Deux sports sont incontournables en Russie : le football et le hockey sur glace. Alors que le football russe dégringole petit à petit, le hockey a encore de beaux jours devant eux. Que ce soit avec la KHL, Kontinentalnaïa Hokkeïnaïa Liga ou Ligue continentale de Hockey, soit le championnat pour les équipes eurasiennes, ou avec la sélection nationale de hockey. Il n’est ainsi pas rare de trouver sur internet des sondages pour déterminer lequel de ces deux sports est le plus populaire du pays. L’occasion d’y apporter un bref retour, afin d’y poser les bases.

Le lien historique football et hockey

Au cours de l’histoire sportive soviétique, le hockey et le football furent liés. Les équipes étaient régies par des Sociétés Sportives intégrant de nombreux sports. Ainsi, le hockey et le football étaient la plupart du temps les principales sections sportives des clubs.

Si aujourd’hui le cas peut prêter à l’amusement, à l’époque, il n’est pas rare de retrouver de nombreux joueurs de football faire maillot, short et crampon pour porter, l’hiver venu, tout l’équipement d’un hockeyeur. Il faut dire, aussi, que le climat russe favorise ce type de comportement, et que, s’il n’est plus d’actualité aux hauts niveaux, les enfants russes, eux, n’hésitent pas à faire perdurer cette tradition. De ces joueurs, nombreuses sont les légendes soviétiques. Des frères Starostin avec le Spartak, avec notamment Nikolai, grand joueur sur les pelouses et sur les glaces. De même, dans les années 60, le Dinamo Moscou possède alors un grand buteur, Igor Chislenko, qui n’a pas hésité à prendre la cross l’hiver venu et, par la même occasion, de venir garnir encore un peu plus son armoire à trophées.

© sports.ru
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De ces joueurs, il y en a eu beaucoup et nous avons déjà eu l’occasion d’en parler dans quelques-uns de nos articles. Ainsi, on peut également citer Valentin Granatkin, l’esprit soviétique oublié, lui, le premier vice-président de la FIFA, longtemps président de la fédération de football de l’Union soviétique et gardien de but lors de sa carrière de joueur, étant, dans l’histoire, le seul gardien à jouer pour la sélection nationale d’URSS à la fois avec l’équipe de football et celle de hockey.

Autre gardien, bien plus médiatisé, Lev Yashin, le grand monsieur du football soviétique. Joueur de football légendaire, Lev Yashin s’est également retrouvé sur les patinoires soviétiques entre 1950 et 1953 où le jeune homme ne se débrouillait pas si mal que ça. S’il était candidat à la sélection nationale avec le hockey également, le joueur a finalement préféré se concentrer sur le football avant le Championnat du monde de hockey de 1954. Un choix judicieux, qui place, encore aujourd’hui, Yashin comme l’un des plus grands gardiens de l’histoire du ballon rond.

Enfin, pour terminer ce rapide état des lieux qui montrent bel et bien les connexions présentent à l’époque entre ces deux joueurs, parlons de deux légendes. La première, Vsevolod Babrov. Premier capitaine de l’équipe soviétique de hockey, il score pas moins de 254 buts en 130 matchs de championnat d’URSS. Champion olympique, deux fois champion du Monde et d’Europe sur glace, Babrov performe aussi sur le rectangle vert, notamment avec le CDKA. Dans ce sport, l’armoire à trophées continue de se remplir avec pas moins de quatre championnats d’URSS, le dernier obtenu avec le maillot du Spartak Moscou.

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La deuxième légende se nomme Arkady Tchernyshiov. Avant de se tourner vers le hockey sur glace, sport où il devient quatre fois champion olympique et multiple fois champion du monde, Tchernyshiov joue au football sous les couleurs du Dinamo avec lequel il remporte deux championnats d’URSS. Une légende, une vraie.

Cet aparté historique met en évidence les liens sportifs très forts qui existent entre ces deux sports. De nos jours, le professionnalisme sportif fait qu’on ne retrouve plus ce caractère de polyvalence, les Sociétés Sportives n’existent plus réellement et les clubs de hockey et de football sont assez distincts. Au point que, dans certaines villes, l’un ait pris le dessus sur l’autre.

Hockey ou football ?

Il est intéressant de constater qu’en Russie, certaines villes sont plus connues pour leur club de hockey que pour leur club de football. D’où vient cette tendance ? Pourquoi, dans ces villes, le football ne perce-t-il pas ? Pourquoi certaines villes n’ont même pas de club de football ?

Les performances ont sûrement une influence sur le choix sportif. Différentes recherches ont montré que les résultats de l’équipe nationale influençaient le nombre d’abonnés la saison suivante. Le prestige et l’image du sport se répercutent sur la pratique sportive des gens, notamment des jeunes. Ce constat se retrouve aussi au niveau local. Lorsque le Metallurg Magnitogorsk remporte deux fois la Coupe Gagarine en trois ans (2014, 2016), il est évidemment logique que les locaux se passionnent pour le hockey plutôt que pour le FC Magnitogorsk qui évolue en quatrième division du football russe. Ce doit être le même constat en 2011 lorsque la franchise Salavat Yulaev d’Ufa remporte la Coupe Gagarine, le club de football se trouve alors lui aussi au troisième échelon du football national. Les statistiques sont cependant difficiles à trouver, et chiffrer l’impact d’un trophée encore plus difficile.

L’important bassin de population dans certaines villes ne change pas ce constat. Sur les 15 villes russes de plus d’un million d’habitants, seulement 7 ont leur club de football dans l’élite, dont Moscou et ses trois clubs puis le Zenit Saint Petersbourg, Ural Iekaterinburg, Rubin Kazan, Krylia Sovetov (Samara), FK Rostov et enfin le FK Ufa.

Des villes comme Novossibirsk (1 500 000 habitants), Chelyabinsk (1 200 000 habitants), Nizhni Novgorod (1 200 000 habitants), Krasnoïarsk (1 000 000 habitants) ou encore Omsk (1 100 000 habitants) ont des clubs de football dans des divisions inférieures. La majorité de ces villes ont, par contre, des clubs de hockey influents.

L’aspect géographique et climatique n’est pas une raison suffisante pour expliquer ce constat. La saison de football est de août à mai avec une pause de décembre à mars. La majorité des villes russes est concernée par le froid et la ville de Tom, se trouvant en Sibérie, évolue très bien en RPL.

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L’aspect budgétaire peut être une explication. Les clubs influents en hockey sont tenus, comme au football, en majorité par des groupes industriels puissants financièrement. Ces clubs de foot en division inférieure sont soutenus par les régions et qui dit financement régional, dit difficultés financières. L’exemple qui fonctionne actuellement est le FK Rostov qui, malgré les difficultés financières qui ont failli faire disparaître ce club, est actuellement en Ligue des Champions à la suite d’une fantastique saison. Ce n’est malheureusement pas le cas pour tout le monde. Les défauts de paiement des salaires et les infrastructures vétustes sont courants à ce niveau.

Les supporters se retournent donc vers des structures solides financièrement et performantes sportivement, peu importe que ce soit un autre sport, ou supportent un club influent totalement indépendant de leur ville d’origine. Ainsi, les clubs comme le Zenit ou le Spartak attirent énormément de supporters à travers le pays grâce à leur image, leurs nombreux soutiens et leurs performances sportives.

Faut-il s’en inquiéter ?

Pas forcément. Dans tous les pays du monde, y compris en France, certaines villes ont un autre sport plus influent que le football, ou des supporters attirés par un autre club. Le hockey doit aussi être mis en relation avec le bandy, sport qui se pratique sur la glace à 11 contre 11 avec une balle et qui prend une part importante des pratiquants.

La compétition entre football et hockey n’existe pas en soi, mais ces deux sports coexistent en attirant les habitants. Il est vrai, cependant, que la présence d’un club de football influent dans l’Extrême-Orient russe en entraînerait peut-être d’autres et attirerait des spectateurs dans les stades. Un regroupement régional Vladivostok/Khabarovsk ? On affabule, mais cela pourrait être beau.

Vincent Tanguy


Image à la une : © sports.ru

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