Footballski vous propose de découvrir une nouvelle rubrique avec « Ma vie à l’Est. » Le principe est simple : rentrer dans la vie d’un joueur de football tout le long de sa saison et lui laisser carte blanche afin qu’il puisse s’expliquer sur tous les sujets qui peuvent l’intéresser ; du football en passant par la musique, la nourriture, vous saurez tout d’eux. Pour lancer la rubrique, nous avons décidé de choisir Mathias Coureur, désormais ancien joueur du Dinamo Tbilissi, aujourd’hui au Lokomotiv Gorna Oryahovitsa en Bulgarie. Ainsi, tous les mois, vous aurez l’occasion de suivre les aventures du Martiniquais en Bulgarie à travers ses écrits.


Je vous avais quitté en terre géorgienne, nous nous retrouvons aujourd’hui en terre … bulgare. Comme on le dit souvent, tout va vite dans le football. Alors que j’étais encore joueur du Dinamo Tbilissi il y a quelques semaines, une petite aventure européenne de passée et me voilà à la porte. À vrai dire, comme j’avais eu l’occasion de vous le dire lors de l’épisode 1, mon acclimatation en Géorgie fut extrêmement délicate. Pas franchement à ma place dans le groupe, comme tous les étrangers, et le Dinamo n’a pas franchement réussi son pari estival avec son recrutement. Ici, les Géorgiens sont rois et intouchables. La tradition du club fait qu’un joueur du cru passera toujours devant, et qu’il n’aura pas forcément à essuyer les critiques devant la presse.

Une grande histoire, le Dinamo en a une, c’est incontestable. Malheureusement, aujourd’hui, la gestion du club n’est pas à la hauteur d’une telle histoire. Loin de moins l’idée de me prendre pour ce que je ne suis pas. Au fond, je l’admets volontiers, je ne pense pas être fait pour jouer dans de grands clubs. Cependant, ce qui se passe au Dinamo Tbilissi n’est pas forcément des plus simples. Une élimination logique sur le papier face au Dinamo Zagreb et voilà que tout s’écroule pour le club et son président. Les rêves qu’il avait pu forger volent en éclat et sa réaction ne se fait pas attendre. « Pas de qualification, pas de paie » m’a-t-il expliqué, avant de rompre mon contrat d’un commun accord quelques jours plus tard. Un soulagement pour moi. Depuis, le club n’a pas hésité à faire de même pour tous les autres étrangers, préférant revenir sur son ancienne méthode : former et acheter les meilleurs joueurs du pays.

Nous sommes alors fin août. Le mercato estival s’approche dangereusement de la fin, et me voilà sans club. Pas forcément un moment facile à vivre dans la carrière d’un joueur, mais le téléphone sonne. Le début des histoires, et des problèmes.

©Mathias Coureur / Footballski
© Mathias Coureur / Footballski

Deux clubs israéliens, un club sud-coréen, et puis la Bulgarie. Si les premiers nommés sont rapidement refusés, mon choix naturel se tourne vers une patrie que je connais bien, la Bulgarie et un club, celui du Cherno More Varna. Ce même Cherno More Varna avec qui j’ai gagné mes premiers titres importants, et qui m’a tant donné. Naturellement, à la fin de mon contrat avec le Dinamo, l’un de mes premiers coups de téléphone fut dirigé vers le club et son président. Emballé, ce dernier me propose déjà un contrat et veut me faire signer. Cependant, après mon expérience compliquée avec l’ancien entraîneur du Dinamo Tbilissi, je souhaite tout de même discuter avec le nouvel entraîneur du club, que je ne connais pas et qui a placé le club, à ce moment précis, à la première place du championnat bulgare. Quelques jours plus tard, j’apprends que, malgré les désirs du président de Varna, l’entraîneur en question ne me veut pas. Le temps presse, je n’ai toujours pas de contrat et voilà qu’un autre club, bulgare toujours, me contacte.

Son nom ? Le CSKA Sofia. De retour en première division nationale après l’arrivée du nouveau président Grisha Ganchev, le club montre dès ambition et veut me faire signer. Le plus rapide sera le mieux. Malheureusement, dans le football, rien n’est prévisible. J’avais annoncé lors du premier numéro de cette rubrique que je ne voulais pas signer dans un autre club bulgare. Malheureusement, le Cherno More Varna ne m’a pas forcément laissé le choix et, de ce fait, j’ai naturellement accepté l’entretien avec Grisha Ganchev dans les locaux du CSKA. Me voici donc dans une imposante tour de la capitale bulgare. Ici, pas de doute, nous sommes au CSKA. Toute la décoration est centrée sur le club et son histoire, tandis que les quelques habitants se résument à d’imposants gardes du corps et mon interlocuteur – enfin, si on peut dire ça, vous le verrez plus tard – du jour, Grisha Ganchev. Arrivé dans son bureau avec un agent bulgare m’aidant pour la traduction, Ganchev, bouteille de whisky dans la main, demande alors à ses hommes de quitter la pièce. Le début d’une longue après-midi.

Car ce dernier décide de … ne pas me calculer pendant au moins trente minutes. Rien. Pas un mot. S’il fait la discussion en bulgare avec mon acolyte, je n’ai pour ma part le droit à aucun regard ni aucune traduction. Et puis, d’un coup, de longues minutes plus tard, dans un anglais-bulgare, Ganchev me demande combien je veux. Là, comme ça, cash. Intimidé, j’essaie de demander à l’agent qui m’accompagne, mais Grisha Ganchev me coupe rapidement: « Ici, je veux des hommes. Alors tu me parles à moi. Pas à lui. » Pas très à l’aise, je lui donne donc le salaire que j’avais en Géorgie. « Je t’en donne plus, tu as humilié les Govedo (les cons, NDLR) en Coupe. » Un rapport à mon but vainqueur contre le Levski Sofia en Coupe de Bulgarie lorsque je portais encore la tunique du Cherno More Varna. Bienvenue en Europe de l’Est et dans son business.

Si j’avais une idée de l’importance du CSKA Sofia dans le pays, Ganchev, d’une humeur bavarde à ce moment-là, m’en dit encore un peu plus sur le CSKA et son impressionnante fan-base dans le monde entier. « Il y a deux millions de supporters du CSKA Sofia, » me dit-il. Tout en ajoutant de repasser lundi pour signer mon contrat.

Voilà. C’est fait.
Et puis, non, pas tout à fait, en fait.

Aujourd’hui, je ne porte pas les couleurs du CSKA Sofia. Pourtant, j’y ai longtemps cru. Et je ne suis pas le seul. Après cette réunion, j’assiste durant le week-end au match opposant le CSKA Sofia au Lokomotiv Gorna Oryahovitsa. Les médias pensent alors, comme moi, que je vais m’engager prochainement avec le club. Les caméras du match commencent à se braquer sur moi, les médias bulgares font tourner l’information en boucle, tandis que les supporters du CSKA sont plutôt heureux de cette nouvelle. Eux qui me voient comme celui qui « a humilié les Govedo.« 

©Mathias Coureur / Footballski
© Mathias Coureur / Footballski

Mais non. Bis repetita. Lundi, en me rendant au centre du club, j’apprends finalement que je ne signerai pas ce jour. Les jours passent, le temps se fait long, puis j’apprends finalement que le nouveau coach, qui vient tout juste d’arriver, ne me veut pas. La situation devient alors compliquée. Persuadé de signer pour le club, étant donné les propos et l’envie du président, j’avais décidé de refuser toutes les propositions que l’on m’avait faites entre temps. Résultat des courses, alors que le temps presse, une proposition arrive sur la table. Le club ? Le Lokomotiv Gorna Oryahovitsa. Comme un symbole.

Une proposition désespérée de son propriétaire qui, comme dans une partie de Football Manager, s’est dit « Qui ne tente rien n’a rien. » Il m’a avoué qu’il n’y croyait pas beaucoup à cette proposition, pensant que je ne pouvais pas signer dans un tel club. Pourtant, me voilà.

Je ne vais pas le cacher, et je lui ai tout de suite annoncé, je ne viens pas ici pour l’argent. La seule ambition du club est pour l’instant de se maintenir. Une mission délicate au vu du début de saison du club. Malgré tout, je suis bien là. Pour jouer au football, mon métier, mais avant tout ma passion. Ce qui me fait vivre, c’est taper dans un ballon. Si je suis là, c’est pour retrouver le plaisir du jeu, retrouver les terrains, la tête libre et avec l’ambition de tout donner. Si je suis là, c’est aussi pour me faire voir, évidemment. Tout est clair entre le club et moi. Avant même de signer, j’avais prévenu le président : si une offre intéressante arrive, je rendrai tous les salaires reçus jusqu’à présent et je partirai en ayant donné le maximum pour le club.

Une vie à l’Est est toujours mouvementée, croyez-moi.

Mathias Coureur / Tous propos recueillis et retranscrits par Pierre Vuillemot pour Footballski


 Image à la une : © Lokomotiv Gorna Oryahovitsa

2 Comments

  1. john 9 octobre 2016 at 17 h 00 min

    il a quand même pas l’air très net le gars à la chemise…

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  2. Pingback: #3 Mathias Coureur – Ma vie à l’Est - Footballski - Le football de l'est

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