Temps de lecture 7 minutesLes entraîneurs passent à l’APOEL

Mi-avril à quatre matchs de la fin, alors que le club de Nicosie s’approchait du titre avec quatre points d’avance sur le second, l’AEK Larnaca, l’APOEL a résilié le contrat de son entraîneur Temuri Ketsbaia. Il s’agit là du septième entraîneur viré depuis la saison 2013/2014. L’occasion pour nous de faire un récapitulatif et de comprendre les raisons de ces changements incessants d’entraîneurs.

Etat des lieux

L’APOEL, depuis son épopée européenne en 2012, survole le championnat chypriote. Il a d’ailleurs entre-temps remporté le week-end dernier son quatrième titre de champion consécutif. Au niveau européen, le club est convaincant. Ainsi, depuis 2012, L’APOEL a su se qualifier à deux reprises aux phases de groupe d’Europa League (2013 et 2015) et une fois pour celle de la ligue des Champions (en 2014) dans le groupe de la mort avec le Barca, le PSG et l’Ajax. Le club de Nicosie n’a pas pu faire mieux que de finir bon dernier. Mais concentrons-nous sur cette année. L’APOEL a mal commencé sa saison en se faisant éliminer par Astana en play-offs de la Ligue des Champions mais s’est rattrapé en prenant un départ remarquable en championnat. Après quelques faux pas et une « mini-crise », le club est tout de même premier avec quatre points d’avance sur le second, l’AEK. Mais le club connait alors un avril noir : trois matchs nuls en championnat et une élimination aux portes de la finale de la coupe. C’en est trop pour le club, qui licencie quelques jours plus tard l’entraîneur, présent depuis septembre, Temuri Ketsbaia malgré la position du club en championnat.

APOEL's Serbian coach Ivan Jovanovic smiles during a press conference at GSP Stadium in Nicosia on March 26, 2012 on the eve of his team's UEFA Champions League first leg quarter-final football match against Real Madrid. AFP PHOTO / JACK GUEZ (Photo credit should read JACK GUEZ/AFP/Getty Images)
Ivan Jovanovic |© JACK GUEZ/AFP/Getty Images

Sept entraîneurs remerciés en trois ans !

Aucun entraîneur n’est resté sur le banc une année entière depuis 2013. C’est par cette phrase qu’on peut le mieux résumer la situation de l’APOEL depuis ces quatre dernières années. Le commencement de ces « problèmes » remonte à septembre 2013, lorsque Paulo Sergio fraîchement promu entraîneur du club pour pallier le départ du mythique Ivan Jovanovic, qui a emmené le club chypriote jusqu’en quart de finale de ligue des champions un an plus tôt, est licencié à cause des mauvais résultats de l’équipe (élimination dès le troisième tour de qualification de l’Europa Ligue). C’est alors le grec Giorgos Donis qui le remplace. Sous ses ordres, l’équipe aura eu un parcours rassurant et a fait le doublé coupe-championnat. Il continue logiquement l’aventure chypriote la saison suivante mais il sera licencié en décembre 2014 à cause une nouvelle fois de mauvais résultats (élimination durant les phases de groupe de l’Europa Ligue). C’est au tour de l’allemand Thorsten Fink de prendre la place de coach de l’APOEL. Malgré un mois de janvier mitigé et une victoire en quatre matchs, il parvient à hisser l’APOEL à la première place mais les mauvais résultats reviennent à l’approche de la fin de saison et le club se sépare alors du technicien allemand. On en est à trois entraîneurs. Et ce n’est toujours pas terminé.

Apoel's head coach Temuri Ketsbaia arrives for the UEFA Europa League football match Cyprus' Apoel FC versus Czech Republic's AC Sparta Praha at the GSP Stadium in the Cypriot capital Nicosia on December 10, 2015. AFP PHOTO / GEORGE MICHAEL / AFP / GEORGE MICHAEL (Photo credit should read GEORGE MICHAEL/AFP/Getty Images)
Temuri Ketsbaia | © GEORGE MICHAEL/AFP/Getty Images

Pour les deux matchs restants, c’est un duo constitué de son adjoint et du directeur sportif qui officiera : Gustavo Manduca et Marinos Satsias. Fin heureuse pour eux, puisqu’ils ont gagné leurs deux derniers matchs, et l’AEL, qui bataillait alors pour le titre, a offert à l’APOEL un nouveau titre de champion de Chypre en faisant quelques faux-pas. Trois entraîneurs se sont donc succédé sur le banc au cours de cette saison 2014/2015. L’été suivant, le club recrute Domingos Paciencia, un ancien joueur emblématique du FC Porto, mais il sera démis de ses fonctions, seulement deux mois après son arrivée, à cause de l’élimination en C1 contre Astana. En septembre 2015, c’est donc Temuri Ketsbaia, ancien joueur et entraîneur de l’Anorthosis Famagouste et grand connaisseur du football chypriote débarque sur le banc du club de la Capitale. Il arrivera à rester un peu plus longtemps que ses collègues mais lui aussi est remercié en avril 2016. C’est finalement Giorgos Kostis et Marinos Satsias, toujours lui, qui prennent en charge le club et parviennent à gagner pour la quatrième fois consécutive le championnat.

Pour trouver le dernier entraîneur qui est resté une année entière sur le banc, il faut donc remonter à la saison 2012/2013 sous la houlette d’Ivan Jovanovic, qui est lui resté cinq saisons à la tête de l’équipe.

Pourquoi tant d’entraîneurs ?

Mauvais résultats et erreurs tactiques

Plusieurs raisons peuvent expliquer cette succession de licenciements.  En général, les mauvais résultats sont la première raison. Pour l’APOEL, qui a comme objectif de remporter le championnat et de se qualifier pour une compétition européenne chaque année, perdre des matchs en milieu de championnat n’est pas une bonne opération. En effet, la plupart des entraîneurs ont été virés après ce genre de défaites. C’est par exemple le cas de Paulo Sergio  qui s’est fait licencié au lendemain de la défaite à domicile contre l’Eintracht Frankfurt (0-3) en phase de groupe d’Europa Ligue après un mois de septembre fragile (deux victoires en quatre matchs de championnat). Pour d’autres techniciens, le licenciement est aussi la conséquence d’erreurs tactiques. Prenons l’exemple de Ketsbaia. Alors que l’APOEL était à quinze matchs sans défaites, si la direction a pris le risque de le licencier, c’est qu’elle s’étonnait, au même titre que les supporters, de certains choix du coach. Comme, par exemple, le fait d’avoir vu jouer Antoniades, défenseur de formation, jouer milieu offensif lors de la demi-finale retour de coupe.

Mais comme toujours, lorsque les entraîneurs sont changés avec un tel rythme, on peut légitimement se demander si les techniciens sont vraiment fautifs. Intéressons-nous alors à la gestion du club pour avoir un peu plus d’explication.

On ne parle pas vraiment de Fernando Cavenaghi dans cet article, mais on ne peut résister à son charisme | © NICOS SAVVIDES/AFP/Getty Images
On ne parle pas vraiment de Fernando Cavenaghi dans cet article, mais on ne peut résister à son charisme. Alors il est là. | © NICOS SAVVIDES/AFP/Getty Images

La responsabilité du président

La valse des entraîneurs a commencé en 2013 lorsque Prodromos Petrides est devenu président. Comme le rapporte le journal sportif chypriote Goal dans un article publié en avril, quatre entraîneurs (plus deux par intérimaires, non-mentionnés) sont passés sur le banc du club durant son mandat. Était-ce la même chose avant lui ? Pas vraiment. Son prédécesseur, Fivos Erotokritou, en poste de mai 2006 à décembre 2013, n’a lui licencié qu’un seul homme,  Marinos Ouzounides remplacé par Ivan Jovanovic durant la saison 2006/2007. Revenons à Petrides qui est actuellement en train d’effectuer un second mandat, son premier était avant Erotokritou, de 2001 à 2006. Et nous pouvons dire qu’il y a une forte ressemblance entre ses deux mandats. En effet,  huit entraîneurs ont alors été licenciés en cinq ans, soit, au total, en comptant les deux mandats, douze en sept ans et demi. De quoi se poser légitimement des questions sur la gestion de Petrides malgré le fait, rappelons-le, des titres de champion que l’APOEL gagne tous les ans.

Des supporters divisés

L’objectif premier de l’APOEL est de se qualifier en C1. Malheureusement, tous les ans, les Chypriotes éprouvent de grandes difficultés dans le jeu lors des tours préliminaires avec l’arrivée d’un nouvel entraîneur. En effet, lorsque ce dernier arrive en mai, il ne connaît pas forcément les composantes de son effectif, les qualités de ses joueurs et de son groupe et n’est naturellement pas dès plus à même de réaliser une bonne reprise. Reprise qui intervient très tôt pour le club, les matchs les plus importants se déroulant l’été. Ces changements incessants peuvent donc influencer grandement sur les résultats lors des matchs qualificatifs pour la C1, et donc influencer directement sur l’avenir du club. Les supporters ne sont pas toujours d’accord avec le président même si on peut noter une disparité dans les réactions comme on a eu l’occasion de le voir avec le licenciement de Ketsbaia.

APOEL FC supporters cheer their team on ahead of their UEFA Champions League group F football match against Paris Saint-Germain at GSP Stadium in the Cypriot capital Nicosia on October 21, 2014. AFP PHOTO/YIANNIS KOURTOGLOU (Photo credit should read Yiannis Kourtoglou/AFP/Getty Images)
© Yiannis Kourtoglou/AFP/Getty Images

Il suffit de voir les commentaires sur la page Facebook de l’APOEL pour vérifier le sentiment des supporters. Certains critiquent la direction du groupe et le président du club Petrides, d’autres se félicitent du licenciement de Ketsbaia. En regardant de plus près les différents commentaires, nous pouvons voir des supporters très critiques envers la direction du club et de son président : «Des incompétents (la direction, ndlr), c’est la première fois que j’entends qu’un entraîneur est viré après quinze matchs sans défaite» s’est écrié un fan. Un autre s’est dit choqué : «sept entraîneurs en trois ans. Et dans ces trois ans : deux doublés et peut-être un championnat cette année. Les gens de la direction, il est temps de changer pour vous aussi.» Enfin, un supporteur s’est indigné : «Ils n’ont pas honte, Ketsbaia a ramené l’équipe à la première place alors que le club était en situation de crise lorsqu’il est venu. Et maintenant vous le virez à quelques matchs de la fin du championnat ? Laissez-le au moins finir le travail qu’il a commencé avec l’équipe pendant l’année…» D’autres commentaires sont plutôt en défaveur de l’ex-coach : « Enfin il est parti ! Je suis sûr, vous allez voir un meilleur APOEL à partir de maintenant » a écrit un jeune supporteur. Un autre a lui aussi montré son soulagement face à l’annonce : «Enfin ! Si Ketsbaia était encore entraîneur, on aurait perdu le championnat.» Comme vous pouvez le voir dans ces diverses réactions, la décision de la direction n’a pas plu à tout le monde et a provoqué de vifs débats chez les suiveurs et amoureux du club.

Qui pour remplacer Ketsbaia ?

Plusieurs noms circulent déjà pour remplacer le désormais ex-coach. Le premier sur la liste est Thomas Christiansen, l’actuel entraîneur de l’AEK Larnaca qui quittera le club à la fin de la saison. Il n’a d’ailleurs lui-même pas exclu la possibilité d’aller entraîner un autre club sur l’île lorsque des journalistes avaient eu l’occasion de lui poser la question lors de l’après-match face à l’APOEL. Un entraîneur français est aussi intéressé par le club. Son nom ? Elie Baup. L’ancien entraîneur de l’Olympique de Marseille serait, d’après L’Équipe, en train de négocier avec le club chypriote. Mais Prodromos Petrides, le président du club, a expliqué dans une interview qu’ils n’avaient procédés à aucune recherche pour trouver la future personne qui s’assiéra sur le banc de touche du Pancyprian Gymnastic Association Stadium, et qu’il préférerait choisir un technicien connaissant le football chypriote.

Christiansen est donc bel et bien en position de prendre en main l’équipe pour la prochaine saison. Les joueurs de l’APOEL, eux, joueront déjà dans un peu plus d’un mois les tours préliminaires de la Ligue des Champions, nous devrions donc connaître très prochainement l’identité du nouvel entraîneur du champion de Chypre. La grande question est surtout de savoir combien de temps il durera dans le club de Nicosie.

Stéphane Meyer


Image à la une : © NICOS SAVVIDES/AFP/Getty Images

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