Formé au PSG, Gaël Nlundulu fait aujourd’hui les beaux jours de l’Aris Salonique en troisième division grecque après des passages en Suisse ou encore en Bulgarie. Entretien avec un baroudeur de 23 ans.

Toi qui es formé au PSG, tu ne penses pas que c’est devenu un peu compliqué pour les jeunes de percer dans ce club ?

C’est clair qu’au jour d’aujourd’hui, c’est plus difficile. Mais bon, à partir du moment où tu es un joueur qui a des qualités, et qui croit en toi, il ne doit pas y avoir de problèmes. Ensuite, à mon époque, je pense que sortir, c’était plus difficile parce qu’il avait des règles qu’il n’y avait pas auparavant au niveau de la FIFA. Devenir joueur professionnel, ce n’est pas difficile à partir du moment où tu travailles, mais en parlant du PSG, ils ont quand même sorti du monde. Forcément, ils ne jouent pas tous, mais je ne pense pas que ce soit si dur que ça de devenir professionnel. Mais ça, c’est mon point de vue.

Quand tu étais au PSG, quels étaient les joueurs les plus prometteurs avec toi ?

Ce sont surtout ceux qui étaient en sélection. On pensait qu’ils allaient finir loin. Dans ma génération, j’étais l’un des seuls qui y jouaient et, au final, ce n’est pas moi qui ai fini le plus haut.

J’ai d’autres amis qui ont fini plus hauts que moi, donc cette question-là, je ne sais pas quoi répondre. Je pense que c’est le travail qui paie. Quand tu es jeune, tu penses pouvoir percer par le talent, que d’autres vont réussir à le faire et que toi tu peux également y arriver. Parce que tu es au-dessus, mais, en fait, ça ne se passe pas comme ça. Au final, c’est surtout ceux qui ont le plus travaillé qui vont sortir.

Quand tu es parti en Angleterre, ça avait fait un peu de bruit. Comment l’avais vécu ?

Ça les faisait chier, parce qu’à l’époque où je suis parti, tout le monde pensait que c’était pour l’argent. Les Français n’aiment pas perdre des joueurs au niveau de la formation, mais bon, au jour d’aujourd’hui, ça se fait davantage. Mais quand je suis parti, ça ne se faisait pas autant.

Moi je suis parti, ça a fait un peu de bruit parce que c’était le Paris Saint-Germain qui perdait un de ses jeunes espoirs, mais bon après, c’est le football. Je suis parti pour des raisons familiales, je n’ai pas grandi dans une famille aisée et, à cette époque-là, c’était la période des émeutes où j’habitais. On m’a offert une opportunité de mettre ma famille à l’abri et c’est ce que j’ai fait.

Quand tu arrives à Porsmouth, c’était comment ? Conforme à ce que tu attendais ?

C’était un autre monde, une autre culture, une autre vision de voir les choses. C’était totalement différent. Après, j’ai été surpris. Il y a un temps d’adaptation, forcément, surtout à mon âge vu que j’avais 16 ans. Mais bon, j’étais bien entouré, donc ça a été. Pour d’autres, c’était une erreur d’y aller. C’était une chance pour moi que j’ai saisie, mais quand d’autres voient mon parcours et où j’en suis aujourd’hui, c’est plus qu’une erreur qu’autre chose. Mais bon, c’est le football. Il faut faire des choix.

Quand on voit des joueurs comme Coman qui partent du PSG et qui réussissent, tu dirais qu’un jeune qui a l’opportunité de partir doit tenter sa chance ?

Je pense que si le projet est intéressant, il faut partir. Kingsley Coman a quitté le PSG parce qu’ils ne lui ont pas donné ce qu’il voulait, il n’avait pas assez de temps de jeu et il en voulait plus. S’il pensait trouver ça ailleurs, il a fait le bon choix, et aujourd’hui il est au-dessus.

En Angleterre, ton aventure s’est finie à cause de problèmes financiers.

Ouais, c’est exactement ça. Ils ont déposé le bilan et voilà, il me restait un an de contrat. Ensuite, j’ai voulu revenir jouer en France, mais bon, j’ai été mal accueilli. On m’a un peu fait tourner en bourrique.

On m’a fermé les portes bien comme il faut, mais bon, je n’en veux à personne.

Le fait d’être parti jeune t’a collé à la peau ?

Ouais, ça m’a bien collé à la peau même, du genre « vous voyez Gaël, il est parti jouer en Angleterre, il n’a pas réussi, maintenant il essaye de revenir ». Disons que j’étais un bon exemple pour d’autres. Mais bon, ça ne me dérange pas.

Au niveau de la sélection, ça t’a joué des tours ?

Non, même en jouant en Angleterre j’étais appelé. Après, c’est difficile. Aujourd’hui, c’est plus facile quand tu joues à l’étranger d’être sélectionné, alors que quand moi je jouais, ce n’était pas autant ouvert. On m’a fermé les portes bien comme il faut, mais bon, je n’en veux à personne.

Après ces essais, tu signes en Suisse, à Lausanne.

Exact. J’ai fait six mois sans jouer, et ensuite j’ai signé en Suisse. J’ai fait un an et demi. Je suis arrivé en janvier, le club était en deuxième division, on a fait la montée. Et après, l’année suivante, en première division, je n’ai pas beaucoup joué parce que je ne rentrais tout simplement pas dans les plans du coach.

Et là, tu pars en Bulgarie. Tu en retires quoi comme bilan ?

C’était une autre culture, quelque chose de nouveau. J’étais avec d’autres Français, d’autres joueurs qui ont joué au PSG. Je pensais que ça allait aussi être un tremplin pour moi pour trouver un autre pays, avoir plus de temps jeu parce qu’en Angleterre, à Lausanne, j’avais fait quelques matchs professionnels, mais pas assez, et en Bulgarie ça a été. J’ai fait plusieurs matchs.

Comment expliquer qu’autant de Français finissent en Bulgarie ?

S’il y a autant de monde en Bulgarie c’est surtout car on retrouve beaucoup de joueurs talentueux en France. Après, je dirais que c’est clair qu’en Bulgarie, ils aiment les joueurs type « profil français ».

Et au niveau de ce que l’on peut entendre parfois sur le racisme, toi tu l’as vécu ?

C’est quelque chose que j’ai vécu, mais bon pas dans l’excès. C’est-à-dire que sur quelques terrains, il y a eu des cris de singes, mais je n’ai pas été traumatisé plus que ça. Ça a été. Ce n’est pas normal, mais ça a été.

La vie, par rapport à la Suisse et l’Angleterre, c’était comment ?

La vie est moins chère mais bon, la Bulgarie c’est les pays de l’Est quoi. Moi, j’étais dans les plus grandes villes de Bulgarie (Burgas et Sofia), donc ça a été. J’ai connu d’autres personnes qui jouaient dans des villages, et ce n’était pas évident.

© allaboutaris.com
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Après ça, tu signes en Grèce. Tu connaissais l’histoire de l’Aris ?

Je connaissais un peu. Mais bon, quand je suis arrivé à l’Aris, le club était en D2, il y avait beaucoup de problèmes, il a été rerétrogradé en D3. Ce n’était pas évident. En fait, j’ai signé à l’Aris, mais en retard car le club, entre-temps, a été rétrogradé.

Je n’ai pas joué durant les six premiers mois, je ne faisais que m’entraîner. Il y a eu un changement de président, et le nouveau qui est arrivé ne me voulait plus dans l’effectif. Puis, je suis parti jouer en Angleterre, mais ça n’a pas pu se faire vu que l’Aris ne m’a pas donné ma lettre de sortie. Je suis donc revenu. Un autre président est arrivé, et lui me voulait.

Là, on est à 7 ou 8 points d’avance, on va monter facilement.

J’ai joué les six derniers mois, malheureusement on n’est pas monté. Cette année, c’est toute autre chose. Il y a encore un nouveau président, un gros effectif, des gros joueurs. Là, on est à 7 ou 8 points d’avance, on va monter facilement.

Comment juges-tu le football grec, dont on entend souvent parler en France pour le côté négatif (corruption, retard de paiement) ?

J’ai connu la corruption en Bulgarie, en première division, mais s’il y a eu des matchs truqués ou quoi que ce soit, moi on ne m’en a pas parlé personnellement. Après, ça existe, il ne faut pas se mentir. C’est clair que je joue en division inférieure, mais quand tu es à l’Aris, tu ne vois pas les choses de cette manière. Quand tu es à l’extérieur, il y a 3 ou 4000 personnes qui viennent, quand tu es à domicile, c’est 10-12000.

Justement, tu me parlais de l’effectif. Avec Koke et Raul Bravo, entre autres, ce n’est pas commun pour une équipe de D3.

Ce n’est pas commun du tout, même (rires). C’est difficile à croire, mais on a un gros potentiel. On a beaucoup de joueurs d’expérience, qui ont joué à haut niveau. Koke et Raul sont plus connus parce qu’ils ont joué à l’étranger, mais on a d’autres joueurs qui ont un gros palmarès en Grèce, donc c’est bien pour nous.

Quand tu es à l’Aris, il vaut mieux gagner. Surtout quand tu es en troisième division.

Koke, qui vient de revenir, il est comment au niveau de la forme ?

Il n’est pas mal, il revient tout doucement. Ça fait un an qu’il n’a pas joué, il faut être compréhensif. Mais ça va il n’est pas mal. Tout doucement, mais sûrement, il revient. C’est une légende de l’Aris.

Comment te vois-tu dans ce projet ? Plus sur le moyen long terme ou tu te vois rebondir dans un plus gros club en fin de saison ?

À l’Aris, j’aimerais bien me voir dans du long terme. Je suis dans un projet où on vise la première division dans les deux ans, j’aimerais la jouer avec l’Aris. Dans la vie, on n’a pas toujours ce qu’on veut, donc je travaille pour, et si je rentre toujours dans les plans du président et du coach, ce sera un plaisir de rester ici.

Au niveau des supporters, on sait qu’ils sont un peu chauds, et engagés politiquement. Vous le sentez un peu ?

Ah, on le sent plus que bien même. Je ne sais pas quoi dire à ce niveau-là, l’Aris c’est le club des fans, donc ils ont leur mot à dire. Moi je n’ai pas de problèmes là-dessus. On n’échange pas directement avec eux, mais on échange. C’est-à-dire qu’ils font passer leurs messages. Quand tu es à l’Aris, il vaut mieux gagner. Surtout quand tu es en troisième division.

Le niveau de cette D3, il est comment ?

Il faut se le dire, il est faible. Mais bon, après tu as des équipes qui jouent contre l’Aris et chaque match tu joues contre des gars qui jouent leur vie, le match de leur carrière, ce n’est pas facile. Tu as beau être déterminé, à 100%, mais quand tu joues face à onze morts de faim, ce n’est pas évident. Mais bon, il en faut plus.

Ça te permet de soigner tes statistiques du coup ?

Les statistiques, oui, j’essaie. Mais bon après, on a un bon groupe, il y a beaucoup de concurrence. J’aimerais bien faire parler les statistiques, mais chaque week-end on joue des défenses regroupées, on gagne 1-0, 2-0, 2-1 ou 3-2, ce n’est pas évident !

Ici, la plupart des gens vivent pour le football.

La vie en Grèce, hors du foot, par rapport à la Bulgarie ou même la Suisse, c’est comment ? Notamment avec la crise…

Ouais, la Grèce, au niveau du cadre de vie, il n’y a rien à dire. Là, on est le 3 décembre, je me suis entraîné en t-shirt, il fait super bon. À ce niveau-là, il n’y a pas de problèmes. Pour la crise, ce que je dis tout le temps quand on me pose la question, c’est que ce n’est pas la crise pour tout le monde. C’est plus la crise à l’extérieur qu’à l’intérieur du pays. Les Grecs, soit ils ne sont pas conscients de la situation de leur pays, ou soit ils sont conscients, mais ils continuent à vivre et ont le sourire. C’est ce que j’aime chez eux.

C’est un vrai pays de football, non ?

Ouais, ici, la plupart des gens vivent pour le football. Après, il y a d’autres sports comme le basket, mais c’est vrai que le football, je pense que c’est le n°1.

En plus, à l’Aris, c’est un club omnisports, avec plusieurs disciplines…

Il y a aussi ça en Espagne, en Turquie aussi je crois, mais en France non. À l’Aris, on a le foot, le basket, le handball, le volley. Je m’intéresse au basket de temps en temps, par exemple hier j’ai regardé l’Aris qui joue en Eurocup.

Le tout, avec une ambiance assez folle. C’est les mêmes supporters qu’au foot ?

Les mêmes supporters, je ne sais pas. Mais je ne pense pas. Il y a un groupe qui va à tous les matchs, mais je ne sais pas s’ils vont à ceux du foot aussi, je ne pourrais pas le dire. En tout cas, il y a une bonne ambiance.

Tu regardes la Super League (D1) un peu ?

Ah non, ça je ne regarde pas. J’ai des amis qui y jouent, mais je ne regarde même pas. Ce n’est pas ma catégorie, ça ne m’intéresse pas. Je suis le championnat de France, d’Angleterre, d’Espagne, bon plus l’Angleterre qu’autre chose, mais je suis le football. Je passe mon temps à regarder le football, donc je suis.

J’ai des regrets au niveau du football, mais pas de regrets au niveau de la situation de ma famille. Ça m’a fait grandir de voyager.

C’est quoi tes équipes préférées ? Le PSG peut-être ?

Oui et non. Je les suis, mais sans plus. C’est plutôt Arsenal, je suis un fan des Gunners.

À 23 ans, quel recul tu portes sur ta carrière ? Il y a des choses que tu regrettes ?

C’est clair que pour mon âge, j’ai déjà fait beaucoup de choses. J’ai joué dans 5 ou 6 clubs, ça fait beaucoup.

(Il hésite) Des regrets, oui tu en as parce qu’à partir du moment où tu es un espoir du football français et que tu joues en Grèce, en troisième division, tu penses que tu as fait des mauvais choix. J’ai des regrets au niveau du football, mais pas de regrets au niveau de la situation de ma famille. Ça m’a fait grandir de voyager.

Au niveau de la sélection, tu y penses encore ? Peut-être avec le Congo ?

J’y pense, de temps en temps. Mais bon, quand tu joues en troisième division, y penser là tout de suite c’est compliqué. Je travaille pour, j’ai beaucoup d’objectifs. Mon football, je ne l’ai pas perdu, je continue à travailler pour les atteindre, tout simplement.

Ce serait quoi tes objectifs ?

C’est de tout simplement retrouver le haut niveau, dans les quatre plus gros championnats qui sont la France, l’Angleterre, l’Espagne et l’Allemagne. Rejouer au haut niveau, tout simplement.

C’est bien parti là, déjà, pour la D2.

(rires) Pour la D2 en Grèce. Ce n’est pas mal parti, c’est clair, mais bon, on voit plus loin. Le football, ça va vite, dans un sens comme dans l’autre. J’ai connu ça.

Il y a des gens qui t’ont marqué dans ta formation, des personnes à qui tu dois pas mal de choses ?

Oui, mon premier entraîneur que j’ai eu à Villiers-le-Bel, qui s’appelle Romain Damiano et avec qui je suis toujours en contact d’ailleurs. C’est une personne qui me soutient dans tout ce que je fais, donc je suis assez fier à ce niveau-là.

Il y a aussi mon petit frère (Dan Nlundulu), qui est venu super jeune avec moi en Angleterre, il avait dix ans, et maintenant il continue à faire du foot là-bas. Il s’est bien adapté même si c’était difficile. Il joue à Southampton et est passé par Portsmouth quand j’y jouais, ensuite il a fait un an à Chelsea, et maintenant il est international anglais chez les U18, donc je pourrais dire qu’à ce niveau-là, c’est ma plus grosse fierté.

Tu partages ton expérience avec ceux, des joueurs notamment, qui te posent des questions sur ton parcours ?

Oui, des fois je reçois quelques messages, des appels, et après j’essaie de conseiller du mieux que je peux. Mais bon, après, la vie c’est une question de choix. Des fois, il faut prendre des risques qui marchent, qui paient, et d’autres qui ne paient pas.

Le plus important, c’est de choisir. La volonté de son cœur, ce n’est pas d’écouter les gens. Si tu écoutes quelqu’un qui te dit « n’y va pas » et que tu l’écoutes, tu peux avoir des regrets … Ça ne marche pas comme ça, la décision est personnelle. Une fois que tu l’as prise, que ça marche ou pas, tu ne peux t’en prendre qu’à toi-même. Après, il faut toujours écouter les conseils, faire la part des choses et prendre ta décision.

Martial Debeaux


Image à la une : © allaboutaris.com

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