Souvenez-vous. On vous avait déjà parlé de la crise et du football grec. On était resté sur le sportif, décrivant le piteux état d’une sélection championne d’Europe en 2004 qui ne sera pas au prochain Euro. Mais il y a des choses qui, dans le football, sont récurrentes. Le Barça qui pratique un « beau jeu » . Cristiano Ronaldo qui marque un pénalty. Les clubs anglais qui ne réussissent pas en coupe d’Europe. En Grèce, on a l’Olympiakos qui enchaîne les titres. Mais, surtout, les problèmes de salaires impayés. Un mal qui n’est pas exclusif à la Grèce, mais qui cause beaucoup de torts à un football déjà fragilisé par la crise qui touche le pays. Lassés, épuisés, les joueurs avaient décidé de se mettre en grève. Et, puis, finalement, non. Sans que personne ne sache trop ce qu’il se passe.

Un fond créé … mais inactif

Chaque année, des joueurs vont tenter leur chance en Grèce. Souvent, ils viennent de divisions inférieures, comme le National ou le CFA en France, attirés par la perspective d’un contrat professionnel et d’un cadre de vie souvent appréciable, ainsi que la possibilité de taper dans l’oeil de club plus huppés et d’avoir du temps de jeu. Alléchant sur le papier, mais souvent (beaucoup) moins dans la réalité. La liste de ceux ayant quitté leur club au bout de quelques mois ces dernières années est tellement longue qu’il me faudrait plusieurs articles pour y venir à bout. Pour faire face à ce problème bien connu et enraciné dans ce beau football grec, l’association des joueurs professionnels (la Panhellenic Association of Paid Footballers en anglais, PSAP en VO) avait signé, il y a deux ans de cela (en janvier 2013 pour être précis), un accord avec la fédé (la fameuse EPO). L’objectif ? Mettre en place un fonds monétaire pour aider les joueurs libérés par les équipes en difficultés financières (c’est à dire une grande majorité des clubs grecs) à toucher au moins une partie de leur dû. Ce sont près de 500 joueurs qui sont concernés par cette mesure depuis la saison 2012-2013, comme le précise Sport-Fm. À chaque fois, le montant de la somme due est compris entre 8 et 12.000 €. Loin d’être insurmontable, même pour un petit club.

Une idée intelligente en soi, presque inattendue dans un pays où ce genre de proposition est rare, et qui aurait pu apporter une aide bienvenue à des joueurs bien loin du niveau de vie des grands championnats. Concrètement, il devait fonctionner de la sorte : chaque équipe de Super League était censée donner 15.000 €, 8.000 € pour celles de Football League (D2) et 3.000 € pour celles évoluant en troisième division, histoire de créer une sorte de pot commun géant. Il faut savoir que les salaires dans les équipes grecques (hormis les quatre ou cinq gros clubs de Super League, voire un peu plus) ne sont pas très élevés, surtout dans les divisions inférieures où certains joueurs touchent moins de 1.000€ mensuels. Sauf que toutes les équipes n’ont, malheureusement, pas donné ces sommes. De quoi fragiliser un dispositif dont les règles de fonctionnement n’ont jamais vraiment été ratifiées, malgré une multitude de réunions et un semblant d’intérêt de la part du ministère. Les ligues, elles, ont montré un désintérêt presque total. La situation s’est donc empirée, surtout que les clubs profitent souvent de la possibilité de repartir en D3 avec effacement des dettes pour éviter de payer ces mois d’arriérés. L’AEK il y a deux ans, l’OFI Crète et Niki Volou l’an passé : autant d’exemples de clubs relégués dont les joueurs sont partis libres sans jamais revoir la couleur d’un argent qui aurait dû leur revenir.

En Grèce, rien ne se passe comme ailleurs, aussi bien sur, qu’en dehors du terrain. On ne le sait que trop bien, et c’est une des choses qui fait son charme. Dans un degré raisonnable, toutefois. Les rares bonnes idées émergeant des hautes instances ne vont jamais plus loin que les paroles, et ce fond n’y échappe pas. Tant et si bien que deux ans après, rien n’a évolué et le football grec revient à la une des sites internationaux pour un mouvement de grève annoncé, puis finalement annulé. « Les joueurs ont été forcés d’aller au-delà des limites de la tolérance et de la patience, et ils sont fatigués d’entendre seulement des promesses », expliquait Dionysios Dimopoulos, président déterminé du PSAP, au début du mois de décembre. La solution était donc toute trouvée et logique : une grève du football. Tout simplement. « Il n’y a pas d’autre moyen pour préserver notre existence professionnelle, économique, athlétique et matérielle », ajoutait l’ancien joueur, qui défend maintenant les intérêts de joueurs de plus en plus fragilisés, et qui renoncent souvent à certains de leurs droits pour que les compétitions puissent continuer.

La Coupe et la Super League touchées par la grève

Si vous espériez vous délecter des matchs de coupe de Grèce prévus cette semaine (du 15 au 17 décembre), il vous faudra sûrement faire une croix dessus. C’est en effet à cette date, qui correspond à la phase de groupe où s’affrontent les équipes de Super League et de Football League (D2), que le mouvement de contestation devait débuter. Enfin ça, c’était avant. Finalement, les matchs se sont déroulés normalement. L’Iraklis (victoire 2-0 sur la pelouse d’Acharnaikos) et le PAS Giannina (nul 0-0 sur la pelouse de Karditsa), deux équipes pensionnaires de Super League, ont décroché leur billet pour la phase suivante. Cette vraie-fausse grève fait suite à des avancées notables, ou du moins une certaine prise de conscience de la part des autorités compétentes. Le coup de pression semble avoir fonctionné.

« L’état d’esprit était à la solidarité. Nous avons mis en commun nos solutions au problème. Le fonds de garantie sera immédiatement utilisable et pourra aider les joueurs », détaille Dionysis Dimopoulos, visiblement satisfait, après avoir obtenu ce mardi l’assurance que le fond allait être mis en place. Mais celui qui suit le football grec sait, mieux que quiconque, que la vérité d’un jour peut devenir le mensonge du lendemain. En d’autres termes, si les choses semblent enfin aller dans le bon sens, il n’est pas impossible qu’une vraie grève ait lieu à l’avenir. Parce que la situation est assez grave.

Certaines équipes ont déjà « perdu » des joueurs, rentrés au pays, et d’autres sont même tout près de la banqueroute, comme le club de Panachaiki, situé à Patras et pourtant fondé en 1891. L’écart entre ces clubs fragiles, où les contrats d’un an sont légion et où les indemnités de transfert sont aussi rares que les bonnes performances de la sélection nationale, et ceux jouant l’Europe est abyssal. Difficile d’imaginer un Cambiasso ou un Essien, ou même Berbatov, se soucier de ce genre de problème, avec leurs salaires confortables qui tombent chaque mois sur un compte à l’étranger. Le football grec a souvent fait avec ces difficultés mentionnées ci-dessus. Mais là, le point de non-retour semble atteint. Toutes les possibilités ont été utilisées, sans succès. Rien ne s’est amélioré, bien au contraire. Difficile d’imaginer un avenir à moyen terme pour les divisions inférieures, où toucher sa paie est un véritable miracle. Et on peut même avoir peur pour la Super League, avec des joueurs étrangers de plus en plus méfiants et réticents (à raison) à l’idée de venir en Grèce, et des agents qui redoublent de prudence lorsqu’il s’agit de parapher les contrats.

Un football malade

Le mouvement devait aussi s’étendre à la dernière journée de championnat avant la courte pause hivernale, prévue entre les 19 et 21 décembre prochain. L’image renvoyée aurait alors été terrible aux yeux du reste du monde. Celle de stades vides, sans public ni joueurs. Sans football. Un reste du monde par ailleurs habitué à lire les mots « crise », « violence » et « corruption » dès lors qu’il s’agit de football grec. Mais ce n’est, au final, que le cheminement logique d’une situation qui se délite d’année en année, et de clubs aux pratiques peu regardantes vis-à-vis des joueurs qu’ils font venir. Des joueurs qui, ensuite, se retrouvent ensuite sans contrat à une période où, bien souvent, les effectifs sont déjà bouclés. Certains d’entre eux passent plusieurs mois à attendre un signe d’un club, avant de rebondir dans des divisions moins huppées. Constamment sur le fil, ces clubs finissent par couler inlassablement vers les profondeurs du football héllène. En enterrant, au passage, le rêve footballistique de joueurs désireux de se faire un nom et une histoire.

Dans cette situation qui semble sans solution, les rares initiatives ne sont pas soutenues. Du moins, c’est la sensation qu’ont ceux qui se battent pour sauver ce qui peut encore l’être. « Nous ne demandons rien de plus que d’activer le mécanisme de libération qui a été convenu. Nous ne voulons rien de plus que ce que nous sommes en droit d’avoir », précisait, désabusé, Dionysios Dimopoulos, avant cette issue heureuse. Car lui, mieux que quiconque, sait combien il est dur d’obtenir gain de cause et des avancées dans ce football malade. Malade des mêmes maux qui frappent le pays. Et qui empêchent toute progression.

Martial Debeaux


Image à la une : © sport-fm.gr

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