Temps de lecture 7 minutesEuro 2016 : XI de légende – Valentin Ivanov, la star des années 60 made in URSS

Si cet Euro 2016 ne verra aucune équipe Footballski aller au bout, il va sans dire que le football de l’Est et ses joueurs ont souvent marqué les éditions précédentes de cette grande compétition. De quoi vous proposer notre XI de légende à travers une série de onze portraits. Onze joueurs qui ont su marquer l’histoire de la compétition.


Valentin Kozmitch Ivanov est connu pour avoir été meilleur buteur de l’Euro 1960 avec l’URSS. Mais c’est surtout pour sa vitesse, ses dribbles et son attachement pour le Torpedo Moscou qu’on se souvient de lui. Il fut l’une des vedettes pendant des années de la très efficace équipe d’URSS, qui a remporté les jeux Olympiques, le tout premier Championnat d’Europe en 1960, et qui fit trembler les grandes nations en Coupe du Monde. Décédé en 2011 de la maladie d’Alzheimer à l’âge de 76 ans, retour sur une légende du football made in Union Soviétique qui a toute sa place dans notre XI.

XI de légende : Milieu de terrain – Valentin Ivanov

L’envol moscovite

Valentin Ivanov est né à Moscou le 19 novembre 1934 en pleine affirmation politique de Staline et juste avant les Grandes purges qui ont vu la condamnation et l’exécution de nombreux (et c’est un euphémisme) membres du parti communiste et autres inconnus. Dès sa plus tendre enfance, le jeune Valya s’est mis à jouer au football. Alors qu’il se rendait tous les jours à l’école primaire, il jouait avec les enfants de son quartier après les cours pendant des heures et des heures. Puis il a rejoint une équipe que son grand frère avait créé. Mais dès l’âge de 15 ans, Ivanov a dû abandonner l’école et rejoindre l’usine pour y travailler en tant que mécanicien.

Ivanov, vers 1966. | © Central Press/Getty Images
Ivanov, vers 1966. | © Central Press/Getty Images

Sous les conseils de ces copains locaux, il intègre alors l’équipe de l’usine, comme cela se faisait beaucoup à l’époque. Très vite repéré pour sa vitesse et sa facilité à éliminer, il tape dans l’œil de Georgi Zharkov, joueur soviétique des années 30, notamment passé par le Dinamo Smolensk et Torpedo, reconverti entraîneur. En 1952, celui-ci invite le jeune Valya à rejoindre le Torpedo, fraîchement vainqueur de la Coupe de Russie, où Zharkov lui-même officiait. En à peine un an, Valentin Ivanov a gravi les échelons du club pour se retrouver en équipe première, malgré une concurrence rude et son jeune âge.

A ce moment-là, le jeune moscovite, mécano de profession, ne savait sans doute pas qu’il y ferait toute sa carrière, jouerait en équipe nationale et y deviendrait un membre-clé.

A ce moment-là, le jeune moscovite, mécano de profession, ne savait sans doute pas qu’il y ferait toute sa carrière, jouerait en équipe nationale et y deviendrait un membre-clé de la réussite de la Sbornaya aux débuts des années 60.  A ses côtés au Torpedo, Ivanov a côtoyé Edouard Streltsov, Valeri Voronin, Slava Metreveli, Viktor Shustikov entre autres. Tous ces joueurs-là ont un jour eu la chance de porter le maillot de l’équipe nationale d’URSS. Dans le club des fabricants de voiture, Ivanov se fait vite une place sur l’aile. Particulièrement vif et très habile dans ses déplacements malgré l’état catastrophique des pelouses, la plupart du temps, Ivanov devient un élément incontournable du club à l’orée des années 1960.

Il fut l’une des vedettes pendant des années de la très efficace équipe d’URSS, qui a remporté les jeux Olympiques, le tout premier Championnat d’Europe, et qui fit trembler les grandes nations en Coupe du Monde

Entre-temps, le 26 juin 1955, il débute en équipe nationale avec son coéquipier Streltsov et inflige une leçon de football (6 à 0) à une équipe de Suède pourtant très expérimentée. Commençant à se faire un nom, il remporte son premier titre à Melbourne en 1958 lors des Jeux olympiques. Pour l’anecdote, l’URSS affrontait en finale la Yougoslavie, alors que des tensions diplomatiques sérieuses existaient entre les deux pays. Les Soviétiques l’ont emporté sur le score de 1 à 0. Ivanov, peu performant lors des matchs de poule, n’a pas disputé la finale, mais a glané ses premières gloires avec la Sbornaya. Avec son club et signe d’une montée en puissance progressive de la jeune star moscovite, il contribua grandement au doublé coupe-championnat en 1960.

Igor Chislenko et Valentin Ivanov, 1966. | © V. Un Dasin/Central Press/Getty Images
Igor Chislenko et Valentin Ivanov, 1966. | © V. Un Dasin/Central Press/Getty Images

Très en confiance et inarrêtable cette année-là, il devient un élément majeur de l’équipe nationale qui gagnera l’Euro la même année ! Le tournoi prend la forme d’éliminatoires en aller-retour, avant qu’une phase finale ne regroupe les quatre dernières équipes sur le sol d’un pays hôte, en l’occurrence la France. L’équipe d’Ivanov bat la Hongrie 3-1 puis 1-0. En quarts de finale, l’Espagne et les maillots CCCP devaient jouer une sorte de finale avant l’heure. Solidement armée aux avant-postes, où cohabitaient Luis Suarez (Ballon d’Or 1960), le naturalisé Alfredo Di Stefano et Francisco Gento, la Roja s’avançait ultra conquérante.

Le général Franco s’oppose cependant à ce qu’un symbole national aille se souiller les pieds chez les ex-alliés des Républicains espagnols. L’UEFA décide d’expulser la Roja du tournoi.

Le général Franco, alors au pouvoir en Espagne, s’oppose cependant à ce qu’un symbole national aille se souiller les pieds chez les ex-alliés des Républicains espagnols. L’Espagne déclare forfait et l’UEFA expulse donc la Roja du tournoi. Directement en demi-finales, les maillots CCCP dominent alors facilement la Tchécoslovaquie 3-0 avec un doublé d’Ivanov lui-même et un autre but de Ponedelnik. Hasard du tirage au sort, c’est encore la Yougoslavie et les protégés du maréchal Tito qui se dressent face à la Sbornaya en finale. Mais pour sa première édition, l’Euro ne passionne pas les foules. Le Parc des Princes n’accueille que 18 000 personnes pour la finale. Rapidement menés 1 à 0 et largement bousculés, les Soviétiques retrouvaient en deuxième mi-temps tout leur allant, d’abord grâce à Metreveli, puis grâce à une tête de Ponedelnik en prolongations qui donne la victoire à la sélection soviétique (2-1).

A 25 ans, Ivanov avait ainsi déjà remporté deux trophées majeurs avec son équipe nationale. Il finit même meilleur buteur, avec seulement 2 buts certes, mais il fut clairement le maillon fort offensif avec son ami et numéro 9 Ponedelnik de l’équipe dirigée par Gavriil Kachalin. D’ailleurs, cet Euro-là marquait clairement l’avènement de Valentin Ivanov qui a pris une autre dimension que celle de simple acolyte de Streltsov.

En 1962 et 1964, encore des regrets

Deux ans plus tard, au Chili et face au gratin mondial, on reprend les mêmes et rebelote ! Lors de cette Coupe du Monde, dès les matchs de groupe, le duo Ivanov-Ponedelnik fait encore des siennes en inscrivant 6 des 8 buts inscrits par la Sbornaya face à la Yougoslavie, la Colombie et l’Uruguay. Mais le 10 juin, à Arica et dans un stade acquis à la cause de son adversaire, l’équipe nationale soviétique s’incline 2-1 face au Chili grâce notamment à un but de Leonel Sanchez, considéré par beaucoup comme le meilleur joueur chilien de tous les temps. Cette défaite face au pays organisateur a mis fin aux espoirs mondiaux de l’ailier moscovite. Il finit néanmoins meilleur buteur de la compétition avec 4 buts donc, à égalité avec 5 autres joueurs dont Sanchez.

© Central Press/Getty Images
© Central Press/Getty Images

Deux ans plus tard, en 1964, Ivanov porte haut les couleurs de l’URSS qui est de nouveau finaliste du championnat d’Europe. Le tenant du titre était dispensé de tour préliminaire et n’est entré dans la compétition qu’en huitièmes de finale. Deux victoires plus tard et l’URSS se trouvait déjà en demi-finale face à LA surprise du tournoi, le Danemark. Une victoire 3-0 et les coéquipiers d’Ivanov se retrouvent en finale pour défendre leur titre face à la Roja, qui avait refusé de jouer contre eux deux ans auparavant. Face au pays organisateur et devant le bouillant public du Stade Bernabeu, la Sbornaya s’inclina sur le score de 2 buts à 1. Malgré une génération dorée, cette équipe-là n’a pu remporter que l’Euro 1960, mais sans doute aurait-elle méritée beaucoup plus tellement elle était composée de joueurs incroyables.

Son fils, arbitre international, a distribué 16 cartons jaunes et 4 cartons rouges en 2006

Entre temps, Ivanov a eu un fils avec Lidia Ivanova, championne olympique de gymnastique artistique. Son fils, Valentin Valentinovitch Ivanov, arbitre international, est d’ailleurs resté célèbre pour avoir arbitré le huitième de finale Portugal – Pays-Bas lors du mondial allemand de 2006. Durant « La Bataille de Nuremberg » comme beaucoup avait surnommé ce match, le fils Ivanov a distribué 16 cartons jaunes et 4 rouges, un record pour une coupe du monde !

Au final, sous les couleurs nationales, Ivanov a marqué 26 buts en 59 matchs, soit le troisième meilleur total derrière Oleg Blokhine et Oleg Protasov. Son dernier titre majeur reste le titre de champion URSS en 1965 avec ses amis du Torpedo. Son bilan en fait l’un des tous premiers joueurs stars made in URSS et connus hors des frontières de l’Union. Avec 124 buts sous le maillot du Torpedo, il figure parmi les membres du Club Gregory Fedotov, qui regroupe l’ensemble des joueurs à plus de 100 buts en Russie. Après sa carrière, il a entraîné le Torpedo à quatre reprises, remportant notamment le championnat d’URSS en 1976 ainsi que trois coupes d’URSS, en 1968, 1972 et 1986.

Une triste fin, dans l’ombre, pour un joueur qui ne se mettait jamais dans la lumière

Au début des années 2000, il est diagnostiqué malade d’Alzheimer, mais pudique et discret comme il l’avait toujours été, Ivanov ne souhaitait pas évoquer le sujet publiquement. Depuis 2003, il était conseiller du président du Torpedo. Il est décédé le 8 novembre 2011 peu avant son 77ème anniversaire dans un certain anonymat. Selon Nikita Simonyan, meilleur buteur de l’histoire du Spartak Moscou et intime de la famille Ivanov, « celui-ci souffrait beaucoup mais se battait avec ses armes contre la maladie. Sa femme a tout fait pour essayer de le soulager, mais comme tout le monde le sait, la maladie d’Alzheimer est une maladie puissante et incurable. »

« C’est très triste lorsqu’un tel homme s’en va », déclara l’ancien gardien de l’URSS et du Torpedo Anzor Kavazashvili, « Ivanov a laissé une marque indélébile sur l’histoire du football russe, son nom est écrit en lettres d’or dans l’histoire de notre football. Il était aimé par tous, non seulement par les joueurs de football, mais aussi par tous ceux qui avaient un moindre respect pour ce sport. Nous avons perdu un homme qui était un modèle pour les jeunes générations. » Le jour même de la mort d’Ivanov, le maire de Moscou, Sergei Sobyanin, annonça que le corps de l’ancien attaquant vedette de la Sbornaya serait enterré dans le cimetière Vagankovo, connu pour abriter un grand nombre de sépultures de personnalités du sport et des arts, comme s’il était nécessaire de souligner encore un peu plus la grandeur du bonhomme qui venait de nous quitter.

Robin Bjalon


Image à la une: © V. Shandrin/Central Press/Getty Images

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2 Comments

  1. Pierre Fontaine 12 juillet 2016 at 7 h 56 min

    Bonjour,
    Merci pour cet article très enrichissant. Je ne connaissais pas ce joueur et pourtant il semble avoir marqué le football russe de par son talent. De simple ouvrier d’usine à sélectionné en équipe nationale… Quel parcours incroyable !

    Reply
  2. Pingback: L'URSS et la Coupe du Monde #2 : 1962, espoirs et désenchantement - Footballski - Le football de l'est

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