Temps de lecture 10 minutesOn a discuté avec Anthony Le Tallec, attaquant de l’Atromitos

Avant le début de la nouvelle saison du championnat grec, Footballski a eu le plaisir de discuter un long moment avec Anthony Le Tallec. Connu pour son passage à Liverpool et dans de nombreux clubs de l’Hexagone, nous revenons avec lui sur son aventure grecque avec le club de l’Atromitos.

Première question assez basique : comment es-tu venu au football ? Qu’est-ce qui t’a poussé vers ça ?

 Quand j’habitais à Paris, étant petit, mon père regardait la CAN à la télé. C’est le fameux match entre la Côte d’Ivoire et le Ghana en finale, où ça finit aux penaltys après un énorme match. Et ça ne se finissait plus. C’est ça qui m’a fait aimer le football.

Ton frère est aussi joueur professionnel. Comment expliquerais-tu cette réussite familiale ?

Mon père jouait à Lorient, en D3 à l’époque. Naturellement, il regardait les matchs à la télé. Avec mes deux frères, on allait avec lui, et on a joué au foot, tous les trois. Mon deuxième frère a joué jusqu’à Rennes, en CFA, et il a arrêté après. On est une famille de foot, de footballeurs.

Quels sont tes premiers souvenirs dans le foot ?

Les tournois en jeunes avec Le Havre. Ce sont vraiment des supers souvenirs. C’est ça qui m’a vraiment fait aimer le football. Il y a eu l’équipe de France des jeunes aussi, où j’ai tout gagné. Surtout les années de formation, je dirais. C’était vraiment super.

Et tu as même croisé un certain Marinos Ouznidis au Havre…

Comme j’étais déjà au club du Havre étant poussin, on était ramasseurs de balle, à tous les matchs. Il y avait Ouznidis qui jouait à cette époque-là, et c’est comme ça que je l’ai connu. Quand je suis arrivé en Grèce, ça m’a fait bizarre (rires). Il a vraiment changé, je ne l’ai même pas reconnu.

Le fait de faire carrière avec Damien, ton frère, est un rêve que tu as eu à un moment donné ? Que tu as encore ?

Un rêve … (il hésite). On ne va pas dire que c’est un rêve, mais c’est vraiment kiffant d’avoir un frère dans le foot. En plus, c’est mon petit frère, donc il suit mes conseils. Je l’ai tous les jours au téléphone. On sait de quoi on parle. Comme j’ai un peu plus d’expérience que lui, il m’écoute. Pourquoi ne pas jouer ensemble un jour ? Ça a failli se faire cet été, j’ai failli bouger. Il y a eu quelques contacts, mais rien n’a abouti.


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Ce rôle de grand frère, ces conseils, c’est uniquement sur le football, ou également en dehors ?

Tout ! On parle de tout. Je suis souvent là quand il a des coups de mou. Aujourd’hui, ça va super bien. Mais il a eu vraiment des bas dans sa carrière, notamment en Ukraine. Ce n’était pas évident, il fallait être derrière lui. C’est pour les choix de carrière, l’extrasportif, le business, un peu de tout quoi. On est là pour conseiller.

Il est en Serbie maintenant, à l’Étoile Rouge. Il s’est bien relancé…

Il se fait un petit parcours dans l’Est. C’est vraiment super, je suis content, et je regarde tous ses matchs. Il a vraiment évolué. Aujourd’hui, il joue milieu défensif, voire défenseur. Il a complètement changé de position. Ça fait plaisir de le voir évoluer à ce niveau-là, à l’Étoile Rouge de Belgrade. Ils ont failli jouer la Ligue des Champions, c’est dommage. Ils ont perdu contre Ludogorets, puis contre Sassuolo en barrages de l’Europa League. Ce n’était pas évident. Pourquoi pas aller plus haut ? Là-bas, il y a beaucoup de recruteurs qui viennent voir les matchs. C’est une grosse plaque tournante, et il a vraiment la côte. Je pense qu’il va toucher un plus gros club bientôt.

Tu es passé par pas mal de clubs en France après Liverpool. Quel regard portes-tu sur le football français, ses acteurs ?

Je suis toujours l’actualité. Ce que je pense ? C’est un super championnat. Il est complet, surtout aujourd’hui. Bon, maintenant, il y a vraiment de grosses stars qui arrivent, notamment avec les Qataris et les Russes qui sont venus dans le championnat de France. Il y Aulas aussi, qui met son grain de sel (rires). On a aussi trois clubs français en Ligue des Champions, par exemple. On a vu aussi Saint-Etienne battre l’AEK, qui n’est pas une équipe évidente. J’ai fait de nombreuses années, et je suis vraiment fier d’avoir joué en France.

 Ton arrivée en Grèce se passe en juillet 2015. Quand l’intérêt de l’Atromitos est arrivé, comment l’as-tu perçu ?

Je ne connaissais pas le club. Je voulais bouger de la France, partir à l’étranger pour connaître autre chose, encore une fois. Il y avait Laurent Agouazi qui avait joué à l’Atromitos, et je l’ai appelé. J’ai pris des renseignements, et il m’a vraiment bien parlé de ce club. J’ai foncé, en plus ça jouait les barrages de l’Europa League. C’était dans la capitale, avec un super cadre de vie. J’ai foncé quoi, j’ai suivi les conseils de « Lolo » et aujourd’hui ça se passe plutôt pas mal.

© FRANCOIS LO PRESTI/AFP/GettyImages
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Les conseils avant de signer en Grèce, c’est quelque chose d’indispensable ?

C’est indispensable, c’est clair. Après, tout ce que j’ai vécu l’année dernière, on ne me l’avait pas dit (rires). C’est beaucoup d’imprévus. On ne pouvait pas le savoir. La crise économique, les supporters qui foutent la merde dans les stades, la corruption des arbitres … Il y a eu pas mal de choses, et ça continue encore là, avec ce report. Mais bon, maintenant je m’y fais, je me suis adapté, et j’ai hâte de commencer.

Tu as demandé des conseils à Rafik Djebbour, aussi. C’est un peu le francophone qui connaît le mieux la Grèce, non ?

Je l’avais eu, parce qu’il y avait eu un intérêt de l’AEK un mois avant l’Atromitos. Je l’avais appelé pour ça. Lui aussi m’avait conseillé de venir. Et il avait été clair et net : « soit tu adores la Grèce, soit tu détestes. »

Tu es passé par Liverpool qui est sûrement l’un des clubs les plus organisés et structuré du monde. Quand tu es arrivé à l’Atromitos, ça t’a fait quoi ?

En termes d’infrastructures, ça va quand même. On a de bonnes installations, un super spa, un bon terrain. Après, c’est vrai qu’au niveau de l’organisation, ça fait rigoler des fois. Ça énerve, mais aujourd’hui j’en rigole. À deux ou trois jours d’un match, on ne sait pas quand est ce qu’on va jouer, si c’est le samedi ou le dimanche. Même là, pour la reprise, on ne savait même pas si on allait jouer le PAS Giannina ou Kerkyra. Des fois, c’est un peu compliqué pour préparer les matchs. Mais bon, il faut s’adapter. C’est comme ça, c’est le championnat grec.

Tu avais parlé du club des supporters Liverpool à Athènes. Le fait d’être passé au club te suit encore ?

Oui, je les ai rencontrés. Dans tous les clubs où je vais, on me parle de ça. Même là, les supporters grecs de Liverpool m’ont super bien accueilli. Ça te suit toute ta carrière, d’autant plus que j’ai vécu l’épopée Ligue des Champions qu’on a gagnée. C’est plutôt bien, je pense.

Tu as donc découvert la Superleague l’an dernier. Quelle fut ton opinion ?

C’est un peu contrasté. Il y a vraiment des gros clubs ici, qui ont le niveau Ligue 1. Après, c’est plutôt le niveau Ligue 2 ou maintien. C’est un peu difficile de juger ce championnat, parce qu’il est coupé en deux, avec au milieu Xanthi, Atromitos et l’Asteras, ainsi que Panionios.

Il t’a fallu un temps d’adaptation, et vous ratez les playoffs de peu, en fin de saison. Ça laisse des regrets ?

Beaucoup de regrets, parce qu’on avait vraiment les moyens de jouer ces playoffs qui étaient synonymes de barrages d’Europa League. C’est vraiment dommage, parce que je pense qu’on était vraiment meilleur que Panionios, et on les a battus deux fois en championnat d’ailleurs. On a eu un gros creux dans le championnat, et on l’a payé.

Tu évoquais aussi les problèmes d’arbitrage. C’est quelque chose de vraiment perceptible ?

Bien sûr, et on peut le voir aujourd’hui. Pourquoi on a reporté le championnat ? Parce que c’est un énorme problème. Ce n’est pas normal ce qui se passe, mais bon, j’espère qu’avec tout ça, ça va rentrer dans l’ordre et que le championnat sera plus beaucoup serré. Moi qui suis attaquant, je n’avais pas le droit d’avoir une occasion (rires). J’ai été signalé 7 fois hors-jeu, je n’ai jamais vécu ça. C’est dommage, parce que c’est un bon championnat quand même, et quand il y a des trucs comme ça qui se passent… ça énerve. Mais on est quand même content d’être ici.

En Coupe, vous arrivez en demi-finale, avant qu’elle ne soit annulée, puis décalée. Comment as-tu vécu cette période ?

C’est ça aussi qui a un peu gâché le truc quoi. Quatre heures avant le coup d’envoi de la demi-finale aller, on nous dit que le match est annulé, par rapport à ce qui s’était passé la veille entre l’Olympiakos et le PAOK. Je pense que ça a coupé l’élan de tout le monde. En plus, on a joué un mois après, et les deux matchs étaient à huis clos. C’est compliqué de jouer des demi-finales quand ça ressemble à des amicaux. Au retour, on gagne 1-0, et à la 89′, sur un contre, on prend un but et c’est terminé. C’était encore dommage, parce qu’on aurait pu jouer la coupe d’Europe en allant en finale.

© FRANCOIS LO PRESTI/AFP/GettyImages
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Au niveau de l’ambiance, on sait que ce n’est pas mal dans quelques stades en Grèce. Tu en as pensé quoi ?

Il y a 5-6 matchs vraiment très intéressants, quand on joue chez les clubs. C’est toujours bien de jouer ce genre de rencontre. Quand on est footballeur, et compétiteur, on adore ça. Et il y en a ici, donc c’est cool.

Cet été, il y a eu beaucoup de flou autour de ton contrat. Il s’est passé quoi ?

Comme on n’a pas touché la coupe d’Europe, le budget a été moindre. Beaucoup de salaires de joueurs ont été baissés. Moi j’ai réussi à avoir un accord avec eux, conditionné sur la performance sportive. Maintenant, j’espère qu’on va aller aux playoffs, pour que je sois gagnant.

Comment gère-t-on une préparation entamée début juillet, sans connaître la date de la reprise ?

C’était vraiment une très très grosse préparation, peut être l’une des plus dures de ma carrière, je pense. En plus, comme le championnat a été reporté, le préparateur physique n’a pas voulu nous laisser comme ça. Il nous a dit : « on n’a pas fait ce travail pour rien », donc il nous a maintenus au niveau jusqu’à là. C’est très dur physiquement, mais maintenant il faut qu’on commence, ça devient long.

Cette incertitude peut pousser au départ ?

L’organisation, c’est une organisation grecque quoi (rires). C’est sûr qu’il y a beaucoup de joueurs qui sont déçus par rapport à ça, c’est clair et net. Mais si tu n’as pas le choix, tu restes là et puis c’est tout.

Tu vas entamer ta deuxième saison. Comment tu l’appréhendes ? Tu te sens plus préparé ?

Oui bien sûr, il y a un peu de tout. Je me suis adapté au championnat grec. Quand je suis arrivé, je n’avais pas de préparation dans les jambes, et il fallait que je me fasse un peu à tout ça. Maintenant que je connais un peu tout, la langue, le championnat, les terrains… Parce que ce n’est pas évident de jouer dans les stades à l’extérieur ! Je pense que je vais faire une meilleure saison que l’année dernière, ça serait assez logique. J’ai fini fort, et j’espère que ça va continuer, même s’il y a eu un gros trou entre la fin en avril et la reprise en septembre. Sur les matchs de prépa, j’ai été performant, et je suis en jambes.

Au niveau de l’effectif de l’Atromitos version 2016-2017, comment le trouves-tu ?

(Il réfléchit). Mitigé. Je ne sais pas encore, faut qu’on arrive à commencer le championnat pour juger l’équipe. On ne peut pas avoir un vrai avis sur les matchs amicaux. On a perdu des joueurs, quand même, donc on va voir. On a un gardien qui a fait des exploits contre la France (rires), c’est un bon point ça.

En ce qui concerne la vie hors football, tu apprécies la vie grecque ?

Oui, heureusement ! Ma famille aussi adore la vie en Grèce. Ça fait beaucoup quand tu te lèves et que le soleil est là, qu’il fait chaud. Ça donne de la bonne humeur, même si c’est compliqué des fois. Heureusement qu’il y a ce cadre de vie, pour éviter de penser aux petits problèmes qu’il peut y avoir.

Comment vois-tu la fin de ta carrière ?

J’ai encore la pêche. J’ai 32 ans, je suis encore en jambes, et j’ai envie de jouer le maximum possible. Je ne lâcherai rien du tout, j’arrêterai quand je ne pourrai plus courir. Je vais faire mon année en Grèce, et après on verra bien ce qui va se passer. Dans le foot, on ne sait jamais.

Il y a beaucoup de jeunes talents en Grèce, mais, pourtant, la sélection ne décolle pas. Comment l’expliquerais-tu ?

C’est un peu compliqué de parler de ça, parce qu’en France, on a une formation extraordinaire. Ici, je ne sais pas trop comment elle est, parce que je ne vois pas les jeunes, sauf ceux qui montent avec nous. En France, c’est beaucoup plus structuré, et on peut le voir avec les résultats des équipes de jeunes. C’est toujours le haut niveau. Après, la Grèce est un petit pays. Je ne sais pas s’ils ont les moyens de développer la formation… Mais il y a quand même des jeunes talents en Grèce. Dans mon club, il y en a deux ou trois vraiment pas mal. Il y’a Liminios, mais il y a également Thomas Vasiliou. Lui, il a énorme talent. Il est très prometteur. Tous les jours je lui dis ! Je lui parle, aussi. S’il croit en ses qualités, s’il joue avec sa tête, il peut aller vraiment loin.

© FRANCOIS LO PRESTI/AFP/GettyImages
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Tu as un peu ce rôle de grand frère avec eux ?

Oui. Ils m’écoutent. Ils connaissent mon expérience, mon vécu.

Est-ce que tu as des regrets par rapport à ta carrière ?

C’est le destin, même si on me prédisait une carrière internationale, vu comment j’avais démarré. J’ai quelques regrets par rapport à ça. Après, c’est le football, c’est comme ça. C’est les choix de clubs, les blessures. J’ai toujours été régulier, j’ai toujours joué, donc pour l’instant je suis fier de ma carrière, et j’espère qu’elle sera encore longue.

Vous avez, finalement, un destin qui se ressemble avec ton frère. C’est le hasard ?

Je ne sais pas. Il n’y a pas de hasard. On est toujours là, on a toujours joué au haut niveau, donc on ne se plaint pas.

J’imagine que tu dois avoir pas mal d’anecdotes à raconter sur ton expérience en Grèce…

C’était la première fois de ma carrière que je vivais des moments comme ça. Ne sachant pas, deux ou trois jours avant un match, à quelle heure et quel jour on allait jouer. C’est ça qui m’a choqué, un peu, par rapport à l’organisation des matchs, des annulations. On m’a dit que c’était fréquent ici, et j’étais un peu surpris par rapport à ça. En France ou en Angleterre, c’est toujours carré. Ici, voilà quoi… (rires).

Ça fait mûrir de venir ici ?

Je le prends comme une bonne expérience. Mais c’est sûr que ça fait prendre cinq ou six ans d’un coup !

Il y a beaucoup de Français ou francophones en Superleague. Vous vous parlez souvent ?

Avant les matchs, on se voit pour parler de la vie en Grèce, dans les clubs. C’est sûr qu’on est soudé entre nous. Il y a trois ou quatre petits qui m’avaient demandé des renseignements. Moi j’avais été clair avec eux. On m’appelle pour ça, pour me demander si on était bien payés (rires).

Pour finir, que penses-tu du recrutement des gros clubs ? On a l’impression que ça sera plus serré cette année.

J’ai vu le recrutement des grosses équipes, et je pense qu’on ne va pas s’ennuyer cette année. Ça va être beaucoup plus serré. Même l’Asteras et Panionios ont bien recruté, donc ça va être un championnat disputé. Ça va être sympa.

Martial Debeaux


Image à la une : © FRANCOIS LO PRESTI/AFP/GettyImages

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