Temps de lecture 7 minutesDmitry Poloz, l’étoile de Rostov

Le 28 septembre 2016, Dmitry Poloz a entré son nom, non seulement dans l’histoire du club de Rostov, mais dans celui du football russe, et de l’UEFA Champions League. C’est lui qui a marqué les deux buts ramenant le premier point de l’histoire de Rostov en Champion’s League. Avant d’en arriver là, le jeune homme de 25 ans n’a pas connu toutes les facilités promises. Retour sur une carrière d’un grand espoir qui n’a percé que sur le tard.

Stavropol peut être fier de son enfant. Dmitry Poloz a grandi à l’endroit même où les cosaques du Don s’installèrent lorsque, dès la fin du XVIIIe siècle, la Grande Catherine fit don des riches plaines de Stavropol à des paysans affranchis afin qu’ils protègent les frontières méridionales de son Empire Russe. Prenant de l’importance, cette cavalerie d’élite devint la plus grande et la plus influente de Russie, allant jusqu’à effectuer par grand froid une traversée des Alpes réputée infaisable pendant la guerre entre Napoléon 1e et la Russie. Dans le même temps, ils poursuivaient toujours l’objectif de protéger les frontières de l’Empire russe, repoussant celles-ci de plus en plus loin au Sud.

Leurs descendants accomplirent moins de miracles. La ville de Stavropol, qui fut un temps capitale de la République Socialiste de Stavropol, n’est pas vraiment réputée pour ses équipes de sport. Son Dynamo Stavropol, malgré un titre de champion de Russie en 1949, végète en troisième division miné par des problèmes financiers qui ont mené à sa dissolution et sa reformation plusieurs fois ces dernières années. Il reste malgré tout intéressant d’y voir débuter quelques descendants de ces cosaques durs au mal. Roman Pavlyuchenko, l’homme du kraï voisin de Krasnodar, y a débuté. Tout comme les natifs de la ville Ilya Kutepov et Dmitry Poloz, tous deux nouveaux internationaux russes. Mais ce n’est pas dans ce Dynamo peu stable, malgré la ferveur de quelques passionnés à l’origine de ce beau site de fans (http://www.dynamost.ru/), que l’on peut envisager un développement suffisant pour voir les étoiles.

Dmitry Poloz, du talent à revendre

Certains enfants trouvent leur voie tardivement. Ce n’est pas le cas de Dmitry Poloz, qui, dès son plus jeune âge, avait trouvé la clé pour croire en ses rêves : « Naturellement, comme tous les garçons dans la cour, je jouais à des jeux différents – du basket-ball au volley-ball en passant par celui des flics et des voleurs. Mais le football a toujours été la priorité. Mon père m’emmenait souvent jouer au ballon. Il a voulu faire de moi un joueur de football » a révélé Dmitry Poloz pour AIF-Rostov.

Après quelques entraînements, les gars ont vu que je jouais bien et ils ont commencé à dire : « Hey ! Il est meilleur que Kokorin ! »

C’est aussi son père qui l’inscrivit à l’école de football du Dynamo Stavropol où il joua jusqu’à ses 13 ans : « Ils recrutaient des joueurs à partir de 10 ans mais j’ai été pris à sept ans. S’entraîner avec des plus grands n’était pour moi pas du tout difficile. Quelques années plus tard, j’ai appris qu’un ami partait faire un essai au Lokomotiv Moscou. J’y suis allé pour lui tenir compagnie. En conclusion, ils m’ont pris, mais pas lui ! », se souvient Dmitry pour AIF-Rostov. C’est ainsi qu’en 2008, il prépara ses bagages direction l’internat du Lokomotiv dans la capitale. Un déracinement loin de sa famille, ses amis, sa ville: « Je me souviens que mes parents m’ont beaucoup manqué. C’était vraiment difficile. Mais en grandissant, j’ai compris qu’au Lokomotiv, toutes les conditions étaient réunies pour ma croissance ». Une intégration d’autant plus facile qu’il trouva un ami avec qui partager les moments de blues et de joies : Aleksandr Kokorin, l’enfant terrible du football russe. Il confiait la rencontre à sovsport.ru : « Nous avons passé beaucoup de temps ensemble mais nous ne nous sommes pas rencontrés dès le début. Quand je suis arrivé à l’internat, Kokorin était dans l’équipe junior du championnat russe. Après quelques entraînements, les gars ont vu que je jouais bien et ils ont commencé à dire : « Hey ! Il est meilleur que Kokorin ! ». Waow. Kokorin était déjà une superstar chez les jeunes et tout le monde savait qu’il deviendrait un top player. J’ai été vite promu et on a commencé à jouer ensemble ».  

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Poloz, Kokorin & Roberto Carlos : trio de choc

Puis Kokorin, mécontent des termes du contrat, s’en alla au Dinamo, où il joua son premier match à 17 ans. Son ami Poloz, lui, ne décollait pas du Lokomotiv B. Son statut de grand espoir russe se confirma pourtant lorsqu’il participa et remporta le tournoi Granatkin en 2009 avec la Russie et Kokorin. Mais au retour, rien ne changea. Les années se suivirent et se ressemblèrent. Les promesses de prêts n’aboutissaient jamais et au mieux, Poloz pouvait aspirer au banc de l’équipe première. En 2012, à 21 ans, le jeune homme était l’un de ses éternels espoirs russes qui n’arrivent pas à percer. Beaucoup pensaient sa carrière vouée à l’échec, à l’instar de nombreux jeunes talentueux avant lui. C’était en tout cas l’avis de la présidente du Lokomotiv Olga Smorodskaya, qui déclara publiquement que Poloz ne serait jamais en mesure d’atteindre son potentiel. Une déclaration choc qui n’a même pas affecté le premier intéressé : « Comment pourrais-je être offensé par quelqu’un qui ne m’a jamais adressé la parole ? Je connaissais ma valeur et je savais que j’avais un avenir dans le football. Je ne me soucie pas plus de ce qu’elle a dit. Chacun a le droit d’avoir son opinion ».

La délivrance à Rostov

L’heure est au retour aux sources. Non pas au Dynamo Stavropol, bien mal en point, mais à Rostov sur le Don, capitale de l’Oblast voisin où il retrouva deux compères du centre de formation du Loko : Vitali Dyakov et Igor Smolnikov. La « Porte du Caucase » est l’une des plus importantes cités du sud de la Russie et aussi une autre place forte emblématique des cosaques du Don. Un endroit particulier, où les habitants pensent qu’il n’y a pas une autre ville au monde plus belle que la leur. Une ville branchée, hors du temps, avec ses rues formant des grilles, ses anciens entrepôts où l’on peut se baigner, son immense centre résidentiel Tchekov. C’est dans ce Chigaco Russe que Poloz a choisi de relancer sa carrière, en acceptant un contrat aux mêmes conditions financières qu’au Lokomotiv mais avec la garantie que l’on compterait enfin sur lui.

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La famille, pilier de Dmitry Poloz | © fc-rostov.ru

Ce qui se passe lors de la saison 2013-2014, lors de laquelle il joue 22 matchs. La suivante est paradoxale. Poloz signe un nouveau contrat avant la saison, quelques jours avant l’arrivée d’un concurrent direct : Jano Ananidze. Ce dernier est prêté par le Spartak pour jouer, et Poloz est cantonné aux entrées à 20 minutes de la fin des matchs : « Cette concurrence m’a aidé à devenir plus fort. Je n’ai pas été en mesure de me faire ma place, mais j’ai fais des conclusions et j’essaye de ne pas répéter les erreurs. C’est important d’être dans un environnement concurrentiel pour donner son maximum à chaque séance et progresser. Ce serait difficile d’être en concurrence avec des joueurs comme Messi, mais en Russie, je ne me fais pas de soucis, il n’y a pas de tels joueurs ! », expliqua malicieusement le joueur sur le site officiel du club. Malgré tout, il arrive à jouer 27 matchs et à apprendre comment apporter le maximum à l’équipe en peu de temps. Et surtout, il gagne son premier trophée, une Coupe de Russie, en marquant le quatrième pénalty lors de la séance de tirs aux buts : « Je n’ai pas peur des responsabilités, je me suis porté volontaire. Bon, en allant au point de pénalty, mes jambes tremblaient un peu. Mais en m’élançant, tout est parti et j’étais certain de le marquer ». La saison est aboutie, Rostov est unanimement reconnu par les spécialistes pour son beau jeu et les fans sont enchantés. L’entraîneur Miodrag Bozovic tresse des louanges à son jeune joueur en assurant qu’il était l’un des jeunes joueurs les plus talentueux avec lesquels il a pu travailler. Ce qui amusa le joueur qui répliqua sur le site officiel du club : « Il a dit ça sous le coup de l’émotion ! Mais bien sûr, c’est agréable à entendre d’autant plus que j’avais une très bonne relation avec Miodrag. »

Dans le football, c’est bien connu, tout change très vite. La saison suivante tourne au cauchemar. Rostov est éliminé dès le premier tour de la Ligue Europa et de la Coupe de Russie contre le modeste Syzran (3-0). Le départ d’Artem Dzyuba au mercato a fait très mal, et Poloz ne marque que 4 buts dont 2 lors de la défaite honteuse 7-3 à la dernière journée du championnat contre le Dynamo. Et puis, arrive l’explosion. Sous la direction du faiseur de miracles Kurban Berdyev, Poloz devient un élément essentiel de la fabuleuse saison 2015-2016 en étalant ses qualités techniques malgré sa grande taille (1m81). Bon aussi de la tête et sachant lire le jeu en se projetant en profondeur, il se montre très complémentaire de l’iranien Sardar Azmoun, autre révélation de la saison. Les deux nouvelles stars contribuent à faire vivre une saison de rêve à Rostov.

Dmitry Poloz, Rostov
© fc-rostov.ru

Reconnaissance européenne

La saison en cours est celle de la confirmation en Europe pour Dmitry Poloz. Alors que personne ne voyait Rostov arriver en poules, les Sudistes créent la surprise grâce à son attaquant qui marque contre Anderlecht au troisième tour, puis contre l’Ajax en barrages lors d’une fessée mémorable 4-1. Les matchs de poule resteront à jamais gravés dans l’histoire de Rostov. Pas la défaite inaugurale 5-0 contre le Bayern bien entendu, mais plutôt le premier point acquis de leur histoire dans la compétition grâce à un doublé de Poloz contre le PSV Eindhoven. Avec une superbe frappe de l’entrée de la surface, une autre de ses qualités. Il inscrivit également son nom au panthéon du FK Rostov lors du match ineffaçable gagné contre le Bayern 3-2, en marquant dans des conditions atmosphériques glaciales. Un souvenir que les supporters n’oublieront jamais.

Nikolay, supporter de l’équipe, nous confie ses impressions sur le joueur : “Selon moi, Dmitry est le meilleur joueur de l’équipe voire l’un des meilleurs joueurs russes avec Smolov. En fait, j’avais détecté beaucoup de potentiel chez lui en 2013. Mais les coaches ne l’avaient pas révélé correctement. En arrivant, Kurban Berdyev lui a fait confiance. Grâce à lu, Poloz s’est mis à avoir confiance dans ses qualités. On l’a vu quand il a commencé à dribbler, montrant de grandes qualités à ce niveau. Et maintenant, les statistiques prouvent qu’il est le meilleur : 5 buts en Ligue des Champions, deux en Europa League. Il était le meilleur buteur de Rostov dès les premiers matchs de la saison, et il est le meilleur passeur de l’équipe. »

À force de persévérance, l’espoir Dmitry Poloz a réussi à se faire une place au soleil. Avec ses 142 matchs pour Rostov, il commence même à devenir un symbole du club. Une fierté pour lui, l’enfant de Stavropol qui préfère pourtant mettre en lumière ses coéquipiers : « C’est intéressant, mais il faut savoir que pendant la moitié des matchs, je n’ai joué que dix minutes. Avant moi, il faut plutôt citer Timofey Kalachev et Sasha Gatcan. Je suis très loin d’eux. Eux sont les vrais centenaires ! ». Il est comme ça Dmitry. Humble, discret, préférant mettre ses partenaires en avant. En fait, tout l’inverse de son ami Kokorin. Ce qui pourrait faire un duo d’attaque détonnant pour la Coupe du Monde 2018…

Damien F.


Image à la une : Anton Denisov/Sputnik via AFP Photos

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