Il y a quelques jours, le collectif de supporters du Dynamo Kiev, appelé Druzi Dynamo, a interviewé Oleksandr Ishchenko, l’entraîneur principal du centre de formation du Dynamo Kiev. Une discussion passionnante sur la formation en Ukraine, les problématiques actuelles, les difficultés dans les régions isolées, les problèmes avec la fédération, l’apport de techniciens espagnols au Dynamo Kiev et le nouveau paradigme au sein du Dynamo Kiev concernant la formation de jeunes footballeurs.

« Oleksandr Oleksiyovich, juste avant les élections présidentielles à la fédération ukrainienne de football, nous aimerions connaitre votre opinion en tant que professionnel du secteur sur les possibilités de développement du football ukrainien dans cette situation difficile. Que devons-nous faire pour que nos meilleures équipes soient compétitives au plus haut niveau, former de nouvelles stars et développer le football de masse ?

Je ne vais pas parler du football de masse, mon travail est la préparation qualitative de jeunes joueurs. Dans notre école, nous avons certains des meilleurs jeunes joueurs en Ukraine. Notre rôle premier est de pourvoir les équipes de jeunes du Dynamo (U19, U21) et l’équipe première. Tout le travail est pensé autour de cet objectif. Cependant, pour que nous puissions développer un « produit final » de haute qualité, nous devons commencer avec une approche qualitative dès le tout début. Le problème que nous rencontrons en ce moment est celui du recrutement, les chiffres ont dramatiquement chuté en quantité. C’est le premier signe alarmant. Autrefois, et les anciens s’en rappellent, nous étions pris d’assaut. Aujourd’hui, pour chaque catégorie d’âge, nous supervisons au plus 200 enfants qui se présentent. C’est très peu. Nous devons avoir une certaine base quantitative de joueurs pour ensuite les transformer en joueurs de qualité. De plus, 30% des joueurs que nous formons sont de Kiev. Dans un groupe de 23-24 joueurs, il y en a 3-4 de Kiev. C’est le résultat de l’urbanisation. Cependant, nous devons continuer à travailler activement même quand de nouvelles structures et formes de jeu se créent. Par exemple, de nouvelles sections de « Futibol » (football pour les très jeunes enfants) ont été créées. Elles sont là pour parer aux difficultés des enfants malhabiles avec le ballon et dotés d’une pauvre coordination, avant qu’ils nous arrivent à l’académie. Certains ont une coordination et une capacité de mouvement très limitées.

J’ai vu beaucoup de programmes qui devaient aider au développement du football et ils sont tous restés à l’état de projets écrits.

Pensez-vous qu’un des problèmes réside dans la compétition que le football doit mener contre les ordinateurs pour avoir l’attention des enfants ? Avant, nous passions notre temps à jouer sur des terrains de pauvre qualité, peut-être faut-il aujourd’hui investir dans de nouvelles infrastructures.

Oui. En tant que parent, amèneriez-vous votre enfant sur un terrain minable où il n’y a même pas d’endroit pour se changer ou prendre une douche ?

Oui, mais aucun autre terrain ne semble exister… peut-être est-ce la raison pour laquelle le football n’est pas un sport de masse. Il y a un manque d’infrastructures de qualité dont un citadin a besoin.

Il existe des programmes privés. Ils se développent. Ces programmes ont un taux de recrutement respectable. Cependant, autant que je sache, cela reste coûteux. Ils développent une mentalité active autour du jeu chez l’enfant, une sorte de discipline et le tout basé sur le jeu en équipe. En fait, les enfants commencent déjà à réfléchir à ce qu’ils font sur le terrain. De plus, ils leur apprennent les bases du football. Nous commençons à travailler avec de tels programmes.

Selon vous, qu’est-ce qui doit être fait pour accroître le nombre de tels programmes ou sessions d’entraînements ? Le gouvernement peut-il apporter de l’aide ?

Oublions le gouvernement. J’ai vu beaucoup de programmes qui devaient aider au développement du football et ils sont tous restés à l’état de projets écrits. Nous ne pouvons que tirer notre chapeau à Grigoriy Mikhaylovich Surkis (président de la fédération de 2000 à 2012, aujourd’hui vice-président de l’UEFA et par ailleurs frère d’Igor Surkis, propriétaire actuel du Dynamo Kiev), qui à son époque a favorisé l’enseignement du football dans les écoles ukrainiennes et a construit des terrains à travers tout le pays. Et, aujourd’hui, que recevons-nous de cette fédération de football ? Qu’ont-ils fait ? Qu’ont-ils construit ? L’académie nationale qui n’est restée qu’à l’état de papier ? Ils ont dit que la situation du pays les a empêché de la construire. Qu’en est-il de l’argent donné par l’UEFA ? Fut-il donné en hryvynas ou euros ? Quel est le problème ? S’ils avaient vraiment voulu la construire… Malheureusement, je pense que personne n’a jamais vraiment planifié de la construire. Nous ne devrions même pas critiquer le gouvernement. A l’heure actuelle, nous ne pouvons compter que sur les dirigeants de clubs pour qu’ils puissent maintenir à flot leurs écoles de football et continuer à investir dans le développement du football chez les jeunes.

Est-ce possible à l’heure actuelle ? Le nombre de propriétaires de clubs baisse et les clubs perdent des financements.

Je ne peux parler que du Dynamo. Notre école de football n’a pas perdu un seul centime de financement. Bien entendu, les parents et le staff remercient chaleureusement le président du club qui permet à l’école de fonctionner parfaitement, même dans ces temps difficiles.

Mais pour un grand pays comme l’Ukraine, quelques clubs de haut niveau et leurs académies ne sont que le sommet de l’iceberg. Il devrait y avoir plus d’académies de football à travers le pays.

Oui en effet. C’est un grand fleuve qui doit être nourri par des rivières. Nous ne travaillons pas qu’avec le Futibol, mais nous avons aussi une section à Kharkivska et Darnitsa (autres quartiers de Kiev), parce que ce n’est pas simple pour tout le monde de venir à Nivki (quartier où se situe le centre de formation du Dynamo Kiev) et nous prenons les meilleurs joueurs de ces endroits. Nous faisons des sessions d’entraînement là-bas, les entraîneurs viennent chez nous, ils sont là aux réunions de travail et nous leur donnons des conseils en termes d’entraînement. Croyez-moi, ils peuvent apprendre des entraîneurs qui travaillent avec les jeunes au Dynamo Kiev.

Ces deux dernières années nous ont ramené six ans en arrière. Le gouvernement s’est désengagé du développement du sport, pas seulement du football. L’espoir ne subsiste que grâce aux clubs, mais le système fédéral doit trouver des moyens pour garder le football vivant.

Nous avons parlé de Kiev. Nous savons aussi que le Dynamo cherche des talents à travers tout le pays. Vous connaissez également très bien certaines régions qui ont de bien pires problèmes que Kiev. Que peut faire la fédération pour aider ces régions ? Quelles démarches la fédération peut-elle entreprendre pour stimuler le développement d’écoles de football dans ces régions ?

La fédération peut grandement aider. Cependant, il doit y avoir un programme réaliste. Chaque ville principale d’oblast (région en Ukraine) a besoin de 2-3 terrains synthétiques. Cela est nécessaire pour assurer que ces écoles aient un lieu pour s’entraîner. Si vous allez dans différentes régions, par exemple Zhitomir, allez au stade « Spartak »… Allez au stade à Ivano-Frankivsk; regardez où les enfants jouent et se changent. A Ivano-Frankivsk, ils font cela dans un parc ou dans les tribunes. Tout le financement de ces écoles vient des parents. Aucun parent ne veut que son enfant doive se changer dans la voiture. Aucun parent ne veut payer pour toute la nourriture, tous les voyages. Peu de personnes peuvent se le permettre financièrement et c’est un sport collectif.

Comment est-ce supposé marcher alors ?

Ces écoles ont besoin de soutien de la fédération et du gouvernement. Le secteur de l’éducation doit aider et la fédération doit utiliser les programmes de financement de l’UEFA.

Vous avez parlé du centre à Vishgorod qui n’a jamais été construit. Qu’est-ce qui est le plus important: ce centre à Vishgorod ou des terrains dans chaque oblast ?

Bien entendu, ces terrains en nombre sont plus importants. Je le répète, nous ne progresserons pas tant que n’aurons pas une base solide au niveau matériel et technique. Tant que nous ne voyons pas de changements, que nous ne voyons pas quelqu’un qui prend le problème à bras le corps, nous resterons où nous sommes aujourd’hui. Ces deux dernières années nous ont ramené six ans en arrière. Cependant, avec la technologie moderne, nous pouvons construire un terrain synthétique en deux, trois mois.

Combien cela coûterait ?

Environ 500 000$. Ce n’est pas donné mais si les ressources sont utilisées intelligemment, cela peut être fait de manière réaliste.

Il y a une opinion répandue qui voudrait que des petits business devraient investir dans le football. Cela pourrait être une solution pour remédier aux problèmes actuels du football.

A mon avis, cela ne marcherait pas. Aujourd’hui, ce n’est pas réaliste. Nous devons trouver d’autres méthodes. Les temps sont difficiles et si nous laissons tomber maintenant, nous pourrions perdre ce que nous avons aujourd’hui. Nous avons déjà perdu beaucoup.

Etes-vous au fait de nouvelles méthodes ? Pouvons-nous copier d’autres pays ? Il y a des pays qui préparent leurs joueurs pour l’export et tout le monde, même les entraîneurs des équipes de jeunes, touchent leur part.

Au Dynamo, nous opérons selon notre plan, nos programmes et nous préparons nos joueurs pour notre club.

Pourquoi ne pas utiliser cette méthode dans des endroits comme Vynnitsya ou Zhitomir ?

Il n’y a pas de tel système. Cela devrait être un programme gouvernemental mais le gouvernement… Sous Pustovoytenko (président de la fédération de 1996 à 2000), il y avait un programme gouvernemental approuvé. Il y avait de grandes idées inscrites dans ce programme. Cependant, aujourd’hui, il n’y a aucune possibilité pour que cela arrive. Le gouvernement s’est désengagé du développement du sport, pas seulement du football. L’espoir ne subsiste que grâce aux clubs, mais le système fédéral doit trouver des moyens pour garder le football vivant. En ce moment, le tournoi Makarov (entre équipes ukrainiennes) a lieu et Kovalivka joue. Allez voir leur match et regardez ce qui se passe dans les tribunes. Vous pouvez les entendre depuis la station de métro Vydubychi ! Quelqu’un finance cette équipe. Ils ont un stade normal et un terrain normal. Cherkassy aussi a une équipe. Il y a 4 ans, le stade était en ruines là-bas et ils voulaient le détruire. Il y a peu, j’étais là-bas pour voir un match de la sélection U21 contre l’Allemagne. C’est magnifique ! Le stade, la piste, tout est magnifique !

Oui, mais il y a de moins en moins d’exemples de ce type.

Pourquoi ? Aujourd’hui, cela coûte moins cher de posséder son équipe et de la faire vivre. Les joueurs ont revu leurs demandes à la baisse et demandent moins d’argent. Ils ont besoin de jouer et le marché est saturé. Ils joueront. Est-ce que la République Tchèque s’en tire aussi bien ? La Bulgarie, la Slovaquie ? Nous devons tirer notre chapeau aux dirigeants de clubs et leur dire merci de conserver un football de haut niveau en Ukraine, qui veut toujours figurer en Ligue des Champions et y faire des résultats. Cependant, dans des villes et régions mineures, les dirigeants doivent se retrousser les manches. Même s’ils ne payent que 200 hryvynas par match, il doit y avoir une équipe et ils doivent jouer. Les enfants doivent voir cela. Par exemple, l’école de football à Zhitomir. Que voient les enfants ? S’ils avaient une équipe dans cette ville, ce serait bien plus facile de former des joueurs parce que les enfants auraient des exemples à suivre. Le gamin va au stade, il est ramasseur de balles et il s’imagine plus tard sur le terrain ! C’est très dur quand cela n’existe pas et cela nous rend tous très tristes.

Nous avons très vite trouvé un fil conducteur commun avec l’entraîneur principal Rebrov. Nous avons défini vers quelle direction nous devions nous diriger et cela correspond parfaitement au système mis en place depuis deux ans. Nous parlons de pressing, de défense collective, de transition rapide entre jeu défensif et jeu offensif et de positionnement compact des joueurs.

Peut-être pouvons-nous copier ce qui se fait en République Tchèque ou en Slovaquie. Nous aimerions prendre les Allemands ou les Néerlandais comme exemples, mais l’argent nécessaire là-bas est bien plus important…

En Allemagne, la Bundesliga donne chaque année 9 millions d’euros pour le développement du football chez les jeunes. Revenons sur terre. Nous n’avons probablement pas besoin de regarder ce qui se fait à l’étranger. Notre système de formation marche bien, nos équipes de jeunes sont capables de jouer à haut niveau avec des objectifs élevés. Mais un des derniers matchs d’une de nos sélections de jeunes était une blague. Je suis en total désaccord avec les retours positifs qu’a reçu l’équipe nationale de jeunes après les deux matchs contre l’Allemagne. Ils ont pris cinq buts mais ont été célébré comme des héros. J’étais au match à Cherkassy. Après le match, je me suis demandé: « Qu’est-ce que c’était ? Où est l’engagement ? Où est l’envie ? » 0-5 sur deux matchs ! Quand est la dernière fois que cela est arrivé ? Il y aurait dû y avoir le plus haut niveau d’engagement. A la place, nous sommes têtes basses mais ils ont reçu un 5/5 et ont « joué avec le coeur »…

Dans mon travail, je pense qu’il est important que les entraîneurs viennent du Dynamo, nous savons ce qu’il faut pour gagner et devenir des champions. C’est une caractéristique de grande valeur: l’esprit du gagneur. Quand cela est présent et que l’entraîneur veut faire grandir son équipe, c’est une qualité importante.

Quels sont les autres ingrédients dont vous avez besoin pour obtenir des résultats ?

Tout le monde sait dans quelle direction nous allons et ce que nous demandons à nos jeunes joueurs. Nous avons très vite trouvé un fil conducteur commun avec l’entraîneur principal Rebrov. Nous avons défini vers quelle direction nous devions nous diriger et cela correspond parfaitement au système mis en place depuis deux ans. Nous parlons de pressing, de défense collective, de transition rapide entre jeu défensif et jeu offensif et de positionnement compact des joueurs – tout ce que les entraîneurs espagnols désirent. Ce qui a changé est le rôle et les responsabilités des joueurs. Quand Vukojevic a été remplacé par Rybalka, tout le monde a vu la différence. Nous avons maintenant un exemple de ce vers quoi nous devons tendre. Nous sommes au clair sur ce que doit faire chaque joueur à son poste. Toutes nos équipes ont maintenant un joueur « orienté vers la construction ». Pour la création de jeu en combinaisons. Nous avons aussi observé des changements de critères en ce qui concerne le joueur derrière l’attaquant. Nous avons une formation en losange orienté vers un style de jeu offensif. Un milieu défensif et deux joueurs derrière l’attaquant. Nous voyons les exemples de Garmash et Sydorchuk et le niveau d’activité dont ils ont besoin pour casser les lignes, combien de tirs ils doivent tenter, combien de fois ils doivent être présents dans la surface sans le ballon. Bien entendu, nous voulons que nos joueurs jouent de la même manière.

Si nous regardons en arrière, il y a 2 ans Danilo Silva (latéral droit) ne franchissait pas la ligne médiane. Maintenant, pendant nos classes tactiques, nous disons à Makarenko et Danilo Silva qu’ils doivent aller de l’avant au moins 4 à 6 fois par mi-temps. Nous avons maintenant des joueurs nés en 1997 qui font cela à chaque entraînement. Ils ont pour objectif de le faire à chaque match. En équipes U19, U21 et dans notre académie, les entraîneurs espagnols mènent ce processus et tout est synchronisé entre toutes nos équipes (le Dynamo Kiev a fait appel à différents entraîneurs espagnols: Raul Riancho est adjoint de Rebrov avec l’équipe première, Vicente Gomez s’occupe des U21 et U19 et Alberto Bosch travaille avec l’école de football). Cela aide les joueurs qui arrivent en U19 ou U21 à avoir une transition en douceur vers ce système. Quand ils arriveront en équipe première, ils seront habitués au système de jeu. Nous avons une compréhension très professionnelle au sein du staff et une vision de la direction dans laquelle nous travaillons. Nous réagissons avec précision à chaque changement concernant les responsabilités des joueurs.

Nous avons parlé des entraîneurs qui travaillent dans des endroits isolés, loin des grands clubs. Vous parlez avec eux. Que peut-on faire pour les aider et les motiver ?

Le problème général, c’est que le titre de « formateur » ou « entraîneur de jeunes » n’est pas assez reconnu. Cela fait trente ans que je suis entraîneur, également avec des équipes premières. Cela sonnait toujours comme une punition ce « vous allez travailler avec les équipes de jeunes ». Depuis 3 ans, je fais ce job avec les jeunes et je donnerais beaucoup pour faire comprendre aux gens ô combien cette fonction est importante. C’est très important. Nous devons changer la perception du rôle du formateur. Le premier entraîneur de Shevchenko était Shpakov, celui de Blokhin était Leonidov. Mais si je vous demande de citer d’autres entraîneurs d’équipes de jeunes. Pouvez-vous citer un entraîneur de jeunes du Metalurg ? Pourtant, le système de jeunes du Metalurg est très performant avec des gens qui ont joué au football. Luchkevych et Kluchik.

Alors ce travail est basé sur l’enthousiasme ?

S’il y a une approche professionnelle du sujet avec de bonnes conditions de travail, vous pouvez en vivre confortablement. Cela fait partie des facteurs de motivation. Par exemple, Fedorov a travaillé à l’école de football et aide maintenant Rebrov avec l’équipe première. C’est un grand pas en avant pour Fedorov et une grande motivation pour les autres entraîneurs. Dans les régions, c’est plus compliqué. Les entraîneurs vivent de ce que les parents leur donnent, c’est embarrassant.

C’est aussi une des raisons de la corruption rampante. Certains disent que vous pouvez payer votre place dans le onze de départ…

Croyez-moi, cela ne se passe pas comme cela. Il y a certains exemples, mais ils sont le fruit du système. Il y a peu de temps, nous avions invité un enfant de 15 ans pour un essai. Les parents ont demandé: « Alors comment vous faites ici ? Doit-on payer pour que notre fils joue ? » Je leur ai dit: « Vous pouvez essayer. Donnez de l’argent à Yashkin ou Venglinskiy et je regarderai ce qu’il se passe. » J’étais même effrayé d’imaginer cette scène.

Il y a de bons entraîneurs dans les régions et même dans des endroits où il n’y a pas d’équipe. Ils ont besoin de soutien. Donnez leur des jeux de maillots et des ballons normaux. Cela sera déjà un bon début.

Que peut faire la fédération pour accroître la reconnaissance des formateurs ?

Ils peuvent au moins créer un prix du « Meilleur Formateur de l’Année. » Pas seulement un prix, mais un par catégorie d’âge. Emmenez les vainqueurs en voyage, etc.

Mais ceux-ci ne seront-ils pas les formateurs des grands clubs ?

Pourquoi dites-vous cela ? Il y a de bons entraîneurs dans les régions et même dans des endroits où il n’y a pas d’équipe. A Vynnitsya, il y a des entraîneurs comme Ryabcev ou Besarab qui ont joué à un très bon niveau, notamment quand Vynnitsya était une place forte du football ukrainien.

Quelles régions ont de bonnes écoles de football ?

Les écoles sont partout. Il y a de l’enthousiasme, croyez-moi. Vladimir-Volynskiy, pouvez-vous imaginer où c’est ? Les routes font que c’est impossible de se rendre là-bas en voiture. Cependant, leurs écoles de football fonctionnent. On prend aussi des enfants de là-bas. Shishkov, Shamanskiy et Sosyura, qui gère tout seul, travaillent à Zhitomir. L’école à Ivano-Frankivsk fonctionne aussi. Ils ont besoin de soutien. Donnez leur des jeux de maillots et des ballons normaux. Cela sera déjà un bon début.

Donc ce genre de soutien devrait être développé dans le cadre des programmes de la fédération ?

Bien entendu. Plus important, cela doit être contrôlé. Sans contrôle et supervision, rien ne fonctionne. Vous parlez de choses importantes, les projets semblent finalisés et approuvés, mais au final… nous avons des stades dessinés sur papier et c’est tout. Où est l’argent de l’UEFA pour le développement des écoles de football ? Par exemple, Danone amène des enfants à des tournois internationaux. C’est un sponsor unique, mais que fait la fédération ? Personne n’est responsable de quoi que ce soit. Je suis certain que le niveau de responsabilisation des employés de la fédération doit augmenter. Là, vous (activistes du football et ultras) pouvez aider. Par exemple, je me souviens quand ils ont essayé d’organiser la finale de coupe d’Ukraine sans aucun spectateur, j’étais dans le bâtiment quand ils étaient tous tremblant comme des feuilles à la vue des ultras au dehors du bâtiment. Quand ils sauront qu’ils sont tenus responsables et réellement interrogés sur leurs actes, pas seulement vaguement réprimandés, à ce moment nous commencerons à voir une évolution.

La fédération est un structure très fermée et peu habituée au dialogue avec le public…

Vous avez réalisé les premiers pas, ils vous connaissent. Si vous reculez, vous les aiderez et tout restera comme c’était avant. Vous ne devriez pas arrêter. Il doit y avoir du contrôle. Vous devez vous fixer un objectif, par exemple le développement du football chez les jeunes ou le football de masse, et vous concentrer sur cet objectif. Il y a des personnes travaillant dans divers endroits avec un énorme potentiel. Je le vois, je forme des entraîneurs et je vois la différence entre ce qui était et ce qui est. La qualité va crescendo car 75% de ces entraîneurs étaient joueurs auparavant. C’est plus facile pour communiquer avec eux. Nous parlons le même language. Il y a un rayon d’espoir mais le système ne le fait pas fructifier.

Concernant le système de fomation, il ya des pays où les académies de football travaillent avec les mêmes méthodes et tactiques. Cela amène encore des résultats. Cette tendance existe-t-elle chez nous ?

En tant que responsable de l’académie du Dynamo, je peux dire que nos équipes travaillent dans l’intérêt de l’équipe première. Le Shakhtar a joué de la même manière ces dix dernières années, bien qu’ils aient joué avec deux attaquants au début de cette saison. Ils sont revenus à une pointe et Gladkiy est passé sur le banc. Maintenant nous voyons Zozulya jouer à droite avec Dnipro. Est-ce que cela amène quelquechose à l’équipe ? Zozulya a perdu les qualités qu’il avait comme attaquant axial, des qualités qui étaient bénéfiques pour l’équipe nationale. Depuis, il n’a marqué aucun but cet automne que ce soit en club ou en sélection. Le choix des joueurs est très important. L’accent doit aussi être mis sur une préparation qualitative des joueurs.

Jadis, nous commencions à parler de tactique avec les enfants de 12 ans mais c’était il y a 30 ans. Aujourd’hui, des petits de 8 ans comprennent et absorbent. Venez voir cela ! 

Cependant, vous voyez une certaine logique dans l’organisation. Svyatoslav Sirota nous a dit, dans une interview concernant le développement du football, qu’il y avait encore des équipes de jeunes jouant avec un défenseur reculé.

Peut-être que quelques équipes jouent comme cela, mais ce sont des exceptions. J’étais aux trois dernières finales des championnats de jeunes et je peux vous dire que le niveau du football y est très respectable. Il y a un groupe de joueurs qui seront des candidats pour l’équipe première du Dynamo Kiev dans quelques années.

C’est agréable à entendre, un influx d’optimisme !

Enfin, quel serait le but de notre travail s’il en était autrement ? Quand je suis avec ces jeunes, je suis rempli d’optimisme et je me sens plus jeune. Pour moi, le football est ma vie. Mes collègues et moi discutons et critiquons tout le temps les concepts du football. Par exemple, Bazylevych pense qu’on ne peut pas former un joueur avec uniquement un entraînement technique et tactique, il faut aussi de l’entraînement non-spécialisé. Donc des courses de 5 fois 300 mètres et des exercices de courses de 12 minutes. C’était son opinion. Est-ce que cela a fonctionné ? Oui. Mourinho dit: « Non, mon entraînement inclut toujours un ballon. » Je dis « Stop, stop. » Ne croyez pas tout si facilement. Nous avions un exercice pour développer la vitesse et les caractéristiques de force incluant des sauts au-dessus de 10 haies avec ensuite un sprint de 30 mètres. Cela était considéré comme un exercice non-spécialisé. Avant de sauter, vous deviez faire une tête avec un ballon, sauter ces haies, courir 30 mètres, faire une passe et ensuite marquer dans un petit but en une touche de balle. Un développement complexe des qualités prend place. C’est en réalité très intéressant et je le sais d’expérience. C’est un exercice très dur quand vous avez un battement de coeur proche de 190 pulsations par minute et après avoir réalisé cet exercice à plusieurs reprises, vous ne voulez plus voir de ballons, ni l’entraîneur, ni qui que ce soit.

Cependant, quand il y a un ballon, la charge de travail est appréhendée différemment. C’est un vrai plus. Regardez comment Raul Riancho échauffe l’équipe. Je me suis demandé tout de suite « pourquoi courir jusqu’à lui pour lui taper dans la main ? » Comment faisions-nous nos sprints de 30 mètres ? Un sprint de 5 mètres puis une course de 20 mètres et la fin se faisait tranquillement. Maintenant il y a une motivation pour courir jusqu’au bout. Vous courrez à deux mais il y a une compétition pour finir premier. Les Espagnols étaient en avance sur nous pour cela. Voici un autre exemple. Nous travaillons les passes. Cependant, si vous mettez un cône devant chaque joueur, ce n’est plus si facile de réaliser des passes. Vous devez ouvrir pour créer de l’espace. Cela nécessite l’utilisation de la réflexion à chaque instant. Le cerveau fonctionne tout le temps.

Maintenant, nous voyons la différence. La manière dont les joueurs évoluent avec le ballon. Comment récupérer le ballon après l’avoir perdu. Regardez sous Bazylevych (grand entraîneur des années 70), est-ce qu’il n’y avait pas d’harmonie entre ses joueurs ? Si, le Dynamo est réputé pour cela. Lobanovskiy n’a-t-il pas dit: « Ils ne marqueront pas si nous avons le ballon » ? En 1999, Khatskevych et Belkevych se sont amusés du Barça et du Bayern grâce à leur bon pressing. Ces clubs l’ont copié sur nous et ont commencé à l’utiliser. Nous avions un peu oublié cela, mais aujourd’hui nous y revenons avec de nouvelles idées; je sais que nos méthodes amèneront du succès. Les entraîneurs travaillent très bien et ont de grands objectifs. Mais pour nous, c’est un peu frustrant de voir les jeunes plus attentifs aux entraîneurs espagnols et plus réactifs. Ils sont Espagnols et ont l’autorité. Nous essayons de prendre le maximum de notre coopération avec eux. Raul dit que les enfants doivent commencer à comprendre ce qui leur sera demandé en équipe première à partir de l’âge de 8 ans. Ils doivent comprendre qu’ils doivent passer le ballon et aider à regagner la possession en défendant. Jadis, nous commencions à parler de tactique avec les enfants de 12 ans mais c’était il y a 30 ans. Aujourd’hui, des petits de 8 ans comprennent et absorbent. Venez voir cela !

Les Espagnols sont reputés pour l’attention offerte aux aspects techniques et le fait que les enfants apprennent sur des terrains de qualité. C’est ainsi qu’ils ont formé des Xavi, Iniesta, Messi…

Pourquoi parlez-vous de Messi et pas de Shevchenko, Yarmolenko ou Konoplyanka ? Revenons en Ukraine et oublions Messi. Il y a 5-6 ans, je disais que nous étions en retard par rapport aux pays de l’ouest en termes de techniques et d’utilisation rapide du ballon. Aujourd’hui, je pense que l’écart s’est réduit. Évidemment pas autant qu’on le souhaiterait mais cela va dans le bon sens. Aujourd’hui, nous avons quelques joueurs très doués techniquement. Regardez Sydorchuk. Il n’a rien à voir avec le joueur qu’il était il y a un an. Maintenant, il peut donner de très bonnes passes et marquer des buts qui vous font vous demander: « est-ce vraiment Sydorchuk ? » Peut-être que bientôt nous arrêterons d’être surpris. Les joueurs doivent savoir ce qui est attendu d’eux dès le plus jeune âge. Ils doivent savoir qu’ils doivent courir « là-bas » et déjà prendre possession du ballon pour l’offrir à leur coéquipier « là-bas ». Qui a dit qu’un défenseur central ne pouvait pas se projeter vers l’avant pour attaquer ? Nous rappelerons-nous pour toujours du raid de Vashchuk et de son baiser sur le poteau ? Garderons-nous cette photo dans notre musée ? Regardez aujourd’hui, Khacheridi va de l’avant. Kuchar aussi et marque. Dragovic commence à le faire. Nous continuerons à penser que nos efforts vont amener des résultats et que nous sommes sur le bon chemin. »

Un très grand merci au collectif Druzi Dynamo et à ukrfutbol.com qui nous ont permis de traduire cette interview. Vous pouvez suivre @UKRfutbol pour connaître l’actualité quotidienne du football en Ukraine.

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