Temps de lecture 5 minutesRussie Euro 2016 : Fedor Smolov, le nouvel homme fort de la Sbornaya

S’il y a bien un joueur qui a ébloui la saison 2015-2016 de Russian Premier League, c’est Fedor Smolov. Fraîchement débarqué à Krasnodar, après un prêt réussi à l’Ural Ekaterinbourg, le jeune avant-centre russe a enfin mis en avant toute sa classe technique, et c’est assez logique de le voir terminer meilleur buteur du championnat. Auteur de très belles réalisations, Smolov a joué un grand rôle dans la bonne saison de Krasnodar et sa présence dans la liste des 23 pour l’Euro est une juste récompense. Pourtant, le jeune homme revient de loin. Comparé il y a quelques saisons à Niklas Bendtner pour son manque de régularité, il a fait taire les critiques et commence petit à petit à revenir sur les talons d’Aleksandr Kokorin. Portrait d’un joueur passé des critiques et trolls aux feux des projecteurs.Russie

Un début de carrière en eau de boudin

La légende Fedor Smolov voit le jour le 9 février 1990 à Saratov, dans l’hôpital central de la ville. Fils de parents qui n’apprécient guère le football, le jeune garçon va pourtant commencer à taper dans la balle dès son plus jeune âge. Scolarisé dans la meilleure école de la ville, le jeune Fedor va connaître une scolarité brillante mais son amour se tourne plus vers le ballon rond qu’aux études, au grand désarroi de sa famille. Repéré très tôt par le club de la ville, le Sokol Saratov, il rentre en conflit avec ses parents qui veulent l’envoyer à l’université plutôt que le voir endosser un maillot de football et devenir footballeur professionnel. Le jeune homme aura finalement le dernier mot, et rentre dans les catégories jeunes du Sokol, club de FNL. Caractérisé par sa grande taille (1m87) et par son jeune âge, il tape rapidement dans l’œil d’un club moscovite : l’UOR Master-Saturn Egorjevsk.

© Epsilon/Getty Images
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A l’âge de 16 ans, Smolov quitte son Oblast de Saratov natal et file dans la capitale Russe pour tenter d’obtenir un contrat professionnel le plus rapidement possible dans son nouveau club, le Saturn, alors club de Premier League Russe (NDLR : Suite à des problèmes financiers, il évolue désormais en D3). Excellent et décisif dans les compétitions juniors, il est récompensé par l’entraîneur de l’équipe première qui lui offre ses premières minutes en tant que professionnel contre le Tom Tomsk, à seulement 17 ans. Pisté par de nombreux clubs moscovites, il finit par rejoindre le Dinamo Moscou, lui offrant des garanties de jeu et un premier contrat professionnel la saison suivante. C’est malheureusement à partir de ce moment-là que sa carrière tournera au vinaigre. Devenu majeur, il découvre les nombreux plaisirs nocturnes de la capitale moscovite et passe la quasi-totalité de ses nuits dans les boîtes moscovites. Il rencontre par la même occasion l’ancienne Miss Russie (2003), Victoria Lopyreva, avec laquelle il prendra plus de selfies que de matchs disputés. Conséquence à cela, sa première saison au Dinamo est un fiasco total : 1 but en 25 matchs disputés. Trop peu pour les dirigeants du club.

Conscient du talent du joueur, le club moscovite va essayer de le relancer grâce à un prêt. Direction les Pays-Bas et le Feyenoord Rotterdam pour Smolov. Terminé la belle vie moscovite, retour à la réalité du terrain pour le jeune russe. Une réalité que Smolov n’arrivera jamais à surmonter, puisqu’il ne parviendra jamais à s’imposer. En grande difficulté, le club néerlandais mettra un terme au prêt six mois avant la date prévue. Son retour en décembre à Moscou est catastrophique, l’avant centre peine toujours autant à marquer et finira même la saison en tant qu’arrière latéral pour pallier les nombreuses absences. Malgré d’énormes difficultés en championnat, il joue souvent avec les espoirs de la Sbornaya … Meilleur buteur du tournoi mémorial Granatkin en 2008, il permet également à la Russie de se qualifier au Championnat d’Europe Espoir en 2012, grâce à deux buts contre la République Tchèque. Un comble quand on voit son rendement en championnat. Moqué et critiqué par toute la Russie, il est considéré par certains comme le Bendtner russe et reçoit par la même occasion de merveilleux trolls.

"Au cours des deux matchs il a marqué autant de buts qu'il n'avait pas marqué en deux ans"
« Au cours des deux matchs, il a inscrit autant de buts que ce qu’il avait marqué en deux ans. »

Dernière chance pour Fedor Smolov : le Dinamo Moscou le prête pour deux saisons au fond du Dagestan à l’Anzhi Makhachkala. Moins tenté par les sorties dans cette charmante région russe, Smolov va se remettre pleinement au football. Mis en concurrence à Kokorin, lui aussi prêté par le Dinamo, lors de sa première saison, il ne parviendra pas à s’imposer, la faute à une blessure au genou qu’il traîne depuis plusieurs années et qui l’empêche d’enchaîner les matchs. Malgré cette première saison délicate à l’Anzhi, il sera convoqué pour la première fois de sa carrière avec la sélection nationale et marquera son premier but avec la Sbornaya contre les États-Unis en amical. Cette convocation étant pour le moins insolite suite aux mauvaises performances de l’avant centre, certains médias disent que Smolov a été retenu grâce aux francs-maçons, ou parce que voir le décolleté de Lopyreva en tribune, c’est toujours sympa. Sa deuxième saison à l’Anzhi est un peu mieux réussie d’un point de vue statistique : 24 matchs, 2 buts et 2 passes décisives. Mais cela reste insuffisant pour les dirigeants du Dinamo, qui souhaitent se débarrasser de Smolov à qui il reste un an de contrat. 5 buts en 105 matchs disputés, on peut dire que le début de carrière n’est pas idéal.

GQ Russia.
Le couple Smolov – Lopyreva a beaucoup fait parler de lui. | GQ Russia

La résurrection

Devenu indésirable dans la capitale russe, Fedor Smolov va alors désespérément chercher un club pouvant l’accueillir en prêt jusqu’à la fin de son contrat avec le Dinamo, qui court jusqu’à juin 2015. Après beaucoup de refus, il va finalement faire ses bagages, direction les monts Oural pour y rejoindre l’Ural Ekaterinbourg, club de milieu de tableau de Russian Premier League qui recherche du poids offensivement. Et là, contre toute attente, c’est l’explosion.

Auteur de huit buts lors de la saison 2014/2015, il est le meilleur buteur du club et, surtout, marque plus de buts qu’au cours de ses sept premières saisons. Alors, comment expliquer un tel déclic ? Tout d’abord, Smolov a quitté Lopyreva lors de cette saison à Ekaterinbourg, ce qui lui a permis de passer plus de temps sur le terrain qu’en spa et hôtels avec madame. Sa famille est également intervenue pour recentrer Smolov, mais c’est surtout grâce au staff d’Ural qui a permis au joueur de se sentir bien et de prendre confiance. Le talent était indéniable dans ses précédents clubs, mais ce sentiment de mal-être permanent et de pression constante sur ses épaules n’a pu lui permettre de montrer l’étalage de son talent. Acteur décisif dans le maintien de l’Ural Ekaterinbourg, il a notamment inscrit un but décisif dans les dernières minutes contre le Dinamo Moscou, privant par la même occasion le club moscovite d’une qualification européenne.

© Epsilon/Getty Images
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Début juin, il refuse une offre de contrat d’un an du Dinamo Moscou. Libre, il décide de s’engager avec le FK Krasnodar, le club qui monte en Russie, pour une durée de quatre ans. L’épisode de 2015-2016 est l’apothéose pour Smolov. Jouant un rôle majeur dans la qualification des bykis pour l’Europa League, notamment contre le Slovan Bratislava (nous y étions), il inscrit pas moins de 24 buts, délivre 13 passes décisives pour un total de 44 matchs joués. Des statistiques impressionnantes en Russie qui font de lui le nouveau MVP de cette saison. Avec 20 buts en championnat, il finit meilleur buteur devant Promes et Hulk, et certains de ses buts sont de toute beauté. Ses 14 buts en 2016, dont un quadruplé contre Ural et un triplé contre le Krylia Sovetov Samara, lui permettent de faire mieux que Cristiano Ronaldo et Lionel Messi, même si les joueurs ne boxent évidemment pas dans la même catégorie. Logiquement, sa côte sur le marché des transferts explose (5 millions d’euros aujourd’hui), de grands clubs européens commencent à s’intéresser à lui, et cela se traduit par une place dans les 23 Russes pour l’Euro français.

Passé de l’ombre à la lumière, Fedor Smolov a fait taire de nombreux détracteurs et a surmonté les critiques. S’il est aussi bon à l’Euro que lors de cette saison de Russian Premier League, il pourrait faire mal. Très mal. À lui désormais de confirmer. Et si la légende Smolov venait à peine de commencer ?

Antoine Jarrige


Image à la une : © KIRILL KUDRYAVTSEV/AFP/Getty Images

3 Comments

  1. Damnjanovic 6 juin 2016 at 22 h 01 min

    Article passionnant, bravo!

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  2. Nicolas 11 juin 2016 at 13 h 02 min

    Article très intéressant
    Néanmoins, ne pensez vous pas que le positionnement de Fédor en sélection, c’est a dire ailier gauche pose problème. A mon avis, il serait plus utile en pointe avec mamaev en soutien…

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  3. Pingback: On était à Lille pour Russie - Slovaquie - TLM S'En Foot

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