quelques jours avant que je signe le contrat, leur président a démissionné. Le FC East Bengal de Calcutta m’a invité, mais j’ai refusé l’offre. D’autres solutions s’offraient à moi, mais tu sais, que tu travailles pour un euro ou un million, les attentes sont les mêmes partout. Tout ce qu’ils veulent, c’est des résultats, même en offrant une poignée de riz.

Venons-en à votre nouvelle expérience dans les Tuvalu, un archipel polynésien de 26 kilomètres carrés. Comment êtes-vous arrivés là ?

Le Président de la Fédération nationale, Soseala Tinilau, m’a convaincu. C’est bien entendu un gros challenge de faire quelque chose avec un pays de 10.600 habitants. Certains étrangers étaient venus dans le passé. J’ai entendu dire qu’un coach de l’équipe nationale avait réussi à collecter 5000 dollars pour chaque joueur afin de leur financer un voyage en Europe (pour un stage de trois mois aux Pays-Bas lorsque le néerlandais Leen Looijen était l’entraîneur, NDLR). C’est sûr que je ne pourrais pas prendre ne serait-ce qu’un seul euro aux joueurs ! Le niveau footballistique est très faible ici, les joueurs ne passent pas par un processus de formation académique ou à travers des équipes de jeunes. Le plus gros problème reste les installations. Malgré tout, les gens aiment le football qui domine le paysage sportif, au contraire d’autres îles du Pacifique.

Décrivez-nous votre travail.

Avec le président de la TNFA (Tuvalu National Football Association), Soseala Tinilau, nous voudrions améliorer les standards du football à Tuvalu. Cela semble très compliqué, mais avec l’aide de l’Oceania Football Confederation (OFC) et de la FIFA, nous pourrions le faire. Depuis 1987, Tuvalu souhaite devenir membre de la FIFA. On espère aussi que l’OFC arrêtera d’ignorer toutes les tentatives de la TNFA et qu’ils arrêteront de bloquer l’adresse e-mail de Soseala Tinilau. Dans tous les cas, le problème principal à Tuvalu est les installations. C’est pour cela que lorsque la TNFA deviendra membre de l’OFC et de la FIFA, via les injections de capital et de l’équipement nécessaire, la TNFA pourra construire des terrains (il n’y a pour l’instant qu’un terrain, sur l’île principale, NDLR). En janvier 2018, la TNFA construira sa propre Académie avec des catégories d’âge U-10, U-12, U-14, U-16, U-19 et U-21. Il ne faut quand même pas oublier que la population du Tuvalu s’élève seulement à 10.600 habitants.

Comment est votre vie à Tuvalu ? La Slovénie ne vous manque pas trop après tout ce temps à voyager ?

Ici, au Tuvalu, il fait chaud. Très chaud. Les gens sont très accueillants, très sympathiques. Bien entendu, mon pays me manque, mais c’est la vie, c’est le football. En Europe, c’est différent. Tu peux prendre ton vélo et en 20 minutes, passer de la France à l’Allemagne en passant par le Luxembourg. Ici, tu es éloigné de tout.

 

Merci à Coach Ivo pour sa disponibilité. Sachez qu’en attendant d’être membre de la FIFA, Tuvalu est membre de la CONIFA. Vous pouvez aussi aller plus loin sur les problèmes du football au Tuvalu en lisant cet article.

Damien F. / Toutes les images de l’article provienne de la collection personnelle de Coach Ivo.

1 Comment

  1. COLLINS 11 avril 2017 at 11 h 10 min

    pas mal, je crois kil faut de genre me type pour develloper le football togolais ki souffre de plusieurs maux

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