Petit pays du Caucase bordé par la Géorgie, l’Azerbaïdjan, l’Iran et la Turquie, l’Arménie n’est pas le pays qui rayonne le plus par son football. Plus connu pour être le pays d’origine des Kardashian que par les performances du Shirak ou d’Alashkert, l’Arménie subit une crise footballistique sans précédent dans sa jeune histoire. Entre un championnat passé à six équipes en début de saison suite à de multiples faillites de clubs et une équipe nationale délaissée par son public, retour sur six mois de football dans le pays du grand maître d’échecs, Tigrane Petrossian.

L’Havakan

Littéralement « l’équipe collective, » la sélection arménienne fait défaut à son surnom depuis pas mal de temps. Au début des éliminatoires pour le mondial 2018, celle-ci restait sur trois ans sans victoire en rencontre officielle. Pour tenter d’enrayer cette mécanique infernale, la sélection a dit au revoir à Varuzhan Sukiasyan, en poste depuis décembre 2015, et nommé Artur Petrosyan, ancien entraîneur des équipes jeunes du FC Zurich, comme sélectionneur. Le coup de fouet attendu met du temps à arriver puisque les Arméniens débutent leur campagne qualificative par quatre défaites. Après deux rencontres très serrées contre la Pologne et le Danemark, l’Arménie est balayée 3-0 en République Tchèque et pire encore, 5-0 à domicile contre la Roumanie. Une rencontre marquée par de nombreux incidents (que nous avions relaté dans nos images de la semaine) : outre le boycott de nombreux supporters, de nombreuses tensions ont eu lieu entre la police et le public, comme avec ce drapeau arménien floqué d’un « à vendre » arraché par les forces de l’ordre. Malgré tout, l’Arménie termine l’année 2016 sur une bonne note avec la rencontre face au Monténégro qui se termine par une victoire 3-2 devant 4 000 spectateurs grâce à un but de dernière minute signé Ghazaryan. Motif d’espoir pour la suite? Avec quatre points de retard sur le second, sait-on jamais. La campagne 2014 reste bien sûr dans toutes les têtes, il faudra pour cela s’imposer face au Kazakhstan au prochain match.

Pour mettre encore un peu plus d’huile sur le feu, la fédération arménienne a décidé d’organiser un amical en février contre l’Ouzbékistan … en Turquie! La raison? La plupart des clubs arméniens font des stages en Turquie lors de la trêve, mais quelle réaction venant du peuple! Personne n’a bien sûr oublié les tragiques événements survenus en 1915 et 1916 qui provoquent un conflit politique permanent entre les deux pays. En 2011, le président de la fédération, Ruben Hayrapetyan, déclarait même: « jamais l’Arménie n’organisera un match amical en Turquie. » Pour éviter une véritable révolution, c’est le club d’Alashkert qui prend la place de la sélection. Avec réussite puisque, pour la petite histoire, le club l’a emporté 2-0.

Le Bardsragujn Chumb

1er: FC Shirak Gyumri – 34 points

Le stade du leader du championnat. | © Shirak

Evidemment Shirak ne fait pas forcément penser à un club de foot quand on prononce ce nom en France, mais celui-ci est bien leader du championnat. Évoluant dans un stade plus que champêtre avec des peintures murales d’un autre temps, les Oranges ont tout de même réussi à passer un tour en Europa League face aux voisins géorgiens du Dila Gori grâce à un succès au tirs aux buts à la maison. Éliminé sans être ridicule au tour suivant par les Slovaques du Spartak Trnava, le Shirak a pu bénéficier d’un petit coup de pouce financier non négligeable lui permettant de recruter notamment l’Américain Bryan de la Fuente (qui est déjà reparti). Orphelin de son défenseur central Milos Stamenkovic, parti en Ukraine, le Shirak réalise malgré tout un très bon cycle aller avec au final une première place et quatre points d’avance sur Alashkert. Meilleure défense du championnat avec huit buts encaissés en 17 matchs, le Shirak devra malgré tout s’améliorer en attaque. Car un leader avec une moyenne d’un but marqué par match (!), on voit pas ça tout les jours en Europe!

Meilleur buteur: Viulen Ayvazyan (7 buts)

Affluence moyenne: 700 spectateurs (3/6)

2ème: FC Alashkert Martuni – 30 points

Pour sa première participation en Ligue des Champions, un an après son premier titre national, le club de la petite ville de Martuni (11 000 habitants) a réussi à passer un tour! Opposé aux Andorrans de Santa Coloma, Alashkert tient un précieux 0-0 en principauté et s’impose 3-0 au retour à Erevan, avec au passage trois cartons rouge pour Santa Coloma. Ils tombent au tour suivant face au Dinamo Tbilissi de Mathias Coureur et Anthony Scribe après une défaite fatale 2-0 à la Dinamo Arena. Longtemps capable de suivre le rythme imposé par le Shirak, les Violets voient leur saison totalement perturbée par un événement assez particulier. En octobre 2016, après une élimination en coupe contre le Pyunik Erevan, l’entraîneur Khashmanyan annonce sa démission contre toute attente. On apprendra quelques jours plus tard que cette démission est liée à l’intervention du président qui est entré dans le vestiaire après le match pour annoncer le licenciement de quatre joueurs sur-le-champ! En difficulté en championnat, le champion en titre s’incline dans la foulée 4-0 contre le Gandzasar mais réussit à redresser ensuite la barre pour terminer le cycle aller à quatre points du leader.

Meilleur buteur: Mihran Manasyan (7 buts)

Affluence moyenne: 461 spectateurs (4/6)

3ème: FC Pyunik Erevan – 27 points

Qu’il semble bien loin le temps où le Pyunik régnait de main de maître sur le championnat arménien! Le club de l’Etat se voit dépourvu de son précieux dû depuis deux saisons et c’est loin de s’arranger. Bien que celui-ci soit assez souvent aidé par des interventions arbitrales très douteuses à des moments cruciaux, le Pyunik ne peut faire mieux qu’une troisième place à la trêve. Le tristounet recrutement de l’été dernier n’avait pas convaincu chez les quelques habitués de l’Avan Academy Stadium. Ce n’est pas non plus son élimination dès le premier tour d’Europa League face à l’ogre du rocher de Gibraltar, l’Europa FC, qui allait rassurer qui que ce soit. Malgré cela, le Pyunik fait son petit bonhomme de chemin et est contre toute attente déjà qualifié pour la demi-finale de coupe, en sortant Alashkert au tour précédant. La Coupe qui est désormais son seul objectif.

Meilleur buteur: Alik Arakelyan (4 buts)

Affluence moyenne: 422 spectateurs (5/6)

4ème: Gandzasar Kapan – 27 points

Présent depuis douze ans dans l’élite du foot arménien, le Gandzasar a pour la première fois l’opportunité de remporter son premier trophée. S’imposant sans jouer contre Erebuni en Coupe, le club de la ville de Kapan, située en plein Haut-Karabagh (zone de conflit avec l’Azerbaïdjan) devra battre le Shirak (chose faite déjà une fois cette saison) et pourrait ainsi se qualifier directement pour l’Europa League la saison prochaine, quatre ans après sa dernière participation, qui s’était soldée par une élimination dès le premier tour contre Aktobe. En cas d’élimination face au club de Gyumri, il faudra doubler le Pyunik en championnat pour être européen.

Meilleur buteur: Gegham Harutyunyan (7 buts)

Affluence moyenne: 850 spectateurs (1/6)

5ème: Banants Erevan – 16 points

Club le plus populaire de la capitale arménienne, le Banants n’a plus que la Coupe comme objectif cette saison. Une compétition qu’il a remporté la saison dernière, ce qui lui a permis de disputer l’Europa League en début de saison. Malheureusement deux défaites contre l’Omonia Nicosie et un cycle aller absolument désastreux viennent ternir le tableau. Le Banants reste en effet sur douze matchs sans victoire, son dernier succès remontant à septembre dernier contre le Shirak! Les deux premiers mois de compétition étaient pourtant très encourageants pour le club d’Erevan, lui permettant même de jouer la course au podium. Sans son meilleur (toutes proportions gardées) buteur Laércio, parti rejoindre le championnat de Thailande, le Banants aura bien du mal à exister lors de la phase retour.

Meilleur buteur: Laércio (3 buts)

Affluence moyenne: 750 spectateurs (2/6)

6ème: Ararat Erevan – 6 points

250 spectateurs de moyenne pour un stade pouvant en contenir 50 000. Peut mieux faire!

Quelle tristesse de voir un club historique à cette dernière place avec seulement six petits points au compteur! Champion d’URSS il y a 43 ans et double vainqueur de la coupe d’URSS dans les années 70, l’Ararat était l’un des rares clubs arméniens à briller lors de l’époque soviétique. Une vieille vitrine à trophée qui se couvre de poussière depuis le dernier titre de champion d’Arménie en 1993. Avec seulement une victoire contre Alashkert lors la phase aller, l’Ararat est condamné à la descente. Il faudrait un exploit pour voir le club dans l’élite la saison prochaine. En tout cas c’est un pari que souhaite tenir Yagan Hirac, son nouveau président. A 28 ans seulement, l’actuel joueur du Servette Genève n’a pas oublié ses origines et ce club mythique!

Meilleur buteur: Kyrian Nwabueze (2 buts)

Affluence moyenne: 244 spectateurs (6/6)

Et sinon?

  • Erebuni crée en juillet déclare forfait en coupe d’Arménie. La cause? Son effectif constitué de joueurs de 15-17 ans, entre entraînements, cours et matchs, n’a pas assez de temps pour récupérer.
  • Le salaire moyen d’un footballeur en Arménie est de 300 € et ça, c’est seulement chez Footballski.
  • Le président de la fédération a été mis en examen en début d’année pour avoir fait assassiner quelqu’un.

Antoine Jarrige


Image à la une : © Banants Erevan

1 Comment

  1. Damien 13 avril 2017 at 13 h 48 min

    Etant un grand fan du football arménien depuis quelques années, je suis avec attention ton article et te félicite pour ce bilan assez juste, cependant il faudrait apporter quelques précisions:

    Tout d’abord au sujet de la sélection, le match contre la République Tchèque est un amical, ne comptant pas pour les qualifications (Mkhitaryan se blesse en plus), Le coup de fouet a fonctionné (2v en 2 matchs en ajoutant le Kazakhstan après la parution de ton article) car Petrosyan a été nommé après la défaite en Pologne 2-1 qui faisait suite aux défaites contre le Danemark et l’humilitation (à 10 après 2mn de jeu) contre la Roumanie.

    Pyunik semble reparti sur un projet de formation (à confirmer) car tous les étrangers sont partis et ils ont intégré beaucoup de jeunes formés au club cette saison pour palier aux départs de Ayvazov, Voskanyan, Manoyan, Haroyan, Hovhannisyan, Yuspashyan, Ayrapetyan… c’est normal qu’ils aient du mal.

    Kapan n’est pas situé dans le Haut-Karabagh mais simplement tout proche de la frontière avec l’Azerbaidjan.

    Je n’ai pas d’information vraiment à ce sujet mais il me semble qu’il n’y aura pas de descente cette saison en Arménie car le but au début de saison était d’intégrer Kotayk et Erebuni en Première division afin de retrouver 8 clubs mais Kotayk a disparu il me semble donc c’est un peu flou pour l’an prochain mais je ne pense pas qu’Ararat descendra en D2 (qui est composé quasiment exclusivement d’équipes réserve) il y aura au mieux une promotion mais je ne pense pas qu’une équipe descendra. D’ailleurs quand le championnat était composé de 8 équipes personne de descendait. Il n’empêche que ça n’enlève rien à la crise que traverse le club.
    Par contre ça fait 2 ans qu’ils ne jouent plus au Hrazdan (pour des raisons financières il me semble) ils jouent au Vazgen-Sargsian.

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