« Avez-vous déjà reçu des aides financières de fonds d’investissements en échange des droits économiques de vos joueurs ? » L’animateur de DigiSportSpecial (l’une des émissions sportives les plus populaires de Roumanie) Vali Moraru lit cette question sur son ordinateur portable à son célèbre invité, Gheorghe Hagi. Une manière de procéder choisie en urgence à la dernière minute par les reporters de ProSport. Durant les trois jours précédant l’émission, Hagi n’a pas répondu aux multiples coups de téléphone de l’équipe de journalistes. Il ne voulait pas parler de Cristian Manea – le défenseur de Viitorul vendu par Hagi en 2014 – et de son transfert secret vers l’Apollon Limassol.

Toute la profession journalistique roumaine ainsi qu’une dizaine de journalistes étrangers respectables pensaient que le joueur s’était envolé en direction du Royal Mouscon-Péruwelz, en Belgique,en prêt en provenance de Chelsea. Il est en fait finalement transféré pour 2,5 millions d’euros dans un club chypriote contrôlé par Pini Zahavi, qui l’a ensuite prêté à Mouscron. Après quelques secondes de silence, Hagi dégaine une surprenante réponse : « Ceci concerne les affaires internes du club qui peuvent être mieux comprises si l’on se trouve à l’intérieur du club. Je ne peux pas vous dire si j’ai un arrangement avec quelqu’un ou pas. »

Les choses sont compliquées car si Hagi a en effet signé un contrat de partenariat avec un fonds d’investissement pour plusieurs joueurs de Viitorul, cet arrangement pourrait techniquement mettre son club en violation des règles de la FIFA. Depuis le 1er Janvier 2015, le règlement de la FIFA interdit en effet strictement la tierce propriété.

La sélection en équipe nationale de Cristian Manea

Aujourd’hui nous enquêtons sur deux autres mystérieux transferts effectués par la structure de Gheorghe Hagi. Le FC Viitorul est l’équipe première de son académie, dénommée Académie Hagi. Il est fréquent que des joueurs suivis par des clubs étrangers soient sélectionnés en équipe nationale. Souvent, cela fait partie d’un marché entre un club, un agent et le coach de l’équipe nationale,dans le but d’augmenter la valeur d’un joueur et offrir à l’agent et au club de meilleures conditions de négociations.

« Félicitations à Victor Pițurcă (l’entraîneur national de l’époque) pour la sélection de Manea » fanfaronne fièrement Gheorghe Hagi le 2 Juillet 2014, deux jours après que son défenseur de 16 ans soit devenu le plus jeune joueur à porter le maillot de l’équipe nationale. Étonnamment inclus dans la composition de Pițurcă pour le match amical contre l’Albanie, Manea reste ensuite sur le banc quatre jours plus tard contre l’Algérie. Une semaine plus tard, ses parents signent secrètement un contrat permettant le transfert de leur fils vers le club chypriote de l’Apollon Limassol.

Malgré le fait qu’il joue une saison supplémentaire pour le Viitorul, le joueur acheté par Apollon Football (Public) Limited pour 2,5 millions d’euros n’est plus jamais appelé en équipe nationale. A l’heure actuelle, Manea est prêté par l’Apollon à Mouscron. Pinhas « Pini » Zahavi, le super-agent qui court-circuite fréquemment les règles de la FIFA concernant la tierce propriété, contrôle les deux clubs.

Le téléphone enregistré chez une compagnie britannique sonne d’une tonalité étouffée. Après quelques secondes, on distingue clairement la voix d’un vieil homme : « Hello ! » Nous sommes entrés en contact, aux Etats-Unis, avec l’un des agents plus influents au monde. « Soyez brefs ! Je suis aux Etats Unis » dit le super-agent israélien, Zahavi.

Journaliste : « Nous aimerions parler d’un joueur roumain de Mouscron. »
Zahavi : « Manea ? » L’ancien journaliste sportif de Tel-Aviv semble avoir l’esprit très affûté. Le club belge est devenu sa propriété après une promesse d’investissements de 8,5 millions d’euros sur les trois prochaines années. Et l’homme connaît ses propriétés.

Journaliste : « Oui. Nous voudrions savoir pourquoi vous avez acheté ce joueur ? »
Zahavi : « Ce n’est pas un sujet à propos duquel je dois discuter avec vous. Je ne suis pas son agent. Contactez son agent, s’il-vous-plait. Merci. »

Rapide, efficace, mystérieux, voilà le style Zahavi. L’agent qui a organisé la visite de Roman Abramovitch à Carrington, le centre d’entraînement de Manchester United aux débuts des années 2000, c’est lui. L’oligarque russe voulait alors acheter MU. Peu après, Zahavi (désormais âgé de 73 ans) conseillait plutôt à Abramovitch d’acheter le Chelsea Football Club. Durant les années 90, Zahavi a développé son réseau dans le monde des oligarques russes d’origine juive s’étant enrichis durant la privatisation des compagnies d’états soviétiques.

Après seulement une minute au téléphone, Pini Zahavi raccroche. Un seul de ses appels peut pourtant décider du destin de dizaines de footballeurs partout dans le monde, Roumanie incluse. Selon les médias, Zahavi, surnommé Mr Fix It (L’as du bricolage), contrôle une multitude d’entreprises enregistrées dans des paradis fiscaux, des Iles Vierges Britanniques à Chypre.

Živković et l’Apollon Limassol

Avant de revenir sur ses relations avec la Roumanie, attardons-nous sur le cas Andrija Živković. Un joueur dont les supporters du Steaua Bucarest se souviennent très bien. En août 2015, le jeune serbe marque un but crucial en faveur du Partizan Belgrade, qui aide son équipe à remporter la confrontation aller-retour (5-3 sur l’ensemble des deux matches) face au Steaua. Živković, 19 ans, est un fantastique talent. Il a gagné la Coupe du Monde des moins de 20 ans avec la Serbie et la presse a déjà parlé de transfert vers le Real Madrid, le Benfica Lisbonne, le Borussia Dortmund ou encore Chelsea. Son contrat prend fin cet été mais son père ne laissera pas son fils signer seul un nouveau contrat. Celui-ci veut d’abord s’assurer que seul le Partizan détient la totalité des droits économiques du joueur.

© MN Press
© MN Press

En août 2014, deux mois après que Hagi ait secrètement vendu Manea à l’Apollon Limassol, le même club chypriote enregistre discrètement un contrat signé par le président d’alors du Partizan, Dragan Đurić. 50% des droits économiques de Živković sont alors cédés à l’Apollon Football (Public) Limited pour 1,2 million d’euros payable en deux versements (900 000 et 300 000 euros). Selon ce contrat, le Partizan conserve 25% des droits du joueur mais l’Apollon peut acheter cette part pour la somme de 600 000 euros. La famille du joueur, elle, reste propriétaire à hauteur 15% des droits, son agent se contentant de 10%.

En plus de ça, le contrat contient une clause incroyable : si le joueur vient à refuser une offre officielle le concernant, le Partizan est forcé de payer à l’Apollon Limassol la moitié de ladite offre rejetée. Dragoš Cukavac, un avocat de Belgrade, conclut : « Ce contrat contient certains aspects criminels. Qu’est ce qui empêcherait Apollon de demander à un autre club de formuler une offre de, disons 20 millions d’euros, de manière à en empocher 10 ? Ce que Đurić a signé est insensé. »

Et de fait, le Partizan a reçu une offre de 5 millions d’euros pour Živković de la part du Benfica, un club qui a de très bonnes relations commerciales avec Zahavi. Et le Partizan se retrouve actuellement dans l’obligation de payer 2,5 millions d’euros à l’Apollon car le joueur a refusé le transfert. Et comme ce dernier refuse également de signer un nouveau contrat avec le club, ses dirigeants ont décidé de l’envoyer dans le club satellite du Teleoptik Belgrade. Les médias serbes ont rapporté les larmes du jeune joueur lorsqu’il apprit la sanction.

Le cas Živković n’est que le plus récent dans une longue liste de mouvements suspects. En 2012, un fond d’investissement contrôlé par Zahavi achète déjà Lazar Marković au Partizan. L’année suivante, le joueur prend la direction de Benfica pour être finalement revendu à Liverpool en 2014 pour 25 millions d’euros. La moitié de la somme fila en direction du fond d’investissement de Zahavi. Le reste étant partagé entre Benfica et le Partizan. Le frère de Markovic, lui, est désormais coéquipier de Cristian Manea à Mouscron.

Ceci n’est qu’un simple exemple du marché de Zahavi. Selon des journalistes serbes, le Partizan a vendu pour plus de 100 millions de joueurs durant la dernière décennie. Le club, reste néanmoins dans une situation financière plus que précaire après que le président Đurić soit parti en laissant derrière lui une dette de 13 millions d’euros.

Zahavi, la filière des Balkans

Un autre talent serbe, Luka Stojanović, est lui vendu par le Partizan au Sporting Lisbonne en 2012. David Conn, du The Guardian, a publié voilà deux ans une superbe enquête sur le réseau de sociétés écrans prétendument mises en place par Roman Abramovich et Jorge Mendes. Les droits de neufs joueurs du Sporting Lisbonne sont alors contrôlés par ce réseau.

A l’heure actuelle, Stojanović joue pour l’Apollon Limassol. Interrogé par les reporters de ProSport à propos de son partenaire en club, Manea, le serbe a répondu : « Non, je ne le connais pas. Je ne connais qu’un seul roumain, c’est Cristian Ponde du Sporting. » Ponde est l’un des neufs joueurs à avoir été épinglé dans le cadre du réseau de business Abramovitch-Mendes.

L’Apollon a été utilisé récemment comme un club passerelle pour un autre talent serbe, Luka Jović, en provenance de l’Etoile Rouge de Belgrade. Acheté par le club chypriote puis renvoyé en prêt à l’Etoile Rouge, le joueur est finalement vendu à Benfica le mois dernier pour 2,2 millions d’euros. Apollon possédait 70% des droits de Jović depuis 2014.

Le partenaire commercial de Zahavi est un macédonien d’origine albanaise, Abdilgafar Ramadani, alias Fali ou Falji. C’est lui qui supervise les affaires de Zahavi dans les Balkans. Ramadani possède LIAN Sports Agency et travaille étroitement avec Nikola Damjanac, un ancien gardien de but du Partizan. Damjanac est, de plus, le beau-frère de Zvezdan Terzić, l’ancien président de la fédération serbe de football et de l’OFK Belgrade. Terzić a notamment été arrêté en novembre 2010 pour fraude en tant que président de l’OFK. Il est libéré en juillet 2011, après avoir réglé une caution d’un million d’euros.

Terzić est actuellement le président de l’Etoile Rouge de Belgrade et a récemment été impliqué dans le transfert controversé de Marko Grujić vers Liverpool.

Il est très difficile pour les journalistes d’avoir accès à tous les transferts effectués à l’intérieur du réseau Zahavi. Le défenseur slovène Emir Dautović, par exemple, est la propriété de l’Apollon mais y est arrivé en provenance de l’OFK Belgrade via Mouscron. Nous vous proposons ci-dessous une liste de joueurs en provenance d’ex-Yougoslavie ayant connu des transferts liés à Zahavi. Nous nous contentons de nommer uniquement les transferts entre clubs contrôlés ou ayant d’étroits liens avec Zahavi. Tous ces joueurs ont le même agent : Fali Ramadani, le partenaire de Zahavi.

  • Marko Pavlovski (22 ans): OFK Belgrade – FC Porto – Mouscron – OFK
  • Marko Janković (20): Partizan – Olympiakos Piraeus – OFK – Maribor – Olympiakos
  • Nikola Gulan (26): Partizan – Fiorentina – SampdoriaGênes – Partizan – Mallorca – Mouscron
  • Nikola Aksentijevic (22): Partizan – Vitesse Arnhem – Partizan – OFK – Mouscron
  • Filip Marković (23): Partizan – Benfica – RCD Mallorca – Mouscron
  • Danilo Pantić (19): Partizan – Chelsea – Vitesse
  • Ante Rebić (22): RNK Split – Florentina
  • Saša Zdjelar (20): OFK – Olympiakos
  • Marko Bakić (22): MogrenBukva – Torino – Fiorentina
  • Marko Šćepović (24): Partizan – Olympiakos – Mallorca – Olympiakos – Mouscron – Olympiakos

Sur les dix joueurs de cette liste, la moitié a transité par Mouscron. Il n’y a pas de connexion avec l’Apollon mais cela n’exclut pas la possibilité de vente d’autres joueurs par Apollon Football (Public) Limited sans reconnaissance officielle. Souvenez-vous, le transfert de Manea vers l’Apollon est resté inconnu du public pendant 20 mois jusqu’à la révélation de cette histoire par ProSport et Futbolgrad ce mois-ci.

L’histoire de Nemanja Radonjić

L’un des joueurs signés par LIAN Sports est Nemanja Radonjić. L’ailier gauche de 19 ans est prêté par l’AS Roma au FK Čucarički, actuel deuxième de SuperLiga serbe. Seule une poignée de personnes proches de Gheorghe Hagi sait que Radonjić a également joué pour le Viitorul.

Cinq ans plus tôt, alors qu’il n’a que 14 ans, Radonjić participe à l’Eastern Stars Cup, une compétition amicale organisée par l’Académie Hagi, avec le Partizan Belgrade. Le jeune Serbe marque un but lors de la victoire de son équipe U15 face aux ouailles d’Hagi. Il est même le capitaine du Partizan ce jour-là.

Deux ans après ce match, Radonjić est enrôlé par l’Académie Hagi mais aucun journaliste n’écrit une ligne sur le sujet en Roumanie. Les archives du site officiel de l’Académie Hagi ne remontent pas plus loin qu’à octobre 2014, donc aucune trace du serbe ici non plus.

Selon le plus complet Transfermarkt.com, Radonjić signe pour l’Académie Hagi en octobre 2013. Le joueur ne peut s’engager à cette période qu’en tant que joueur libre, le marché officiel des transferts s’étant clôturé un mois plus tôt. En décembre 2013, le journal italien Il Messaggero parle d’un transfert imminent du joueur vers l’AS Roma. Mais ce que les journalistes italiens ne savent pas c’est que Radonjić n’est déjà plus un joueur du Partizan mais de l’Académie Hagi.

Pourquoi le Partizan a-t-il laissé partir un tel joueur en fin de contrat ? Radonjić est-il vraiment venu jouer en Roumanie ou son transfert n’est-il resté qu’administratif, à l’image de celui de Manea à l’Apollon ?

Le propriétaire et manager Gheorghe Hagi, le directeur sportif Zoltan Iasko et le directeur général Cristian Bivolaru ont refusé de répondre à cette question. Par conséquent, ProSport a appelé le président de l’Académie Hagi, Pavel Peniu, qui a admis que le joueur a bien été transféré dans son club mais également qu’il ne l’a jamais vu en personne durant sa période roumaine.

« Radonjić était notre joueur il y a deux ans. Je sais que nous avons conclu le transfert et j’espérais le voir jouer. Il est venu mais n’est malheureusement resté que pour une très courte période. Il s’est blessé et n’a pas joué pour nous. Je n’en sais pas beaucoup plus sur sa situation car à l’époque je travaillais principalement dans les bureaux du club à Constanța et l’équipe s’entraînait près de Bucarest (à 220 kilomètres de distance). Je ne sais pas quand Nemanja s’est blessé. Notre intention était de le faire jouer en équipe première. Nous n’avions pas d’équipe réserve à l’époque. Mais ensuite, sa blessure est survenue et, je ne sais pas pourquoi, le transfert a capoté. »

Il n’y a aucune trace d’une blessure de Nemanja Radonjić, à l’époque capitaine de la sélection U-17 serbe, sur les sites serbes spécialisés. Aucun des journalistes serbes contactés par ProSport n’a le moindre souvenir de cette mystérieuse blessure.

Même si Peniu dit que le transfert a capoté, Transfermarkt.com fait tout de même état d’un prêt de 16 jours du Viitorul à l’AS Roma Primavera (l’équipe espoirs de la Roma) en février 2014 pour l’extraordinaire somme de 1,04 million d’euros. Mais si Viitorul n’a pas pu acheter le joueur en provenance du Partizan, comme l’explique Peniu, le joueur n’a pas pu être prêté par le Viitorul à l’AS Roma.

Lorsque l’on interroge Peniu sur ce prêt, il explique : « Il est probablement parti à la Roma lorsqu’il était ici. Je sais qu’il y est allé pour se soigner de la meilleure des manières. Je n’ai pas tous les détails. Je ne m’en souviens pas. Je n’ai même jamais vu sa tête. »

Malgré le fait que Radonjić soit l’un des grands prodiges du renommé centre de formation du Partizan, son président Dragan Đurić n’annonce son transfert en Roumanie que deux mois après que l’affaire ait été conclue.

En décembre 2013, Đurić fait en effet la déclaration suivante dans les médias serbes : « Radonjić est parti en Roumanie il y a deux mois. Nous avons évidemment reçu une compensation. De ce que nous savons, il ne s’est pas entraîné là-bas. Nous ne sommes pas en conflit mais ce garçon a un problème mental. Son comportement a perturbé les activités de notre académie. »

Blessé ou pas, Radonjić part pour l’AS Roma Primavera le 1er février 2014, et joue cinq jours plus tard, 64 minutes du match contre les U19 du Benfica (0-0) à la Viareggio Cup. Selon Transfermarkt.com, il repart au Viitorul le 16 février 2014.

Le 1er septembre 2014, Radonjić quitte le Viitorul pour Empoli en fin de contrat. Un an plus tard, il signe pour l’AS Roma. Le joueur n’a pas pu être contacté pour commenter cette situation.

Quatre jours après la publication de cette affaire par ProSport, l’Académie Hagi a publié un communiqué : « Nemanja Radonjić a été sous contrat dans notre club après avoir été repéré à l’Eastern Stars Cup. Peu après, nous l’avons transféré. Il a quitté notre club et, malgré tous nos efforts pour le conserver, il a refusé de revenir en Roumanie. »

Aucun mot sur le prêt à Rome ni sur les montants de transfert invoqués. Comment est-il néanmoins possible qu’un joueur quitte un club de lui-même sans que personne n’enregistre de plainte ?

Le transfert de Marko Grujic

En janvier 2016, Liverpool achète Marko Grujić (19 ans) en provenance de l’Etoile Rouge de Belgrade. Un joueur que le président Zvezdan Terzic avait proposé à Pini Zahavi un an plus tôt. Il n’y a pas de preuve que le fonds d’investissement de Zahavi ait reçu un pourcentage sur le futur transfert du joueur. Mais nous savons qu’il y a eu de très fortes pressions poussant Grujić à signer en Angleterre et que le père du joueur, Goran, s’était opposé à un départ vers l’Angleterre avec véhémence.

Goran Grujić a d’ailleurs déclaré à un journaliste sportif serbe qu’il conserverait le passeport de son fils dans son bureau et qu’il n’en sortirait pas avant la fin de l’été. « Liverpool paie 7 millions d’euros puis le prête à l’Etoile Rouge pour un million ? Je commence vraiment à penser que je devrais appeler la police pour leur expliquer toutes les pressions que l’on subit. » Quelques jours plus tard, Grujić père, est pris dans un accident de voiture lui coûtant quelques blessures bénignes. Marko Grujić accepte peu après de signer pour Liverpool (l’excellent article de Miloš Marković révèle plus de détails sur ce transfert).

Le transfert de Fabrice Olinga en Roumanie

Les Balkans ne sont néanmoins qu’une partie de l’empire footballistique de Zahavi. Selon le journaliste italien Pippo Russo, son influence sur le football italien est tout aussi impressionnante. Fali Ramadani, le partenaire de Zahavi, a joué pendant des années le rôle de conseiller officieux de la Fiorentina en matière de recrutement. Tout en ayant une grande influence auprès de l’Inter Milan, l’As Roma, l’Atalanta Bergame, la Sampdoria Gênes et Bologne.

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Fabrice Olinga | © mboafootball.com

Le 11 février 2015, le compte Facebook officiel de l’Académie Hagi annonce : « C’est officiel ! Fabrice Olinga est transféré au FCV. » Des initiales faisant référence au Football Club Viitorul. On peut voir avec ce message une photo du manager Costin Mega serrant avec un grand sourire la main d’Olinga devant les caméras. Le Viitorul vient alors d’engager le plus jeune buteur de l’histoire de la Primera Division espagnole. Olinga a en effet marqué en août 2012 un but à l’âge de 16 ans et 98 jours lorsqu’il évoluait avec Malaga.

Le transfert suscite l’excitation des médias roumains. Les journaux sont emplis de photos d’Olinga au centre d’entraînement du Viitorul. Hagi y va également de sa réaction : « Olinga nous a été recommandé par Pietro Chiodi [un agent italien anciennement employé des agents Ioan et Victor Becali, aujourd’hui incarcérés]. C’est lui qui a fait venir le joueur. C’était une belle occasion, particulièrement parce que nous avions besoin d’un joueur très technique. Maintenant, il nous faut le découvrir, parce qu’on ne le connaît pas très bien. Il est jeune mais il est très, très bon. Nous devons l’aider à s’adapter à notre club. »

D’où vient le joueur ? Les médias roumains affirment qu’il arrive de l’Apollon Limassol. Les medias italiens annoncent eux que le buteur est prêté par la Sampdoria, club sous influence du duo Zahavi-Ramadani.

La confusion devient encore plus grande lorsqu’on regarde son historique sur le site Transfermarkt.com. Selon ses données, Olinga est transféré de l’Apollon à la Sampdoria le 10 février 2015, pour être ensuite prêté au Viitorul dès le lendemain.

Les faits suivants sont sûrs : Fabrice Olinga n’a jamais joué une seule seconde pour l’équipe de Hagi, et ce malgré le fait qu’il l’ait annoncé comme un « très, très bon joueur. » Les sources au Viitorul assurent que le joueur n’était pas blessé et qu’il s’est entraîné avec l’équipe de Hagi jusqu’à l’été 2015, date à laquelle il est parti à la Sampdoria – ou à l’Apollon.

Prosport a appelé l’agent Chiodi, l’homme pointé par Hagi comme responsable de la venue d’Olinga en Roumanie.

Journaliste: « Que savez-vous d’Olinga ? Il n’a pas joué une seule minute en Roumanie. »
Chiodi : « Il n’est plus au Viitorul aujourd’hui. Il n’a pas pu y jouer parce qu’il n’avait pas été enregistré à temps. »

Journaliste: « Il n’a pas été licencié au club? »
Chiodi : « Non. Les papiers sont arrivés en retard et il n’a pas pu être enregistré. »

Journaliste: « Mais il s’est entraîné avec le club pendant des mois… »
Chiodi : « Oui, oui. Après quoi il a quitté le club. »

Journaliste: « A-t-il été transféré à l’Apollon? »
Chiodi : « Je ne m’en souviens plus. »

Donc, le Viitorul a officiellement annoncé un transfert de joueur qui n’avait pas été entièrement bouclé. Puis il a offert à Olinga la possibilité de s’entraîner malgré le fait qu’il n’était la propriété d’aucun club.

Dans leur communiqué de presse, publié après que cette histoire ne soit révélée, les dirigeants du club déclarent : « Le joueur Fabrice Essono Olinga nous a été proposé par un agent de joueurs avec qui travaillions depuis des années. Nous souhaitions l’enrôler mais comme il n’avait pas de passeport de l’Union Européenne [il est camerounais] il n’a pas pu être enregistré à temps durant la fenêtre de marché des transferts de février 2015. »

Voulez-vous savoir ce que le président de l’Académie Hagi, Peniu, avait déclaré entre temps à propos du transfert d’Olinga? « Olinga ? Je ne sais pas qui c’est. Je ne sais rien. Où est-il maintenant? »

La réponse est Mouscron! Olinga est aujourd’hui coéquipier avec Manea.


Suite de cet article : Marios Lefkaritis – Le pilier de l’empire Zahavi


Traduction réalisée par Mourad Aerts et Pierre-Julien Pera avec l’accord de Costin Stucan.

Vous pouvez retrouver la version originale sur le site roumain ProSport

Costin Ștucan est chef éditeur pour ProSport, l’un des meilleurs sites sportifs roumains. Il travaille en tant que journaliste d’investigation depuis 1999. Suivez Costin Stucan sur twitter: @CostinStucan.


Image à la une : © JewishBusinessNews.com