A moins d’un an de la Coupe du Monde, nous avons décidé de nous replonger dans l’histoire du football soviétique des différentes (quatorze, hors Russie) républiques socialistes soviétiques d’Union Soviétique avec quatorze semaines spéciales, toutes reprenant le même format. Nous poursuivons en ce début d’année avec la cinquième: l’Azerbaïdjan. Après une introduction hier, nous abordons aujourd’hui un fait qui s’est déroulé le 30 juin 1966 et qui fait partie de la légende de la Coupe du Monde. Un fait éternellement lié à un Azéri, Tofiq Baqramov.

Le football, comme la vie, apporte son lot de moments inattendus et créé d’improbables héros. Tofiq Baqramov est l’un deux, et il vient en plus d’un pays peu connu, surtout à l’époque. On se rappela d’ailleurs de lui comme le « Russian linesman » ou « l’arbitre de touche russe ». Russe ? Pas du tout, Soviétique sans-doute mais avant tout Azéri.

Le match d’une vie

L’histoire de Tofiq Baqramov, c’est celle de la Coupe du Monde 1966 en Angleterre, c’est également l’histoire de l’Angleterre qui y a remporté le seul titre majeur de son histoire, ce qui explique la popularité de notre héros outre-manche. L’arbitre soviétique officia durant trois matchs, Angleterre – Uruguay, le match d’ouverture comme juge de touche, Suisse – Espagne ensuite à Sheffield comme arbitre principal et enfin durant la finale RF Allemande – Angleterre à Wembley où il était l’assistant de Göttfried Dinst, l’arbitre suisse.

L’histoire de cette finale, normalement tout le monde la connaît, l’a entendue ou l’a même vue. Le score est de deux buts partout (Haller et Weber contre Hurst et Peters pour les buts) à la fin du temps réglementaire et c’est la légendaire prolongation qui décide du sort de ce match. Prolongations, où peu de temps avant de s’offrir un triplé (le seul de l’histoire à ce niveau de compétition), Sir Geoffrey Hurst inscrit le but décisif. But contestable, but toujours contesté, on se demande toujours en 2017 si le but de la centième minute est effectivement valable, si le ballon a bien franchi la ligne après avoir heurté la barre transversale. Toujours est-il que si ce moment est devenu un but, on le doit à un seul homme : Tofiq Baqramov qui a décidé d’indiquer à son arbitre central que le but était bel et bien valable, provocant la colère des joueurs Ouest-Allemands.

Avant d’en arriver à ce moment de « gloire », l’homme a dédié sa vie au football. Né en 1925, officiellement dans une famille du haut de la société azérie, de nombreux doutes subsistent sur sa date de naissance réelle car il aimait raconter à ses amis, les souvenirs de l’annonce à Baku de la mort de Lénine, décédé en 1924. Ainsi, pense-t-on, il a falsifié sa date de naissance réelle afin de pouvoir rester plus longtemps sur les terrains à arbitrer. Même si, avant d’arbitrer, son rêve, comme beaucoup, était de jouer au football. Il a ainsi fait partie de l’effectif du Neftchi Bakou jusqu’à ce qu’une blessure le contraigne à abandonner le jeu pour passer de l’autre côté. Sa carrière d’arbitre a ainsi commencé en Union Soviétique en 1951.

C’est grâce à ses performances constantes et ses treize années de service rendus au football national qu’il fut inscrit sur la liste des arbitres FIFA en 1964. Deux petits matchs internationaux plus tard, le voilà propulsé en Coupe du Monde. Autre temps, autres mœurs. Mais la carrière de Baqramov ne s’est pas arrêté là, il participa une nouvelle fois à une Coupe du Monde en 1970 (arbitrant un autre match légendaire Brésil – Uruguay) et il eut également la chance d’arbitrer une finale aller de Coupe UEFA entre Wolverhampton et Tottenham ainsi qu’une Coupe Intecontinentale entre l’Ajax Amsterdam et Independiente.

© nostalgiya.az

Un nom associé à jamais au football azerbaïdjanais

Plus qu’un nom, Tofiq Baqramov est donc un symbole pour l’Azerbaïdjan. C’est à travers cet homme que le pays a fait connaître son football à l’indépendance de l’Azerbaïdjan. Le pays a multiplié les évènements pour faire connaître au monde que le « Russian Linesman » n’avait rien de Russe. C’est d’ailleurs son fils, Baqram Baqramov, qui a déclaré : « Maintenant que l’Azerbaïdjan est un pays libre, c’est justice pour lui d’être reconnu comme un membre de la nation azérie« .

Tofiq a ensuite occupé différentes fonctions au sein du football local, tôt déjà il avait mis entre parenthèses l’arbitrage pour s’occuper du Neftchi Bakou (en tant que président) mais l’expérience a tourné court, un an et un échec. Il a également été secrétaire général de la fédération de football d’Azerbaïdjan avant de s’éteindre en 1993. Un an avant sa mort, il avait pu rencontrer Margaret Thatcher qui avait déclaré que « une visite à Bakou sans rencontrer Tofiq Baqramov n’aurait pas été une visite complète« , encore un symbole de l’importance de cet homme, non seulement pour le peuple azerbaïdjanais mais également pour le peuple anglais qui a pu célébrer sa victoire à domicile grâce à son courage.

Les hommages se sont ensuite multipliés, et il est devenu notamment le premier arbitre à avoir un stade national à son nom. Aujourd’hui connu sous le naming de Bakcell Arena, le stade Tofiq Baqramov fut longtemps le principal stade de Bakou et le stade national d’Azerbaïdjan (aujourd’hui remplacé par le stade Olympique, ce stade est resté celui du Neftchi Bakou). Devant ce fameux stade se dresse une statue de l’homme en noir. Le monument a été inauguré en 2004 à l’occasion d’un match entre les sélections d’Azerbaïdjan et d’Angleterre et en présence de Michel Platini, Sepp Blatter et évidemment du (l’autre) principal héros du match Sir Geoffrey Hurst.

Le stade Tofiq Baqramov, avec la statue légendaire de l’arbitre. Des Anglais viennent régulièrement y déposer des roses. | © insidethegames.biz

Un jour donc, une action pour rentrer dans l’histoire, mais Tofiq Baqramov n’a jamais pu éteindre la polémique, car il avoue dans ses mémoires ne pas avoir vu cette image en direct et avoir pris la décision d’accorder le but car il a vu les filets trembler et que selon lui, ce n’est pas seulement la barre transversale qui a renvoyé le ballon et qu’ainsi il n’a pu avoir aucun doute quant à la validité de ce but. Voilà qui n’achèvera pas de convaincre Hans Tilkowski qui répète toujours à qui veut l’entendre que le ballon n’est jamais rentré à chaque fois qu’il participe aux évènements en mémoire de notre arbitre azéri.

Adrien 


Image à la une : © report.az

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