Nous sommes désormais en 2016 et nous revenons sur ce qu’il s’est passé dans nos pays il y a cinquante ans. Nous espérons que le format vous plaira afin qu’on puisse le pérenniser sur le site.

Il y a cinquante ans donc, avait lieu le vingt-huitième championnat d’URSS de l’histoire, et ce à partir du 10 avril 1966. Dix-neuf équipes étaient engagées : les cinq grandes équipes moscovites ainsi que trois autres équipes russes (le SKA Rostov, le Zenit et le Krylya Sovetov), quatre équipes ukrainiennes (SKA et Chernomorets Odessa, le Shakhtar ainsi que le Dynamo), six autres capitales de républiques (Tbilissi, Erevan, Tashkent, Bakou, Minsk et Alma-Ata) et enfin une deuxième équipe géorgienne, le Torpedo Kutaïsi.

L’année 1966 est également historique à plusieurs titres. Pour la première fois, une équipe soviétique était engagée sur la scène européenne (le Dynamo Kiev en C2). Pour la première fois, le champion allait participer à la défunte Coupe d’Europe des Clubs Champions et enfin, pour la toute première fois en 28 saisons, aucune équipe moscovite n’allait terminer sur le podium du championnat.

Premiers pas soviétiques en coupe d’Europe

C’est le Dynamo Kiev, au titre de sa victoire en coupe d’URSS 1964 (la deuxième de son histoire), qui a eu l’honneur d’être le premier club a défendre les couleurs soviétiques sur la grande scène européenne. L’histoire ne commence pas exactement en 1966 mais fin septembre 1965, date à laquelle les joueurs de Kiev commencent leur grande histoire européenne en étant opposés aux Nord-Irlandais de Coleraine. Une victoire 6-1 là-bas suivie d’une autre 4-0 dans la capitale ukrainienne leur permettant d’atteindre les huitièmes de finale où les Norvégiens de Rosenborg ne pèseront pas beaucoup plus lourd (4-1, 2-0). Une campagne européenne qui a peut-être coûté cher dans la course au titre 1965. En effet, le dernier jour d’octobre, ils s’inclinaient sur le terrain de l’avant-dernier, le Torpedo Kutaïsi, alors que le Torpedo Moscou s’imposait dans le même temps à Minsk. Les deux équipes ne perdront alors plus un point et les Ukrainiens ne reprendront plus la tête aux Cherno-Belye.

Au printemps, la Coupe d’Europe revient et le Dynamo semble renforcé, et ce malgré le départ du grand Oleg Bazilevitch (qui ne reviendra que dix ans plus tard pour entraîner le club). Mais les inexpérimentés Ukrainiens ne feront pas illusion à Celtic Park face à une équipe qui allait gagner la C1 dès l’année suivante. Battus 3-0, ils sauveront l’honneur à Kiev en tenant les Vert et Blanc en échec sur le score d’un but partout. La Coupe d’Europe est finie mais ils allaient retrouver le championnat moins d’un mois plus tard en commençant par une victoire éclatante 4-0 face au Zenit Leningrad.

Une compétition privée rapidement de suspense

Le championnat de Classe A, Premier Groupe avait décidé de s’agrandir en faisant passer de 17 à 19 le nombre de clubs engagés, ouvrant du même coup l’élite à huit de quinze républiques socialistes soviétiques. Les promus étaient l’Ararat Erevan ainsi que le Kairat Alma-Ata. A noter que le Tekstilshik Ivanovo est passé très près d’une montée qu’ils ne connaîtront jamais (le club est aujourd’hui englué en D2-Centre).

Le championnat s’ouvre par une surprise. Le champion en titre, le Torpedo est incapable de s’imposer à Tashkent face au Pakhtator (1-1) et renouvellera bientôt cette performance chez le promu Ararat. Le Dynamo Kiev va donc s’échapper et, après sa victoire contre le Spartak, bonne surprise de ce début de saison, lors de la dixième journée, l’avance des Ukrainiens est déjà conséquente avec huit victoires et seulement deux nuls contre les deux équipes d’Odessa. Jusqu’à la fin juillet, le Dynamo fera pourtant encore trois fois 0-0, portant à cinq le nombre de leur prestation se terminant sur ce score pour treize victoires. Ils sont donc invaincus alors que le Spartak a baissé de pied, le Torpedo déçoit et Dinamo comme CSKA sont très irréguliers. C’est donc chez les outsiders qu’il faut trouver les concurrents des hommes de Viktor Maslov : le Neftyanik Bakou mais surtout les très surprenants Ouzbeks du Pakhtakor Tashkent, toujours invaincus également (sept victoires pour onze nuls). En bas du tableau, le Loko et le Krylya Sovetov sont en grandes difficultés mais ce sont les militaires du SKA Odessa qui ferment la marche en étant parvenu qu’à seulement remporter le derby face au Chernomorets.

Le SKA Odessa ne regagnera d’ailleurs plus de la saison et sera relégué en Classe A, Deuxième Groupe pour la saison prochaine. C’est le 22 août que tombera pour la première fois le Dynamo en championnat, sur la pelouse du champion en titre, le Torpedo Moscou, en plein redressement. Tout le contraire du Pakhtakor qui s’effondre et va perdre huit de ses dix-huit matchs retour. Le Dynamo Kiev ne reperdra pas de sitôt et sera champion dans une saison qui restera comme une des plus incompréhensibles de l’histoire soviétique, au-delà de la première place. Les journées étant mélangées et aucune équipe n’arrivant à dégager une dynamique, c’est le SKA Rostov-na-Donu qui va réussir à se hisser à la deuxième place pour la seule fois de son histoire. Ce sont leurs deux attaquants, Gennadiy Matveev (né à Rostov) et Oleg Kopaev (ex-meilleur buteur du championnat), qui les ont portés, bien aidés par les deux défenseurs internationaux Getmanov et Afonin, pour atteindre une médaille d’argent inattendue.

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Viktor Maslov | © footballtop.com

Les troupes de Viktor Maslov vont elles être omniprésentes dans les récompenses de fin d’année. Vasiliy Turyanchik derrière, Jozhef Sabo et Fyodor Medvid au milieu ainsi que Andrey Biba et Anatoly Byshovets devant seront élus dans le premier onze de la saison. D’autres, comme le jeune Vladimir Muntyan, allaient se révéler au grand jour. Valeriy Pokuryan, fraîchement débarqué du Chernomorets, sera également remarqué en attaque alors qu’Ostrovskiy et Khmenlnitskiy sont toujours fidèles au poste. Le grand Serebryannikov a lui raté une bonne partie de la saison sur blessure. Avec neuf points d’avance (du temps de la victoire à deux points), les Kievchany ont donc survolé la saison mais ont tout de même subi deux nouvelles défaites en fin de saison…

Première historique entachée d’une ombre

A l’automne, la deuxième place n’est pas acquise pour le SKA Rostov-na-Donu qui se bat encore contre le Neftyanik Bakou (aujourd’hui Neftchi) mais aussi contre certains clubs de Moscou sur le retour (Spartak, CSKA et Torpedo). Les joueurs du Neftchi auraient donc, selon certains joueurs de l’époque, décidé de soudoyer les invincibles du Dynamo. Il est important de noter que dans cette saison de toutes les surprises, le Neftchi obtiendra son seul podium de l’histoire (au même titre que le SKA Rostov). Viktor Serebryannikov raconte qu’ils ont eu rendez-vous avec les joueurs du Neftchi à l’hôtel Ukraina, mais aussi que Byshovets n’était pas emballé par l’idée craignant que quelqu’un l’apprenne. Serebryannikov rajoute qu’après avoir demandé à ce dernier de rendre l’argent, il lui aurait couru derrière pour lui dire qu’il plaisantait. Néanmoins et toujours selon Serebryanikov, Anatoly Byshovets aurait réalisé un grand match ce soir là et même marqué, alors que le Dynamo allait s’incliner 2-1 (un but d’écart ayant été le contrat pour ce match). L’entraîneur, Viktor Aleksandrovitch Maslov, est parti en pleurant car ses joueurs l’avaient trahi : « On ne l’a pas mis au courant car il avait entraîné Rostov, et il était naturellement pour eux dans la bataille pour la seconde place. Mais j’ai décidé de le mettre au courant après coup, et en voyant l’argent il m’a dit ‘on va m’arrêter, c’est sûr‘ « .

Vitalyi Khmelnitskiy
Vitalyi Khmelnitskiy | © handinglove.co.uk

Mais pour Vitalyi Khmelnitskiy, autre joueur de l’époque, l’argent n’a joué qu’un petit rôle car pour lui il était très important de faire ça pour s’assurer que « Moscou finisse pour la première fois sans médaille !« . Il affirme qu’il aurait fait la même chose sans pot-de-vin. Chose qui reste difficile à vérifier car même si à la fin, Spartak, CSKA et Torpedo ont échoué aux quatrième, cinquième et sixième places, il restait quelques journées à jouer qui auraient pu leur permettre de se hisser sur le podium. Après cela, le Dynamo perdra une dernière fois contre le Dinamo Tbilissi, club contre lequel les coéquipiers de Khmelnitskiy auraient accepté de perdre, mais cinq ans plus tard.

Après avoir été les premiers à représenter le football soviétique en C2, le Dynamo Kiev allait dont devenir le premier club Rouge a participer à la C1 où ils prendront leur revanche sur le Celtic avant de tomber face au Gornik Zabrze. C’est le Torpedo qui lui va représenter un an plus tard l’URSS en C2 malgré sa défaite en finale en coupe contre ce même Dynamo Kiev, auteur du doublé après avoir éliminé le Zenit, le Dynamo Minsk, le Spartak et le Dinamo Stavropol au cours de la compétition. A noter la présence de deux équipes de divisions inférieures en quart de finale avec Uralmash Sverdlovsk et le Shinnik Yaroslavl.

La montée d’un futur champion

Le deuxième groupe de la Classe A a été agrandi à 53 équipes réparties en trois groupes plus ou moins géographiques. L’un d’eux comprenait les équipes ukrainiennes et moldaves avec quelques équipes de Russie centrale alors que les autres équipes de Russie centrale étaient dans un groupe avec les républiques baltes et caucasiennes. Le troisième groupe se trouvait plus à l’est avec notamment l’Asie Centrale, la Sibérie ainsi que l’Oural.

Dnipro, Tavriya, Karpaty, Gomel, Rubin, Terek, Rostov, Ural, Luch ou encore bien d’autres : ce sont beaucoup d’équipes qui nous sont familières qui se retrouvent dans ce championnat mais ce sont trois autres équipes qui vont remporter leurs groupes pour s’affronter lors d’une poule finale : le Zalgiris Vilnius, le Politotdel région de Tashkent (devenu Dustlik avant de mourir aux débuts des années 2000) qui ne connaîtra plus jamais une aussi belle saison, mais surtout le Zorya Lugansk qui va gagner le droit de monter pour la première fois. Huit ans après avoir retrouver son nom de Lugansk, la ville accède donc au premier groupe au cours de cette année ou tout réussi à l’Ukraine. Six ans plus tard et redevenu Voroshilovgrad (après la mort de Voroshilov en 1970 et sa réhabilitation), le Zorya créera une des plus grosses surprises de l’histoire du football soviétique en devenant champion. Dans la bataille pour la quatrième place, c’est le Shakhtyor Karaganda qui s’est imposé devant le Tekstilshik Ivanovo ainsi que le SKA (futur CSKA puis Arsenal) Kiev.

En Classe B aussi, certains noms nous parlent aujourd’hui : Neman Grodno, Granitas Klaipeda, Torpedo Armavir, Lokomotiv (Enisey) Krasnoyarsk, Irtysh Pavlodar, Kryvbas Kryvoi-Rog ou encore Volyn Lutsk. Ce sont d’autres équipes qui vont gagner leurs montées suite à des phases interminables. Côté républiques unies, ce sont les Géorgiens du Meshakhte Tkibuli (devant les ancêtres de Sumgayit et de Gandzasar ainsi que le Neman Grodno) qui remportent le précieux sésame alors qu’en Russie et après bien des demi-finales, le Lokomotiv Kaluga, le Spartak Ordzhonikidze (devenu Alania Vladikavkaz à l’indépendance) et le Metallurg Tula sont promus aux dépens du Tsement (Chernomorets) Novorossiysk. En Asie centrale, la victoire est pour le Pamir Leninabad (devenu Khurdjand, toujours bien placé en championnat tadjik). Enfin, en Ukraine et après match d’appui, c’est l’Avangard Zheltye Vody (littéralement eaux-jaunes) qui a disposé du Dinamo Khmelnitskiy (rien à voir avec le joueur du Dynamo Kiev).

On termine avec l’équipe-type du championnat d’URSS 1966 : Yashin (Dinamo Moscou), Ponomaryov (CSKA), Shesternyov (CSKA), Turyanchik (Dynamo Kiev), Danilov (Zenit), Sabo (Dynamo Kiev), Medvid (Dynamo Kiev), Chislenko (Dinamo Moscou), Byshovets (Dynamo Kiev), Biba (Dynamo Kiev), Matveev (SKA Rostov).

Privés de médaille par le duo Eusebio – Torres

Qu'il soit sur ou en dehors des terrains, Lev Yashin est l'incarnation de la classe. | © Kroon, Ron / Anefo
Qu’il soit sur ou en dehors des terrains, Lev Yashin est l’incarnation de la classe. | © Kroon, Ron / Anefo

Si l’on ignore les matchs amicaux fantaisistes aux quatre coins du monde (Elfsborg, Gremio, Wacker Innsbrück, CSKA, Cruzeiro, Dinamo Zagreb et plein d’autres), la Sbornaya a joué seize matchs officiels pour neuf victoires, avec en point d’orgue la Coupe du Monde en Angleterre où ils vont se sortir d’un groupe compliqué : 3-0 contre la Corée du Nord, 1-0 contre l’Italie et 2-1 contre le Chili. La Hongrie ne résistera pas non plus en quarts de finale : deux buts de Pokuryan et Chislenko permettront de s’imposer 2-1 pour retrouver la RFA en demi-finale. Ce sera la première défaite des Rouges en 1966, 2-1, avant d’en connaître une autre sur le même score au cours du match pour la troisième place, crucifiés à la 87e par Torres, l’acolyte d’Eusebio au Benfica.

L’année se terminera plus mal car, sans doutes déçu par le résultat de la campagne anglaise, l’URSS s’inclinera lors de deux de ses quatre matchs amicaux, contre l’Italie et la Turquie. Shersternyov et Banishevskiy sont les deux joueurs ayant été le plus utilisés en 1966 par Nikolay Petrovich Morozov. C’est Igor Chislenko du Dinamo Moscou qui a inscrit le plus de buts pour la sélection alors que les buts ont été défendus le plus souvent par le légendaire Lev Yashin.

Adrien Laëthier


Image à la une : Lokomotiv, 1956, tour du Canada |  © stas71.blogspot.com

3 Comments

  1. Morel 27 juin 2018 at 20 h 25 min

    Bonjour, je ne sais pas si vous consultez encore ce site. En septembre ou octobre 1966 j’ai assisté à un match Torpedo Spartak à Moscou, stade Lénin, aujourd’hui Luzhniki. J’aimerais connaître la date et le resultat. Vous connaissez un site où je peux trouver cet information? Merci.

    Reply

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