Ce samedi 12 novembre 2016, l’équipe nationale de Moldavie joue son quatrième match des qualifications pour la Coupe du Monde 2018 à Tbilissi, face à la Géorgie. Avec le secret espoir d’engranger une première victoire en match officiel depuis le 2-5 infligé au Monténégro il y a de ça trois ans. Depuis, c’est la chute libre, que la Fédération Moldave de Football (FMF) tente de stopper avec les moyens du bord.

Un désastre sans nom

13 octobre 2013. Dernier match du groupe H des éliminatoires pour la Coupe du Monde 2014. L’équipe nationale moldave se rend à Podgorica, pour y affronter un Monténégro dont les chances de qualification viennent d’être réduites à néant quelques jours plus tôt. Au final, la surprenante et plantureuse victoire (2-5) permet aux Tricolorii de finir la campagne sur un 6/6 (après une victoire facile contre Saint-Marin) et laisse présager le meilleur pour la campagne de qualifications pour l’Euro 2016, autour des valeurs sûres Cebanu, Armaș, Gâțcan, Epureanu, Sidorenco et des prometteurs Dedov et Ioniță. « On a réalisé une surprise de taille. Mes joueurs ont très bien joué. Peut-être ont-ils joué le match de leur vie. Ils ont certainement produit la plus grande performance de l’histoire de l’équipe nationale moldave. Il est difficile d’expliquer combien nous étions heureux à la fin du match » expliquait le sélectionneur Ion Caras dans une interview à FIFA.com.

Alors qu’un an plus tôt, l’équipe avait très mal débuté sa campagne, jusqu’à atteindre une bien mauvaise 145e place au classement FIFA, le pire depuis 1994, Ion Caras avait réussi à insuffler un vent nouveau au sein d’une équipe qui n’avait au final aucune prétention à la qualification. « Après le troisième match, nous savions que nous n’avions aucune chance de rejoindre le Brésil, du coup on s’est concentré sur le développement de jeunes joueurs talentueux. Maintenant, on est sur la bonne voie. Avec le résultat de Podgorica, on se met à rêver de rejoindre la phase finale de l’Euro 2016. Nous attendrons de voir quelles équipes seront dans notre groupe » poursuivait-il. Après ces deux victoires au mois d’octobre, la Moldavie fait un bond record de 33 places au classement FIFA, pour atteindre la 96e place.

Armas et la Moldavie au-dessus du Monténégro ce soir-là | © FIFA.com
Armas et la Moldavie au-dessus du Monténégro ce soir-là | © FIFA.com

Mais les choses ont capoté par la suite, et très rapidement. Après une défaite inaugurale au… Monténégro (2-0), le Comité des entraîneurs exprime son mécontentement vis-à-vis du sélectionneur, tant par rapport aux résultats obtenus (avant la revanche de Podgorica, la Moldavie avait joué la bagatelle de neuf matchs amicaux en 2014, pour seulement deux victoires contre Andorre et l’Arabie Saoudite) que concernant ses futurs desseins. Deux jours plus tard, on apprend que Ion Caras a démissionné et la FMF d’annoncer déjà le nom de son successeur : Alexandru Curteian, en charge des Espoirs à l’époque. Alors que l’optimisme était de mise avant la campagne, les interrogations commencent.

Les deux premiers matchs de Curteian ne sont pas les plus faciles, il est vrai. L’Autriche gagne in extremis (1-2) à Chișinău tandis qu’un match nul arraché par Epureanu à Moscou, face au grand frère russe (1-1), laisse à penser que la campagne moldave est enfin lancée. C’est sans compter sur l’ignoble prestation face au Liechtenstein un mois plus tard. Une défaite 0-1 qui enfonce des Tricolorii en plein doute.


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Une défaite logique face à la Suède (0-2) fait ensuite le tour du monde suite à la bourde monumentale du gardien Cebanu, dont le dégagement ricoche sur le pif de Zlatan pour terminer au fond des filets… Quelques mois plus tard, les Tricolorii ne parviennent pas à redresser la barre face au Liechtenstein, concédant un match nul au goût de défaite (1-1). Les derniers matchs, à l’automne 2015, ressemblent alors à un chemin de croix. Défaites en Autriche (1-0) puis contre le Monténégro (0-2), qui entraînent la démission de Curteian, pour enfin conclure la campagne sur deux nouvelles défaites, en Suède (2-0) et contre la Russie (1-2) au terme d’un match assez chaud dans les tribunes, et avec un Ștefan Stoica provisoirement sur le banc.

2016 : vers le renouveau ?

A l’aube de l’année 2016, la Moldavie a chuté à la 155e place au classement FIFA, mais la FMF prend le taureau par les cornes : fini les seconds couteaux comme sélectionneur, et place à celui qui a réalisé la meilleure campagne qualificative de l’équipe nationale de Moldavie jusqu’ici, Igor Dobrovolsky. Légende de l’OM et surtout du Dynamo Moscou, il a remporté le tournoi olympique de 1988 sous les couleurs de l’URSS. Il a également évolué au Genoa, à l’Atletico Madrid ou au Fortuna Düsseldorf, avant de commencer une carrière de joueur-entraîneur puis entraîneur au Tiligul-Tiras Tiraspol, et de prendre les rênes des Tricolorii en décembre 2006. A cette époque, la Moldavie reste sur une médiocre forme de 1/12 dans son groupe qualificatif pour l’Euro 2008. Au final, elle parvient à gagner en Bosnie, à Malte et contre la Hongrie pour finir à la 5e place du Groupe C avec douze points, et atteindre le meilleur classement FIFA de son histoire, à la 37e place.

La campagne de 2010 est moins glorieuse. Au cours de celle-ci, Dobrovolsky quitte l’équipe nationale mais n’en continue pas moins de faire des miracles au pays en gagnant le titre avec le Dacia Chișinău, brisant ainsi l’hégémonie du Sheriff Tiraspol, puis en posant les bases du bref succès du Veris Chișinău (à lire: « L’incroyable ascension du FC Veris » sur ParlonsFoot). Du coup, l’annonce de son retour à la tête de l’équipe nationale permet de retrouver un optimisme depuis longtemps égaré, car lui connaît la maison et la clé du succès. « Cela me fait très plaisir de revenir en équipe nationale, déclarait-il lors de sa nomination. Je vous remercie pour le soutien. Je crois que l’équipe va de nouveau offrir un jeu beau et offensif, pour que les gens n’aient pas honte, ni du pays, ni des joueurs, et ce indifféremment du résultat. »

© FMF.md
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Il sait comment travailler avec l’équipe nationale. Nous avons discuté des joueurs. Nous devons recréer les relations avec les supporters et la presse, comme elles étaient jusqu’à maintenant. Nous devons commencer un nouveau parcours, avec des victoires en match amical – Pavel Cebanu, président de la Fédéeration, lors de la présentation du nouveau sélectionneur.

Les premiers signes d’encouragement arrivent dès les premières rencontres, avec un amical remporté contre Andorre après 18 matchs sans victoire, puis une prometteuse double confrontation en Croatie et en Suisse (défaites 1-0 et 2-1) tant les Tricolorii ont embêté deux outsiders du futur tournoi français. Les voyants sont donc au vert avant d’aller à Cardiff, en septembre. Mais patatra. Naïveté défensive, erreurs individuelles et supériorité claire de l’adversaire amènent une défaite 4-0 qui fait mal. Les deux matchs suivants, disputés à Chișinău contre la Serbie puis l’Irlande, donnent le même résultat : des défaites dues à des erreurs défensives évitables, malgré de réels progrès dans le jeu et dans la création de situations dangereuses comparé à la période Curteian – des progrès surtout observables face à l’Irlande.

Mais il est temps de parler de victoire, et non de progrès dans le jeu. La Moldavie est aujourd’hui située entre Tahïti et l’île Dominique, à la 173e place du classement FIFA, pour une fois très révélateur de la situation dans laquelle se trouve une sélection nationale. Les Tricolorii sont au fond du trou et se doivent de redresser la barre face à l’adversaire le plus abordable du groupe. La place de Dobrovolsky est également en jeu, après que certains ont sous-entendu une démission imminente suite à la défaite contre la Serbie. Surtout que, concomitamment à la nomination du sélectionneur, c’est la FMF toute entière qui tente de raviver la flamme autour de l’équipe nationale.

Les efforts de la Fédération

Ainsi, la Fédération a mis les bouchées doubles pour aider la sélection à retrouver un niveau conforme à son potentiel tout en réintroduisant de l’enthousiasme en sa faveur. Cela a débuté par le choix d’Igor Dobrovolsky, puis par le choix des matchs amicaux de préparation des éliminatoires de la Coupe du Monde. En allant affronter la Croatie et la Suisse en juin dernier, les Tricolorii ont pu se mesurer à des sélections de très bon niveau et les joueurs moldaves ont engrangé une expérience bienvenue.

Avec les bonnes saisons de la colonne vertébrale de l’équipe (Epureanu, Gâțcan, Ionița), l’optimisme était alors de mise avant de recevoir le Pays de Galles. De plus, face à l’impossibilité de reconstruire un vrai stade national depuis la destruction du Stade Républicain, la fédération a obtenu cet été l’administration du Zimbru Stadion pour une période de dix ans. Le contrat est simple : le Zimbru ne paie pas pour y jouer, la FMF s’engage à rénover tribunes, gazon et alentours. Cela permet également d’organiser certains événements aussi lucratifs (concert d’Okean Elzy) que mobilisateurs, tel qu’a été le concert exceptionnel de Carla’s Dreams organisé le 5 septembre 2016 au sein de l’arène principale, avant la diffusion sur écran géant du match Pays de Galles-Moldavie. Entre Eroina et le 4e but inscrit par Gareth Bale sur penalty, la descente émotionnelle a été très rapide. Au final, la seule éclaircie du match vient du nouveau maillot national étrenné par les joueurs ce soir-là.

Car ce maillot aux motifs traditionnels, il provient d’une idée lumineuse de la fédération : un concours lancé aux supporters pour créer le prochain maillot de l’équipe nationale. Après une sélection des trois meilleurs projets envoyés, c’est via l’inébranlable Facebook que le vote s’est réalisé, et autant le dire tout de suite, le nouveau maillot a de la gueule. « Ma couleur préférée était le rouge et j’ai choisi celui du drapeau de la République. J’ai aussi essayé d’amener quelque chose de typiquement moldave sur le maillot national » mentionne le vainqueur du concours.

© facebook.com/FMFMoldova
© facebook.com/FMFMoldova

La prochaine étape est de le mettre – enfin ! – en vente disponible pour les supporters. Chose faite lors de la réception de la Serbie puis de l’Irlande, où la FMF apporte quelques nouveautés pour les spectateurs. Tout d’abord, et c’est une première en Moldavie, un entraînement ouvert au public a lieu quelques jours avant le match, et permet aux supporters des Tricolorii de rencontrer les joueurs, récupérer des autographes et faire les selfies de rigueur. Certains ont également la chance de recevoir des billets gratuits pour les deux matchs de l’équipe nationale ! Ensuite, fini les stands classiques de Lay’s et graines de tournesol avec le perco’ à même la table quand il fait frisquet. Non, de réels « Coins nourriture/boisson » sont aménagés, où il est même possible de se sustenter d’une portion de frite ou d’un hot-dog et, une fois n’est pas coutume en Moldavie, de recevoir un bon fiscal pour chaque achat effectué !

Enfin, sur les sièges des deux parcages principaux sont placés, avant les matchs, des posters de l’équipe nationale au dos desquels figure l’une des trois couleurs du drapeau national, afin que chacun les brandisse lors de l’entrée des joueurs dans le stade. Effet garanti, mais pas complètement, pour la simple et bonne raison que le stade n’est complet ni pour la Serbie, ni pour l’Irlande.

© FMF.md
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Une stratégie audacieuse mais sans effet sur le terrain

En effet, outre le fait qu’il ne s’agit pas de cadors européens, la fédération est également critiquée par les ultras pour l’augmentation substantielle du prix (100 lei au lieu de 80 lei précédemment, soit 5 euros au lieu de 4, environ). Dans un communiqué, les Oastea Fiară, groupe ultra du Zimbru Chișinău qui est le principal moteur des ultras de l’équipe nationale, indiquent que « certains employés de la FMF ont probablement perdu le sens des réalités. Nous tenons à leur rappeler que le niveau du football moldave est l’un des pires en Europe, et que la moyenne des spectateurs pour les matchs de championnat est une honte. Nous n’aurions rien contre ces prix si nous savions que cet argent était précisément investi dans le football moldave, dans les centres de formation plutôt que dans les grosses voitures des membres de la fédération ou dans des dépenses protocolaires exorbitantes ». Le groupe confirme alors son boycott et appelle les autres groupes du pays à faire de même.

Du coup, le public présent lors de ces deux matchs est certes composé de passionnés prêts à payer un prix assez élevé pour voir évoluer leurs couleurs, mais à moins qu’il y ait de grosses occasions, voire même un but (oui ! ça arrive ! Comme face à l’Irlande), l’ambiance est restée assez calme dans les gradins en l’absence des ultras, qui donnent souvent le ton pour l’ensemble des supporters. En espérant que le conflit qui les oppose à la fédération pourra être résolu pour les prochains matchs à domicile.

Puis, dernièrement, comme on vous l’avait déjà indiqué dans les Images de la semaine, la fédération a décidé de remodeler son identité même puisqu’elle a récemment changé son logo, pour un blason un peu plus épuré et stylisé qui apparaîtra sur les maillots de l’équipe nationale. Ainsi, le ballon est agrémenté d’un aigle, déjà présent sur le drapeau de la République et qui signifie « courage, victoire et puissance. » La FMF annonce également un nouveau site internet responsive d’ici la fin de l’année, ainsi que le lancement d’un magasin en ligne où les supporters pourront acheter divers objets relatifs à l’équipe nationale ainsi que les billets pour les matchs.

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© FMF.md

Bref, bien que la qualification semble impossible au vu des trois premiers matchs, il serait toutefois temps pour les Tricolorii de renouer avec la victoire, afin de récompenser non seulement le travail réalisé autour d’eux par la fédération mais surtout de renouer un lien avec leurs supporters, qui serait davantage inexistant sans les efforts de la fédération. Ainsi, ce samedi, c’est dans un bar bien connu de la capitale (Draft Arena, proche du Zimbru Stadion) que la FMF organise un petit événement pour suivre le match Géorgie-Moldavie sur grand écran et offrir un programme artistique tout en organisant une préface du match sur place et des jeux concours pour les supporters qui répondent présents. Une nouvelle initiative bienvenue parmi tant d’autres (on peut encore citer les rencontres avec les joueurs, comme le capitaine espoir Dan Spataru avant Moldavie-Belgique espoirs, ou le Questions/Réponses avec Gatcan, via Facebook, cette semaine), mais qui tardent à trouver leur nécessaire complémentarité avec les résultats de la sélection nationale.

Toutes proportions gardées, rappelons-nous de l’élan marketing opéré par la Fédération Belge de Football lors de la campagne qualificative pour la Coupe du Monde 2014. Un savant mélange d’initiatives mêlant une présence accrue sur les réseaux sociaux depuis l’arrivée de Wilmots (les fameux « défis des diables ») et se concrétisant dans « le monde réel » avec des supporters qui jouent le jeu et un stade plein à chaque match, culminant même avec des écrans géants dans toutes les villes du pays pour célébrer la victoire en Croatie et la qualification qui va avec. Les résultats obtenus par les Diables Rouges lors de cette campagne ont sans aucun doute joué sur la popularité de l’équipe nationale, qui jouissait jusqu’alors d’un intérêt relatif voire d’un certain mépris suite aux années moroses qui ont caractérisé ses performances dans les années 2000.

Epureanu, Armas et Gatcan lors de l'entraînement ouvert au public avant Moldavie-Serbie | © facebook.com/FMFMoldova
Epureanu, Armas et Gatcan lors de l’entraînement ouvert au public avant Moldavie-Serbie | © facebook.com/FMFMoldova

Comparaison n’est pas raison, mais nul doute que les ambitions de la FMF sont identiques et visent à rétablir ce lien qualitatif qui s’est perdu, lors de la précédente campagne qualificative, entre l’équipe nationale et ses supporters. La réaction des ultras prouve également que cette stratégie n’est pas non plus infaillible et doit surtout trouver du répondant sur le terrain. Or, déjà contre la Serbie une partie du stade scandait « Demisia » à l’encontre de Dobrovolsky, signe que malgré une amélioration dans le jeu et surtout dans la présence offensive des Tricolorii (cela dit, il est difficile de faire pire que l’époque Curteian), les résultats se font toujours attendre et seuls ceux-ci pourront réconcilier les Moldaves avec leur équipe nationale.

Les efforts sont donc à souligner mais restent voués à l’échec tant que la Moldavie n’arrivera pas à engranger une victoire, qui se fait attendre depuis octobre 2013. Le potentiel est là, la volonté de renouer avec également. La machine se remettra-t-elle en route à Tbilissi ? Réponse ce samedi dès 17 heures.

Thomas Ghislain


Image à la une : © facebook.com/FMFMoldova

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