Footballski vous propose de découvrir une nouvelle rubrique avec « Ma vie à l’Est. » Le principe est simple : rentrer dans la vie d’un joueur de football tout le long de sa saison, et lui laisser carte blanche afin qu’il puisse s’expliquer sur tous les sujets qui peuvent l’intéresser. Du football en passant par la musique ou la nourriture, vous saurez tout d’eux. Pour lancer la rubrique, nous avons décidé de choisir Mathias Coureur, ancien joueur du Cherno More Varna, du Dinamo Tbilissi et désormais du Lokomotiv Gorna Oryahovitsa. En effet, ce dernier s’est engagé il y a de cela quelques jours au Kazakhstan, pour revêtir le maillot du Kaisar Kyzylorda. C’est dire si les aventures du Martiniquais à l’Est sont riches. Des aventures à découvrir à travers ses écrits.


Après avoir passé quelque temps en Turquie dans notre stage de préparation, les choses sérieuses commencent enfin pour moi et ma nouvelle équipe, le Kaisar Kyzylorda, au Kazakhstan. Afin de vous situer un peu la chose, le Kaisar est l’un des membres fondateurs de la Premier League du pays. Ce dernier est un habitué de la première division locale, mais remonte cette saison tout juste de seconde division. Une remontée qui s’accompagne de nouvelles attentes et de nouveaux objectifs pour un club assez ambitieux.

Premièrement, le Kaisar a fait venir l’homme à qui je dois une grande partie de mon transfert, notre entraîneur, le Bulgare Stoycho Mladenov, ancien grand joueur du pays de Stoichkov et aujourd’hui entraîneur au Kazakhstan avec un premier passage au FC Atyrau puis au Kaisar, donc.

Afin de réaliser ces ambitions, le club et l’entraîneur ont fait signer quelques noms habitués du championnat kazakh ou des championnats de l’Est plus généralement.  On retrouve quelques anciens joueurs d’Atryau, l’ancien club de notre coach, à savoir Aleksey Muldarov, l’Ukrainien Volodmyr Arzhanov, ou encore mon ami Abdel Lamanje qui me permet de m’adapter au mieux dans ce nouveau pays en m’aidant dans les traductions russes. Je peux également citer Stefan Nikolic, attaquant provenant du Radnik, en Serbie, ou encore un autre francophone, Saidi Ntibazonkiza, un nom que vous devez surement connaitre si vous suivez la Ligue 1.

En clair, le club dispose d’un groupe loin d’être mauvais sur le papier, un mix entre locaux et étrangers, qui ont tous en commun d’être de bons joueurs ne refusant pas les efforts et appliquant les consignes de notre entraîneur. Car si l’on peut caractériser le style du football kazakh, ou en tout cas le football kazakh enseigné par un coach bulgare, c’est bien le dépassement de soi, la discipline et la concentration.

Contrairement à ce que j’ai pu connaitre auparavant, il faut dire que le joueur kazakh semble, par nature, être une personne très sérieuse dans son travail et dans la mise en application des consignes demandées. Si certains joueurs ne sont pas forcément les plus techniques, on retrouve cette hargne, cette volonté de se donner, afin d’aider du plus possible l’équipe.

De même, on peut également retrouver quelques joueurs pas mauvais balle aux pieds, notamment Ilyas Amirseitov, notre arrière gauche, Zhambyl Kukeyev, milieu terrain, ou encore notre grande star, le milieu de terrain Maksat Baizhanov, international kazakh, vainqueur du championnat local et de plusieurs coupes nationales. En clair, un joueur qui pèse dans ses contrées.

Un joueur qui va d’ailleurs retrouver son ancien club, le Shakhter Karagandy, lors de notre prochain match, ce week-end. Un match que l’on peut aborder avec une certaine confiance, l’équipe étant première du classement en ce tout début de championnat grâce à deux victoires sereines lors de nos deux premiers matchs de l’année. Deux matchs qui m’ont permis de me mettre en jambe, malgré le synthétique nous servant de terrain. Une surface poussant certains joueurs, comme moi, à enlever les crampons afin de garder une certaine sensation dans les appuis, tout en évitant les douleurs qui peuvent s’accompagner lors de la pratique du football sur un terrain de ce type.

Des succès que l’on doit notamment au travail réalisé par Stoycho Mladenov. Loin des galères avec mon ancien entraîneur du Dinamo Tbilissi, dont le mot préféré doit être « défendre », Mladenov, lui, axe son travail à travers une grande diversité dans les travaux proposés à l’entraînement. Avec ce dernier, pas question de concevoir le football sans ballon. Ici, pratiquement tous nos entraînements se font avec une balle aux pieds à travers diverses activités, jeux, toros, ou encore certains travaux techniques et offensifs.

Ainsi, même la préparation physique s’axe sur cette vision du football, cette volonté de bosser notre condition physique sur le long terme en mettant en son cœur le jeu et le travail avec ballon.

Mathias Coureur présent dans l’équipe type de la seconde journée du championnat.

Mais si sur le terrain tout se passe pour le mieux, en dehors, par contre, j’ai malheureusement dû faire face à des situations délicates -pour être gentil- dans ma vie quotidienne. Lors de mon arrivée en terre kazakhe, j’ai rapidement eu l’occasion d’avoir de nombreuses demandes de photos / selfies lors de mes sorties en ville. À vrai dire, je ne savais pas forcément comment prendre la chose, mettant de ce fait ces demandes sur le compte de ma supposée notoriété de footballeur professionnel débarquant dans un nouveau club. Bon, disons-le, je ne suis pas assez connu pour que ce soit le cas.

Du coup, j’ai rapidement compris la véritable signification de ces demandes. Malheureusement pour moi, il se trouve que certains Kazakhs n’ont pas encore intégré la possibilité que, oui, des personnes de couleur peuvent vivre sur terre.

Ainsi, pour eux, avoir une photo avec une personne comme moi leur permet de se « divertir » en se moquant de ma couleur de peau. Au point de recevoir des rires et des doigts dirigés vers moi dans la rue. Une situation gênante et dérangeante que je n’avais jusqu’ici jamais eu l’occasion de connaître. Même en Bulgarie, là où pourtant les stéréotypes et mythes sont ancrés dans l’imaginaire de beaucoup d’étrangers ne connaissant pas le pays.

De la même manière, tous les joueurs de couleur du club ont dû faire face à ça. Même Lamanje, qui pourtant parle russe, a joué de nombreuses années en Russie, et connait bien cette culture, n’avait jamais connu cela avant d’arriver au Kazakhstan.

Le bortsch de l’amour.

Heureusement, mon Kazakhstan, ce n’est pas que ça. C’est aussi mes coéquipiers locaux qui ont parfaitement su nous intégrer, nous, les nouveaux, les petits étrangers. C’est aussi notre base, là où l’on peut dormir, manger, où la vie de l’équipe se passe. C’est aussi dans cette base que l’on trouve ces mamans kazakhes nous servant des plats merveilleux faits avec amour, à commencer par un bortsch. LE bortsch. Une extase culinaire. Un véritable orgasme des papilles. Car le Kazakhstan, c’est aussi ça. Et quoi de mieux qu’un bon repas pour apprendre à faire connaissance et mettre de côté nos différences.

Mathias Coureur / Propos recueillis et retranscrits par Pierre Vuillemot


Image à la une : © fckaysar.kz

1 Comment

  1. Pingback: Semaine #11 – 2017 : Matchs du week-end et bons coups - Footballski - Le football de l'est

Leave A Comment

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.