Il fut un temps pas si lointain où un derby entre le Spartak Moscou et le CSKA Moscou remplissait le stade Luzhniki. Il y a encore 5 ans de ça, le 28 août 2011 très exactement, ce même derby rassemblait pas moins de 70 000 supporters en championnat. De quoi faire rêver aujourd’hui où l’affluence en Russian Premier League a sensiblement diminué depuis quelques temps. L’occasion d’essayer de comprendre pourquoi ce championnat, censé être LA locomotive du côté de l’Est de l’Europe, n’attire plus grand monde au stade. À quelques exceptions.

Etat des lieux

L’affluence dans les stades de RPL connaît une baisse depuis la saison 2012/13 avec une très forte baisse l’année dernière, qui est statistiquement la pire des saisons en terme d’affluence depuis 10 ans avec 10 151 spectateurs en moyenne.

affluence moyenne sur les 10 dernieres annees
Affluence moyenne sur les 10 dernières années.

En ce début d’année 2016, le président de la RPL, Sergey Priadkin, ne cachait pas son mécontentement concernant les statistiques d’affluence de la première partie de saison 2015/16 (11 169 spectateurs) :« Les années précédentes, le nombre moyen de spectateurs variait entre 12 et 13 000 spectateurs ». Des chiffres qu’il expliquait par l’obligation pour certains clubs comme le CSKA et le Dinamo Moscou de jouer à l’Arena Khimki qui ne peut accueillir que 18 636 spectateurs.

Les nouveaux stades

Ces clubs sont dans l’attente de leur futur stade, toujours en construction. Le CSKA, le Zenit et Krasnodar devraient pouvoir rentrer dans leur stade flambant neuf en 2016. Rostov et Mordovia devront eux attendre 2017 pour en profiter. Le président de la RPL espère que ces nouvelles infrastructures boosteront le nombre de spectateurs. Il s’appuie pour cela sur les 2 nouveaux stades du Spartak (Otkrytie Arena) et du Rubin (Kazan Arena) déjà en activité.

Cela semble cependant être un mirage car en s’appuyant sur le taux de remplissage de ces deux stades (62,7% pour le Spartak, 38,4% pour Rubin), on s’aperçoit que les stades sont loin d’être remplis toutes les semaines. Si les grosses affiches comme Spartak – CSKA ou Spartak – Zenit font le plein, elles ne cachent pas les mauvais résultats du reste des rencontres.

Taux de remplissage RPL

Le Spartak…et les autres

Et pourtant, le Spartak fait figure de locomotive. Sur 21 journées, 16 matchs dans lesquels le Spartak a joué ont connu le meilleur score d’affluence de RPL. Les trois meilleurs scores de la saison concernent des matchs du Spartak !

Ce club dispose d’un vivier de supporters prêt à se déplacer dans tous les coins du pays. Il est aussi, grâce à son histoire, un des clubs les plus supportés, disposant ainsi de nombreux supporters un peu partout dans le pays. Sans le Spartak, le nombre moyen de spectateurs descendrait à 10.108 spectateurs.

Affluences moyennes RPL

Pas une question de météo…

Mais ce qui paraît le plus inquiétant, c’est la chute constante du nombre moyen d’affluence au cours de la saison.

affluence moyenne saison 2015:16 par journee
Affluence moyenne saison 2015/16 par journée.

De nombreuses personnes évoquent le problème des conditions climatiques que connaît la Russie. Cependant, pendant l’Union Soviétique, les chiffres étaient bien meilleurs. En 1971 par exemple, le taux d’affluence moyen était de 30 110 spectateurs et ce avec le même nombre d’équipes et des conditions sans doute plus rudes qu’aujourd’hui.

Si l’on veut que la météo soit une raison suffisante pour expliquer le délaissement des stades, on peut tout autant incriminer le changement de calendrier passant de « printemps-automne » à « automne-printemps ». Aller au stade en été ferait donc revenir le public ? Les doutes subsistent.

…mais une question de jeu ?

Non, il semble que le mal est plus profond et qu’il doit être recherché dans le niveau de jeu que proposent les équipes.

Le constat est fait par exemple en France où certains médias incriminent le niveau de la Ligue 1 pour expliquer la baisse d’affluence dans les stades. Le constat peut sembler être le même pour la RPL. Nous avons, en ce qui concerne le Spartak, pu croiser de nombreux commentaires sur les réseaux sociaux qui, suite à de mauvais résultats ou au niveau décevant de leur équipe, ne souhaitaient pas y retourner. L’effet « nouveau stade » a ses limites et le niveau sportif revient toujours au devant de la scène.

Hormis les supporters invétérés qui sont prêts à aller au stade peu importe le temps ou le niveau de leur équipe, le football est avant tout un spectacle destiné à divertir les gens. Il est d’ailleurs intéressant de remarquer que le stade qui a le taux de remplissage le plus élevé n’est autre que Rostov qui effectue une saison fantastique et qui est encore au contact du CSKA pour le titre. L’an passé où Rostov jouait le maintien, l’affluence moyenne était de 10 059 spectateurs pour 12 469 spectateurs cette saison. C’est bien le signe que les performances ont un impact sur l’affluence.

L’état des infrastructures de certains stades n’invite pas non plus les gens à venir passer deux heures de leur temps mal assis ou au sein de stades vétustes. Les nouveaux écrins sont là pour effacer cet aspect et permettre aux supporters de venir dans un lieu sécurisé, moderne et confortable.

La Coupe du Monde 2018 comme tremplin

Une baisse d’affluence, de nouveaux stades en trompe l’oeil, il ne reste plus qu’à espérer que l’Equipe nationale russe fasse un beau parcours lors de la Coupe du Monde 2018 afin de redynamiser la demande.

Les compétitions internationales peuvent permettre au football de s’adjuger une place importante dans l’univers sportif du pays (encore plus en Russie quand on sait la place qu’occupe le hockey sur glace). Ce fut le cas, par exemple, après la Coupe du Monde 1998 en France avec pour conséquence une augmentation du nombre de licenciés et une hausse des droits télé.

Mais cette embellie peut être de court terme si le championnat et les clubs ne sont pas suffisamment bien structurés ni n’élaborent pas de stratégie d’ouverture internationale (notamment concernant les droits télé). La limite des étrangers dans les effectifs n’aide pas la RPL à exporter son football, à le rendre attractif pour les étrangers et pour les Russes.


Lire aussi : A la découverte des stades de la Coupe du Monde 2018


De plus, si l’on regarde bien les 12 stades qui accueilleront des matchs de la Coupe du Monde, 7 d’entre eux hébergent des clubs de RPL:

  1. Le Spartak Stadium pour le FK Spartak Moscou
  2. Le Ekaterinburg Stadium pour le FK Ural
  3. La Samara Arena pour le Krylia Sovetov
  4. La Rostov Arena pour le FK Rostov
  5. Le Saint Petersburg Stadium pour le Zenit
  6. La Kazan Arena pour le Rubin Kazan
  7. La Mordovia Arena pour le Mordovia Saransk
  • Deux d’entre eux, Krylia Sovetov et Mordovia se battent actuellement pour ne pas descendre en FNL
  • Deux d’entre eux, FK Ural (5 568 spectateurs) et Mordovia (5 288 spectateurs) ont les deux plus mauvaises affluences en moyenne de RPL.

Trois autres stades de la Coupe du Monde accueilleront des clubs de FNL, championnat de deuxième division qui connait lui aussi un niveau d’affluence très faible, ou de division inférieure :

  1. La Volgograd Arena pour le Rotor
  2. Le Kaliningrad Stadium pour le FK Baltika Kaliningrad
  3. Le Nizhny Novgorod Stadium pour le Volga NN

Entre coûts élevés des nouvelles infrastructures, problèmes financiers et difficultés sportives, les perspectives sont difficiles pour les clubs. Pour certains (Mordovia à Saransk ou Baltika à Kaliningrad), le bassin de population peu important peut vite limiter leur développement. Pour d’autres comme le Volga NN, le Rubin Kazan ou Ufa, la concurrence est rude avec leur club respectif de hockey sur glace, compétitifs en KHL. Quoi qu’il en soit, la RPL a besoin de se développer afin de faire revenir le public en masse.

Vincent Tanguy


Image à la une : © Vincent Tanguy / Footballski

Graphiques et tableaux provenant d’un article du 31 Mars de Mikhail Borzykin sur sport.ru intitulé « Spartak et vide. Mauvaise affluence RPL en tableaux et graphiques »

 

3 Comments

  1. HOBE 12 avril 2016 at 18 h 28 min

    Merci pour cet article franchement intéressant et documenté .
    Effectivement , ça parait surprenant qu’un pays comme la Russie connaisse des affluences aussi moyennes proches de celles de la Ligue 1 pro-Mondial 98 .
    On ne peut que souhaiter aux Russes de connaitre la même évolution que la France .
    On remarquera qu’en général , les spectateurs des pays de l’est ne se bousculent pas dans les stades : si on prend les 2 autres meilleures championnats de cette région de l’Europe , on se retrouve avec 7.000 personnes de moyenne en Ukraine ( avant le conflit ) et 5.000 en République Tchèque cette saison .
    On ne parle même pas des championnats devenus paupérisés que sont ceux de Bulgarie , Roumanie , Serbie et autre Hongrie .

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  2. flo 12 avril 2016 at 20 h 31 min

    +12 000 personnes en Pologne de moyenne, où la aussi les grands stades sont au trois quart vides (Gdansk, Wroclaw, Poznan parfois). Et pourtant le spectacle n’est pas meilleur, d’où mon étonnement pour la Russie.

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  3. igvel 19 avril 2016 at 15 h 02 min

    Papier intéressant, mais qui oublie un élément essentiel : les clubs présents en RPL. Mordovia a toujours eu une affluence faible, étant une petite ville. Si Toula les remplace l’an prochain, cela changera tout. De même pour Ural, obligé de jouer dans un tout petit stade le temps des travaux : l’affluence e peut décoller lors des affiches et plombe la moyenne de tout le championnat. Enfin, la météo joue tout de même ( du moins le nouveau calendrier), certains clubs de l’Oural ayant du jouer des matchs « domicile » à 500 km de chez eux, et ceux qui recevaient vraiment le faéisaient par -5 degrés. de quoi décourager un public familial.
    La qualité du jeu proposé n’explique pas tout. C’est comme en Ligue 1 : pour l’afflence, ce n’est pas pareil d’avoir le Gazelec ou Lens, indépendamment du niveau de jeu.

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