22 mars 2013. Un jour d’averse et de grisaille sur Budapest, qui est quand même heureuse de sortir d’un hiver continental avec des pointes à -20°C. La Hongrie reçoit la Roumanie au stade Ferenc Puskás, anciennement le népstadion, stade du peuple, le Wembley local qui peut accueillir 56 000 supporters. Seulement ce jour-là, personne n’est dans les tribunes pour supporter les magyars dans ce qui est l’un des plus gros derbies d’Europe centrale. Les tricolor hongrois, de rouge, blanc et vert vêtus, payent le comportement de leurs fans lors du match Hongrie-Israël, joué huit mois plus tôt.

Palesztina Palesztina Hej! Hej!

Le 15 août 2012, dans ce même stade, les locaux huent l’hymne israélien, célèbrent leur but par des saluts nazis et se réapproprient “qui ne saute pas n’est pas Hongrois !” en “Palesztina Palesztina Hej! Hej!”.

Ces incidents honteux ont conduit la FIFA à logiquement sanctionner la fédération hongroise de 33 000 € d’amende et le match Hongrie-Roumanie à huis clos.

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Ce sont des scènes malheureusement communes dans une Hongrie où les groupes nationalistes profitent de la moindre occasion pour faire parler d’eux. Et les stades de football sont l’endroit idéal pour cela.

Le climat était déjà délétère avant le coup d’envoi. Les autorités et les joueurs israéliens s’attendaient à des attaques comme l’avait confié l’entraîneur Eli Guttman. Et des doutes planent sur la bonne volonté de l’Etat hongrois pour les éviter. Surtout que la porte-parole de la police hongroise a minimisé les faits, d’après elle en effet : “il n’y a pas eu de menaces terroristes envers les footballeurs israéliens”…  Une étonnante absence de fermeté dans un pays qui a intégré l’Union Européenne en 2004.

Une Hongrie qui penche à droite

En Hongrie, l’extrême droite est une force politique majeure qui pèse beaucoup dans le débat public. Elle est surtout incarnée par le Jobbik, le “mouvement pour une Hongrie meilleure”, un parti politique nationaliste qui a recueilli 17 % des voix aux dernières législatives. D’autres organismes d’influence contribuent à la recrudescence de la haine et de l’antisémitisme organisés, comme le journal Magyar Hírlap, condamné pour des propos haineux à l’encontre des Tziganes et des juifs.

Mais le nationalisme n’est pas l’apanage de l’extrême droite, l’Union Européenne a d’ailleurs critiqué ouvertement la politique autoritaire du premier ministre actuel Viktor Orban issu de la droite traditionnelle. Le gouvernement oscille entre l’ouverture à l’Europe et une politique antidémocratique au détriment de son peuple et de la presse.

Avant Hongrie-Israël, génération 2.0 oblige, les réseaux sociaux ont fait office de terrain de jeu pour les groupes extremistes qui y déversent leurs thèses complotistes. Pour eux, c’est pour des raisons politiques que la Hongrie ne pouvait pas gagner ce match justifiant ainsi le piteux match nul de leur équipe. Le parallèle avec l’aranycsapat, l’”équipe dorée” de Hongrie des années 50, forcée de baisser sa culotte devant le colosse soviétique, ne tarde pas à être tracé.

Il est bien loin le temps des Magyars magnifiques qui ont enchaîné 46 matches sans défaite entre 1950 et 1956, portés par le légendaire Ferenc Puskás. Ces hongrois là ont révolutionné le football et faisaient la fierté de tout un peuple entièrement dévoué à leur cause. On reparlera dans de prochains articles de l’âge d’or du foot hongrois dont le point d’orgue a été la finale perdue face à l’Allemagne pendant la Coupe du Monde 1954. C’est l’entrée des chars soviétiques à Budapest en 1956 qui signera la fin de leur hégémonie sur le football mondial. A croire que la politique à toujours joué un rôle important dans le football en Hongrie

Vous l’aurez compris, entre gloire d’antan et problèmes politiques et sociaux d’aujourd’hui, il y a beaucoup à dire sur cette Hongrie du football, en positif comme en négatif. On pourrait rappeler que comme en Hongrie, la France est habituée à ce que la politique s’immisce dans le football, et dans les hymnes nationaux (Marie-George Buffet pourrait en témoigner). Le raccourci serait facile, et les problèmes trop différents pour être comparés, mais au moins, en tant que bons chauvins de Français, on peut toujours être content de se dire qu’il y a pire ailleurs…

Romain & Nicolas


Photo à la une : © AP Photo / Oleg Popov

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